« La préférence donnée aux valeurs par rapport à la loi, c’est une partie de notre citoyenneté résistante, c’est préférer la légitimité à la légalité. Je vous invite impérieusement à signer la pétition contre cette législation qui parle d’un délit de solidarité. Vous seriez punissable, vous vous exposeriez à des sanctions parce que vous auriez eu l’immédiate et simple réaction devant des gens en difficulté de leur venir en aide. Ça, c’est le type d’actions qui font douter de la responsabilité exercée par notre gouvernement. Résister, c’est refuser le déshonneur, c’est s’indigner lorsque quelque chose est proposé qui n’est pas conforme aux valeurs fondamentales, celles que nous avons essayé de faire passer à travers le conseil national de la résistance. Sans quoi note humanité risque de péricliter ». C’est par ce discours prononcé par Stéphane Hessel sur le plateau des Glières, le 17 mai 2009, que Frédéric Debomy et Lorena Canottière débutent leur bel album consacré à celui qui fut un penseur et un résistant au parcours extraordinaire. L’album est conçu à la manière d’un diptyque : le premier volet évoque la vie de Stéphane Hessel ; le second la diffusion et l’impact de son fameux « Indignez-vous »

Né le 20 octobre 1917 à Berlin, Stéphane Hessel arrive en 1924 à Paris. Étudiant en prépa lettres puis normalien (option philosophie), il intègre, lorsque la seconde Guerre mondiale éclate, une unité d’aspirants. Il est fait prisonnier en juin 1940 mais s’évade et rejoint Londres.

En 1942, il est recruté par le Bureau central de renseignements et d’action. Le 10 juillet 1944, alors qu’il est en France, il est dénoncé à la Gestapo et envoyé, après avoir été torturé, dans le camp de Buchenwald puis dans celui de Rottleberode. Il s’en évade mais et arrêté une nouvelle fois et envoyé dans le camp de Dora. La poésie l’aidera à survivre à l’enfer de l’ internement. Hessel dit en effet (au cours d’un entretien restitué qu’il a eu avec Sylvie Crossman): « Le cimetière marin » de Valéry et « le corbeau » de Poe, harmonieux dans le déroulement de leurs strophes m’ont aidé à trouver la sérénité dans les baraques glaciales de camps ».

Il s’évadera une nouvelle fois alors qu’on le transférait de Dora vers un autre camp. Après-guerre, il passe le concours d’entrée du ministère des affaires étrangères et part aux Nations Unies. En 1946, il retrouve le grand juriste René Cassin et est chargé de réunir des documents en vue de l’élaboration de la Déclaration universelle des droits de l’homme. A propos de son rôle dans la réalisation de la Déclaration, Stéphane Hessel a déclaré (p.28) : « ma participation à cette commission fut peut-être la période la plus ambitieuse de ma vie. Je sentais qu’il fallait faire vite, ne pas être dupe de l’hypocrisie qu’il y avait dans l’adhésion proclamée par les vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale à ces valeurs que tous n’avaient pas l’intention de promouvoir loyalement. Nous bénéficiions alors de la révulsion universelle envers le nazisme, le fascisme, le totalitarisme. Il fallait un sacré culot pour appeler « universelle » une déclaration rédigée à quelques-uns ! Mais aucun des 58 états que comptait alors l’organisation des Nations Unies ne vota contre et cette organisation compte 193 membres aujourd’hui ».

Stéphane Hessel exercera d’autres fonctions officielles et se singularisera, tout au long de  sa vie, par son engagement constant pour la dignité humaine, notamment en 1996 auprès des sans-papiers de l’église Saint-Bernard. Le 20 octobre 2010 est publié son « Indignez-vous », ouvrage au retentissement planétaire et qui inspirera très largement les mouvements des Indignés à l’échelle mondiale.

Ce beau roman graphique, fort bien dessiné et basé sur un travail rigoureux de recherche, constitue une excellente entrée en matière pour qui veut se familiariser avec un grand personnage du XXe siècle et du début du XXIe siècle.

L’album peut, en outre, venir alimenter des séquences d’Histoire ou d’EMC, notamment celle consacrée à l’engagement citoyen.

Grégoire Masson.