Après l’histoire de l’islam publiée l’an passé à la même époque, la Documentation photographique et l’Institut européen d’histoire des religions publient une histoire du judaïsme qui mérite assurément le détour. On appréciera ici la richesse iconographique avec des documents rarement présentés ailleurs. Les musées israéliens mais aussi celui de Damas ont été mis à contribution et cette publication donne une idée de la richesse de leur fond.
Mais c’est bien entendu par la mise en perspective de Sonia Fellous qu’il faut commencer cette présentation. Chargée de recherche au CNRS dans le cadre de l’institut de recherche et d’histoire des textes, elle a un rapport privilégié à cette analyse du judaïsme qui s’est diffusé très tôt par l’écrit biblique et par ses diverses interprétations et exégèses.

La bible est donc l’instrument premier de l’étude de l’histoire du judaïsme et du peuple qui en a été le porteur. Le judaïsme n’est pas seulement une religion dit-elle, mais aussi une culture et une manière de vivre. Ce qui est unique dans doute c’est qu’un peuple, par delà les vicissitudes de l’histoire, a su en être porteur et transmettre plusieurs interprétations des textes fondateurs.
Le récit biblique, l’histoire du peuple juif dans l’Ancien testament, sert de première approche à une histoire du judaïsme et l’archéologie, la philologie viennent éclairer aussi ce récit biblique.
Le judaïsme n’est pas unique. Très tôt les interprétations différentes des textes bibliques ont opposé les courants du judaïsme. Sadducéens et Pharisiens, Esséniens et Zélotes étaient les principaux courants présents dans la Province romaine de Palestine.
Sonia Fellous balaye donc en 15 pages enrichies d’encadrés sur des points du Rite, comme le Shabbat, les différentes étapes de cette histoire. La formation progressive du Talmud, ( Il faudrait dire des talmuds), la place des juifs en terre d’islam ou chrétienne, et celle des souffrances subies par les communautés à la fin du Moyen-Âge.

De la Renaissance aux temps modernes, le judaïsme connait de profonds bouleversements. Un nouvel anti-judaïsme se développe avec la Contre Réforme, tandis que les communautés se structurent et se différencient. L’expulsion des juifs d’Espagne a permis le développement de communautés en Europe du Nord et du Nord Ouest mais aussi dans les pays du Maghreb. Les sépharades qui forment de grandes communautés en Pologne subissent leurs premiers pogromes, de la part des russes, mais aussi des suédois. Le messianisme devient une forme d’espoir en ces temps difficiles en même temps que la Kabbale se retrouve marginalisée par les autorités rabbiniques.

L’époque des lumières obéit à un double mouvement. Le hassidisme qui correspond à une conception émotionnelle du judaïsme et le choix de la modernité incarné par Moïse Mendelssohn. ( 1729 – 1786)
Cette figure du mouvement intellectuel juif est considéré comme un précurseur du mouvement d’assimilation.
C’est en Allemagne que ce mouvement se développe le plus tôt. Il s’oppose aux communautés traditionnelles qui se renferment dans des écoles talmudiques tandis que les courants migratoires vers la France et le Nouveau Monde s’accélèrent à partir de l’Europe centrale.

Au XXe siècle le judaïsme fait face à la naissance d’un mouvement national juif inspiré, l’auteur ne le dit pas , par les marxistes austro-hongrois que Théodor Herzl a lus attentivement, et l’antisémitisme moderne dont le nazisme a été l’expression la plus achevée et la plus barbare.
Ce qui est étonnant d’ailleurs c’est que la Naissance de l’État d’Israël n’est pas présentée comme une des conséquences de la destruction des juifs d’Europe. On aurait aimé quand même, parmi les différentes notices, voir une présentation de l’immigration juive vers la Palestine. ( Dans cette notice consacrée à Israël et au judaïsme on aurait aimé lire quelques remarques sur l’impact de cette migration, assimilée à une colonisation, sur les peuples de la région.

On peut sans doute comprendre que dans ce cadre, la Documentation française ait fait un choix éditorial qui lui évite de se retrouver impliquée dans la controverse sur cette question de l’État d’Israël. Je ne me fais pas d’illusion, et je m’attends sur mon mail privé à quelques interpellations (parfois violentes) de militants de l’un ou l’autre point de vue.
Toutefois ont aurait quand même pu trouver une carte du proche orient montrant le problème au niveau spatial ainsi qu’une localisation des lieux saints du judaïsme. ( Tombeaux des patriarches, etc.)

Bien entendu ce numéro de la documentation photographique s’adresse à des professeurs d’histoire et de géographie du secondaire qui pourront y trouver des réponses très précises sur les éléments du rituel sur lesquels les élèves pourront les interroger. La kasherout ou le shabbat, le statut des femmes, la différence entre ashkénazes et séfarades.
On trouvera ensuite une très intéressante notice sur la vie et la mort de schtetl, qui désigne les bourgades juives d’Europe centrale et orientale, subissant à partir de Nicolas Ier la russification brutale et les pogromes.

Au final ce numéro est d’une grande richesse et ne peut laisser sur leur faim que les spécialistes des conflits du Proche Orient dans lesquels l’État juif est partie prenante directement et indirectement. Mais pour répondre strictement à son objet, c’est bien une histoire du judaïsme que l’on découvre ici. Il y a de fortes chances pour qu’à Blois, pour les rendez–vous de l’histoire, l’on assiste à de très riches échanges. Ils seront relayés en direct sur ce site.

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Bruno Modica © Clionautes