Il n’est pas toujours facile par les temps qui courent, d’enseigner la guerre d’Algérie, de trouver le ton juste en restant dans l’histoire quand les mémoires s’entremêlent et les passions restent vives. Cet album, publié par les éditions « Petit à petit », nous facilite la tâche. Il s’agit d’un docu-BD qui aborde les différentes phases de l’engrenage conduisant « aux événements algériens ». Yacine et Mustapha, deux supplétifs héros de Monte Cassino, reviennent dans leur pays et retrouvent leur famille. Mais rien ne semble se dérouler comme « avant ». Très marqués par la guerre mais fiers de combattre pour la France, les anciens soldats constatent les changements de leur terre natale. Trouver un emploi s’avère difficile, la misère s’est accentuée et certains colonisés parlent de liberté et d’émancipation. Quand Mustapha et son fils Achour prennent plutôt partie pour la France, Yacine se trouve entraîné, le 8 mai 1945, dans la manifestation en faveur de la victoire, à Sétif,où une poignée « d’indigènes » sort le drapeau algérien pourtant interdit. Une explosion de violence frappe alors l’Algérie. A une centaine de morts européens, s’ajoutent 1 500 décès algériens. La répression est terrible en ce début d’insurrection contre le pays colonisateur. Emprisonné et torturé, Yacine perd de vue sa famille. Cinq après, à sa sortie de prison, il rentre dans la résistance et l’ALN pour retrouver son fils Sélim. Yacine connaît alors la Toussaint rouge, la vague d’attentats sur le territoire algérien, en novembre 1954 . Il erre dans le maquis à la frontière tunisienne et participe au lynchage des populations civiles suspectées de ne pas soutenir la Révolution. Les deux amis finiront leur destin en France.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

On l’a compris le destin des deux héros montre les dilemmes rencontrés par les protagonistes de cette histoire qui colle parfaitement aux principaux faits de la guerre d’Algérie. Incluses dans la narration de la BD, des mises au point documentaires, riches de références diverses (film, texte, biographie, explications sur un événement précis, rappels chronologique) s’avèrent fort utiles pour comprendre les étapes de la guerre, les ruptures et les accélérations de cette histoire coloniale.

En fin d’ouvrage, Guy Pervillé expose les problèmes encore débattus sur la révolte de Sétif, le 8 mai 1945. Est-ce une manifestation provoquée ou fortuite ? Dans tous les cas, elle s’avère le déclenchement des hostilités.

C’est avec ce type de Docu-BD que « le passé qui ne passe pas », selon la formule de Benjamin Stora, s’enseigne plus facilement. Son acquisition est fortement recommandé dans les CDI.