Ce livre est composé de textes issus du colloque « L’avenir du passé : modernité de l’archéologie » qui s’est tenu en 2006. Il se structure en quatre parties intitulées : « connaître la trajectoire de l’humanité, comprendre les sociétés contemporaines, conserver et restituer le passé, archéologie et passions identitaires ».
Les contributeurs viennent de différents horizons puisqu’on retrouve des philosophes, des historiens ou des archéologues. L’ambition de ce livre est de montrer combien l’archéologie peut être utile au-delà même de son champ traditionnel.
Connaître la trajectoire de l’humanité apparaît, avec ce titre, comme étant ce qui semble le plus attendu et le plus connu de l’archéologie. Ainsi en est-il du climat au temps de nos ancêtres. Traditionnellement on conçoit que l’archéologie apporte des informations sur les périodes les plus anciennes. Stéphanie Thiébault montre combien l’approche sur les relations homme-climat doit être pluridisciplinaire. L’archéologie et la climatologie s’accordent sur l’idée qu’une stabilité du climat doit être rejetée. Elle nuance plus qu’elle ne remet en cause ce que l’on sait actuellement du réchauffement climatique. Pascal Picq enchaîne et revient sur un de ses leitmotiv : il faut prendre en compte les avancées de la connaissance en éthologie sur les grands singes pour comprendre la question des origines de la lignée humaine.

Comprendre les sociétés contemporaines éclaire des aspects moins connus de l’archéologie. L’article intitulé « Archéologie de la violence et de la guerre » se révèle à la fois passionnant et terrifiant. L’archéologie peut aider, et aide d’ailleurs, lors de la découverte de charniers contemporains comme en Bosnie ou au Rwanda. Un autre article traite du même sujet et s’intéresse à l’archéologie et à l’anthropologie médico-légales dans le contexte international. L’auteur revient sur la question du Rwanda. Le ton est parfois très descriptif et aboutit à des informations assez glaçantes : « la dynamique de conservation des tissus organiques enfouis dans une fosse commune diffère de celle d’un cadavre unique disposé dans une sépulture individuelle ».
Jean Guilaine reprend aussi notamment l’histoire d’Otzi, ou Hibernatus si vous préférez, et montre qu’on sait aujourd’hui que sa lame de silex contenait quatre sangs différents. Il n’était peut-être pas un individu très recommandable ! L’auteur souligne pour conclure que l’archéologie peut servir à la fois dans les fouilles d’urgence, dans l’amélioration des techniques d’enquête ou encore dans le réexamen de vestiges archéologiques.
Joelle Burnouf, auteur d’un remarquable livre sur l’apport de l’archéologie pour la période du Moyen-Age (Archéologie médiévale en France : XII ème-XVI ème, La Découverte, 2008), consacre avec Gérard Chouquer un article à l’étude des paysages. Tous deux invitent à modifier nos schémas sur cette histoire et montrent qu’il faut beaucoup plus insister sur la continuité que sur d’hypothétiques variations.
De la troisième partie, on retiendra l’article de George Okello Abungu qui se livre à un état des lieux de la question des pillages. Continent par continent, il rappelle qu’avec un chiffre d’affaires estimé à 4,5 milliards de dollars et un réseau planétaire, le trafic international des antiquités rivalise avec celui de la drogue.

Archéologie et passions identitaires.
Dans la dernière partie, Neil Asher Silberman explique combien la Bible est un « matériau » difficile à manier. L’archéologie a montré qu’il s’agit d’un document anhistorique « déguisé de façon convaincante en une histoire d’inspiration divine » . L’article sur l’archéologie dans le monde musulman livre une utile synthèse sur une question peu souvent abordée et distingue les pays de passé impérial de ceux de passé colonial pour cerner leur attitude face à l’archéologie. Christian Goudineau, reprenant certains de ses travaux, poursuit logiquement ce tour d’horizon par la question des Gaulois et de leur image.
C’est Jean-P aul Demoule qui conclut dans un article mordant sur l’archéologie de la France. Il rappelle déjà que l’archéologie représente moins de 0,2 % du budget total du Bâtiment et Travaux Publics, soit 2,50 euros par Français et par an. Le coût archéologique d’une ligne TGV est de 1 pour cent. Il insiste aussi sur combien l’archéologie a remis en cause les mythes français et en particulier récemment l’image des Gaulois. A ce propos on pourra lire le très bon livre de Jean-Louis Bruneaux paru cette année aussi ( Nos ancêtres les Gaulois, 2008).

Qu’est-ce que l’archéologie ?

Au terme du livre, c’est ce genre de questionnement qui surgit. On a trop souvent associé l’archéologie à une sorte d’auxiliaire de l’histoire. Voici donc un ouvrage qui partant du plus évident nous entraîne sur les nouveaux terrains de l’archéologie. Cependant, entre les points de vue, les bilans d’étapes et les exposés factuels, cela présente forcément un côté un peu décousu. Rassemblant aussi des profils d’auteurs différents, ce livre cherche donc à marquer une étape et à donner un état des lieux d’une matière en mouvement. C’est bien, mais ne cachons pas qu’entre l’écriture d’un archéologue et celle d’un psychanalyste, cela ne rend pas forcément la lecture aisée.
On prolongera si on le souhaite avec une réflexion plus globale sur l’archéologie et son statut avec le remarquable livre de Laurent Olivier « Le sombre abîme du temps ». L’auteur se livre à une réflexion sur le rapport entre l’archéologie, le passé et le présent tout simplement passionnante et parfois dérangeante. Lorsqu’il réfléchit à comment conserver Oradour sur Glane, il ouvre des perspectives presque abyssales. Et puis, quand il évoque l’expérience du camp de Millie ( à vous de la découvrir !), le doute surgit : on se demande même si celui qui évoque cela fait bien partie «de la maison archéologie » ! En plus donc du livre de Jean-Paul Demoule, lisez absolument le livre de Laurent Olivier et vos idées sur l’archéologie risquent d’être bien différentes après.
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