« L’histoire de la Chine en BD » est écrite par un artiste chinois, installé aux Etats-Unis, Jing Liu. La traduction depuis l’oeuvre anglaise publiée chez Stone Bridge Press a été effectuée par Laurent Strim.
Fondées en 1992 à Vannes, les éditions Sully publient une histoire de la Chine en bande dessinée en 4 volumes. Après la parution des volumes 1 et 2 en 2019, la fin d’année 2020 est l’occasion de lire les volumes 3 et 4, parus en septembre. Dans cette série, l’objectif est clairement d’ordre pédagogique grâce un dessin en noir et blanc qui se révèle très clair et une large place accordée à de petites synthèses pour apprécier le contexte de l’évènement.
Volume 1 – Les fondations de la civilisation chinoise : de l’Empereur jaune à la dynastie Han (de -2697 à 220)
Ce premier volume s’attache à dresser un panorama de l’histoire de chinoise en 5000 ans, puis de raconter les principales évolutions dynastiques depuis les Shang aux Han, en passant par les Zhou (occidentaux et orientaux) et les Qin. Dès le début, l’auteur insiste sur les principales dynasties parmi les 95 de l’histoire de Chine. Elles sont définies dans le temps (via une infographie) et l’espace (grâce à des cartes montrant l’expansion maximale de la souveraineté).
Après 17434 catastrophes naturelles, 3791 guerres, 663 empereurs et 95 dynasties, la civilisation chinoise, vieille de 5000 ans, poursuit sa marche.
Jing Liu, Histoire de la Chine en BD – Volume 1, Sully, 2019, page 13
Les enseignants pourront mobiliser les pages 18 et 19 afin de traiter la périodisation en classe de Seconde. « Le cycle dynastique » est présenté à l’aide de deux cases clairement construites qui insistent sur les différentes phases du pouvoir que l’on retrouve généralement au sein d’un dynastie. Les bornes géographiques sont également visibles dès les premières pages du volume avec la division de la Chine en deux espaces, plus ou moins denses démographiquement en fonction des précipitations. Des graphiques permettent d’apprécier les pertes démographiques dans les dernières années d’un dynastie. Par exemple, en s’appuyant sur des sources chinoises mentionnées à la fin du volume, l’auteur estime que 67% de la population chinoise sous les Sui (581-618) a disparu dans la décennie 610, soit 31 millions d’habitants.
Après le récit des origines mythiques et non-confirmées par les archéologues, la dynastie des Shang s’installe vers -1600. Des caractères chinois, retrouvés sur des os ou des écailles, permettent de comprendre l’origine de certains caractères chinois modernes (le buffle, la capitale, l’arbre, l’eau). Un soulèvement dans le royaume des Zhou met fin à la dynastie Shang et augure une nouvelle dynastie. De -1046 à -256, les Zhou (occidentaux puis orientaux) occupe le Centre et l’Est de ce qui deviendra la Chine moderne depuis la capitale Haojing (Xi’an). La case de la page 46 rappelle que les principaux noms de famille (Chen, Wu, Yao, Feng, Lu etc.) proviennent du nom de chaque clan de la dynastie Zhou. L’origine du mandat céleste et du système de répartition des terres complètent la présentation de la dynastie des Zhou occidentaux.
La fuite du roi Li, puis la régence de Gong He (-841/-828) provoque le basculement de la dynastie des Zhou de l’Ouest aux Zhou de l’Est (-770/-256). Depuis la capitale Luoyi (Luoyang), les Zhou orientaux se distinguent par deux périodes : la « période des Printemps et Automnes » jusqu’en -403, puis la « période des Royaumes combattants ». Une infographie retrace l’évolution des 160 États en -770 qui se regroupent en 7 principaux États en -403. La monnaie et les croyances sont définies de façon simple grâce à une mise en situation doublée de schémas. Par exemple, les différentes réponses à la question « Comment puis-je bâtir une société capable de durer 10000 ans ? » permettent de distinguer le confucianisme (Confucius, Mencius), le moïsme (Mo Zi), le taoïsme (Lao Zi, Zhuang Zi), le légisme (Guan Zi, Han Fei Zi) et l’école de l’armée de Sun Tzu. L’itinéraire intellectuel de Confucius puis la présentation des peuples voisins de la Chine (dont les Xiongnu) permettent de compléter le tableau de la dynastie des Zhou orientaux. Après la victoire de Liu Bang contre Xiang Yu en -202, est fondée la dynastie Han. De façon habile, l’auteur précise que les différences sources ne s’accordent pas sur la datation de ce changement dynastique : les sources occidentales indiquent la date de -206 tandis que les sources chinoises mettent en avant la date de -202. Des passages de la fin de ce premier volume sont mobilisables par les professeurs enseignant en classe de sixième pour aborder la Chine des Han.
Volume 2 – Division et unification de la Chine impériale : des Trois Royaumes à la dynastie Tang (220-907)
Ce second volume traite de la période comprise entre le IIIe et le Xe siècle. Depuis la fin de la dynastie des Han jusqu’à l’établissement de la dynastie des Tang, la période est marquée par de nombreux troubles.
En -220, la dynastie des Han s’achève. Débute alors ce que l’auteur nomme « l’âge des divisions » avec l’établissement de trois royaumes (Wei de 220 à 265, Shu de 221 à 263 et Wu de 229 à 280). Des seigneurs de guerre sont à la tête de chaque royaume : Cao Cao pour le royaume de Wei, Liu Bei pour le royaume de Shu et Sun Quan pour le royaume de Wu. Ces trois royaumes se disputent la suprématie sur l’actuelle Chine de l’Est par un système d’alliance. Le plus puissant est le royaume de Wei, installé dans les plaines de la Chine du Nord-Est et disposant d’une armée de 600 000 hommes au IIIe siècle. La famille Sima prend la tête de la cour de Wei et renverse le souverain en 265. La dynastie Jin s’étend alors jusqu’en 420 autour de la capitale Luoyang et se scinde en deux (Jin occidental et Jin oriental).
La dynastie des Sui succède à la dynastie Jin et est marquée par de profondes mutations sociales. Par l’exemple, la vignette de la page 78 insiste sur les changements de coutumes : la façon de s’assoir, le type de vêtements, de chaussures. Les Sui reconstruisent une partie de la Grande muraille pour se défendre, édifient une nouvelle capitale à Chang’an et construise un « Grand Canal » d’environ 2000 km de long entre Beijing et Hangzhou. La menace du royaume coréen de Goguryeo est relatée à travers la bataille autour du fleuve Salsu, dans laquelle les Sui sont piégés par la rupture d’un barrage situé en amont. Une révolte met à mal la dynastie des Sui, occasionnant un changement dynastique et l’avènement de la Chine des Tang en 618. En s’appuyant sur l’héritage des Sui, la Chine est Tang se développe rapidement. Elle est considérée comme un « âge d’or’ (page 102). La population croît dans un contexte de paix, la culture s’épanouit et les échanges commerciaux se développent. La figure de l’impératrice Wu Zetian est l’objet de plusieurs vignettes dans le dernier quart de ce second volume.
L’auteur rappelle les principales caractéristiques de l’économie (agriculture, finance, commerce), militaires (menaces des Xiongnu, Xianbei, Jie, Qiang, Di, batailles de la rivière Fei) et religieuses (diffusion du bouddhisme et du taoïsme). Jing Liu réussit à traiter de façon simple et clair, sans trahir la complexité des successions dynastiques, d’une période troublée de l’histoire chinoise.
Volume 3 – Les Barbares et la naissance de l’identité chinoise : des cinq dynasties et dix royaumes à la dynastie Yuan (907-1368)
Ce troisième volume débute par la dislocation de la Chine des Tang au début du Xe siècle et s’achève par la rupture entre les Yuan, d’origine mongole, et les Ming.
A partir de 960, les Song unifient une grosse partie de l’actuelle Chine de l’Est, de Beijing à l’île d’Hainan. Le gouvernement est installé à Bianjing, aujourd’hui Kaifeng. Les Song trouvent un compromis avec les Xia qui dominent l’accès à l’Asie centrale : un tribut est ainsi versé annuellement par les Song aux Xia (soie, thé, argent). L’alternance entre les graphiques et les infographies dans un format se rapprochant du manga et du manhwa est mis au service de la narration pour expliquer les réformes agricoles et les emprunts financiers. La riziculture, les examens impériaux et la poésie sont également expliqués grâce à de courtes citations et des schémas fléchés. L’histoire littéraire n’est pas mise de côté. Trois des 4 grands récits chinois sont abordés au fur et mesure de la série : « le Voyage vers l’Ouest », « les Trois Royaumes » et « Au bord de l’eau ». Un autre fil rouge se dessine tome après tome : les réformes dans l’enseignement et les évolutions de la pensée chinoise apparaissent. Dans ce troisième tome, c’est la réforme de Zhu Xi qui est présentée.
Après l’affrontement entre les Song du Sud et les Jin (au Nord), la dynastie Yuan, d’origine mongole, s’implante au XIIIe siècle. L’affrontement dans la passe du Pic du renard sauvage permet aux Mongols de prendre les Jin à revers. Cette bataille de la Bouche du Blaireau consolide l’Empire mongol. Après avoir détruit les empires des Xia et des Jin, les Mongols provoquent l’effondrement des Song du Sud suite à la prise de la ville de Xiangyang. Les voyages de Marco Polo et les relations avec le Japon permettent de clore ce troisième volume, riche en cartes et en schémas.
Volume 4 – L’avènement de la Chine moderne : de la dynastie Ming à la dynastie Qing (1368-1912)
Ce quatrième et dernier volume décrit l’histoire de la Chine depuis la fin du XIVe siècle jusqu’au début du XXe siècle. La trame narrative s’accélère par rapport aux trois volumes précédents.
Au XIVe siècle, le jeune Zhu Yuanzhang (1328-1398) est un empereur issu d’une famille modeste. Après avoir erré de monastère en monastère suite aux décès de ses deux parents, il se marie et s’engage auprès des rebelles. Devenu un leader, il fortifie la ville de Nanjing, puis fonde la dynastie des Ming en 1368.
Au début des Ming, la prospérité chinoise atteignit la limite permise paru une économie rurale. Alors que la population des campagnes ne cessait de croître, les revenus stagnaient. La fiscalité devient de plus en plus complexe et inefficace. Le gouvernement étant incapable de collecter efficacement les impôts et de financer les investissements, les campagnes ne pouvaient plus se développer. Le problème persista tout au long de l’époque Ming, puis sous les Qing, et jusqu’au milieu du XXe siècle.
Jing Liu, Histoire de la Chine en BD – Volume 4, Sully, 2020, page 41
Les difficultés monétaires, l’arrêt des expéditions maritimes, les affrontements avec les pirates japonais et l’approvisionnement en argent depuis les Amériques et les Philippines donnent ensuite un aperçu général sur la société de la Chine des Ming.
Pour les enseignants en Terminale HGGSP, la vignette de la page 62 est utile pour construire une mise en perspective à propos des conséquences du petit âge glaciaire sur la Chine du XVIIe siècle (thème dédié à l’environnement). L’arrivée de la dynastie manchoue des Qing en 1644 rappelle l’importance de la protection de la frontière nord de l’Empire face aux fréquentes incursions étrangères. Jing Liu a choisi de peu développer le XVIIIe siècle au profit du XIXe siècle. La révolte des Taiping et les deux guerres de l’opium sont suivies par le récit du parcours de Philo McGiffin. Ce diplômé de l’académie navale d’Annapolis dans le Maryland (Etats-Unis) est à l’origine d’une refonte de la marine chinoise. De nombreuses pages lui sont consacrées dans la cadre du récit de la guerre sino-japonaise (1894-1895). La révolte des Boxers puis la proclamation de la République par Sun Yat-Sen en 1911 permette de clore cette belle série.
En conclusion, une excellente introduction à l’histoire chinoise dans un format adapté aux jeunes lecteurs. De petites coquilles (notamment la première page du volume 4) que l’on retrouve de temps en temps à propos des dates ne sont pas un frein à la compréhension générale de l’histoire chinoise dans cette très belle collection. Une série accessible qui trouvera rapidement sa place dans le rayon des bandes dessinées dans les CDI, aussi bien pour les collégiens que les lycéens.
Pour aller plus loin :
- Présentation de l’éditeur -> Lien
Antoine BARONNET @ Clionautes