CR par Yveline Candas

Initiation à l’Histoire de la Grèce antique est un livre de poche, un concentré de connaissances précises, les « notions de première urgence » rédigé par Jean Labesse, en pensant surtout aux étudiants de premier cycle. 250 pages. Sept chapitres, et une introduction consacrée aux sources, pour découvrir la Grèce du VIIIe au IVè siècle : son cadre géographique, la colonisation du monde méditerranéen, l’organisation des deux grandes cités rivales : Athènes et Sparte, mais aussi l’économie, la religion et enfin la civilisation et la culture de la Grèce antique. Les connaissances sont très structurées. Le livre est claire, de ce fait il est un outil appréciable, permettant à chacun de trouver en un clin d’œil les informations dont il a besoin tant dans le « récit » que la table des matières qui est parfaitement détaillée. En outre, l’écriture est claire, fluide et l’approche très pédagogique. Des enseignants du secondaire pourraient, par conséquent, certainement y piocher les extraits utilisables en classe.
C’est sur le dernier chapitre consacré à la civilisation de la Grèce et à la culture de la Grèce (p 199 à 242) que nous avons choisi de nous arrêter. Ce thème est, en effet, souvent, moins bien maîtrisé que le politique ou le religieux par nombre d’enseignants d’histoire et de géographie et nous avons ici des pages qui peuvent s’avérer fort utiles pour préparer, ou étoffer quelques séquences , vu d’une part la place croissante accordée à l’histoire des arts et vu , d’autre part, que les arts et la culture grecs, aux Ve – IV siècles, sont marqués par un rayonnement incomparable et des évolutions majeurs , encore sensibles, et nombre ne sont pas sans lien avec l’avènement de la démocratie.

Les arts.

Les arts sont marqués par le classicisme référence unique et incontestable d’une beauté et d’une harmonie parfaite qui se manifeste notamment dans l’architecture, art essentiellement religieux et le temple en est la meilleure expression cependant la construction d’un temple est aussi une entreprise politique comme en atteste la reconstruction de ’l’Acropole d’Athènes dirigée par Périclès 480 avt JC. Il faut montrer l’excellence d’une cité, d’un régime unique alors la démocratie. Nous visitons donc (p 200-208) l’acropole d’Athènes, cette colline rocheuse qui domine la cité, ancien lieu de retraite pour la population de l’Attique devenu une citadelle largement consacrée à la déesse protectrice de la ville Athéna. La première et principale halte est le Parthénon « où art et religion ont conjugué leurs efforts pour exalter le patriotisme hellénique : ainsi l’ont voulu Périclès et Phidias » (p 203) . Parfait. Unique, voire inégalé, car toutes les parties concourent à l’harmonie et la perfection de l’ensemble : sa régularité, son homogénéité, certes ; mais aussi par le recours à diverses techniques gommant les déformations liées aux illusions d’optique (colonnes déviées de quelques 11cm par rapport à la perpendicularité, légère courbure des lignes horizontales, diamètre des colonnes d’angle plus important). Bien différent : l’Erechthéion, construit lui aussi sur l’Acropole, mais après la mort du fameux stratège de 420 à 406 av. J.C. J. Labesse est tenté de le situer à l’époque hellénistique. Un chef d’œuvre de l’architecture ionique complexe et composite car constitué de plusieurs sanctuaires qui font notamment cohabiter les deux anciens rivaux : Athéna, Poséidon et le premier roi de la ville Cérops (Cécropion). La visite de l’acropole s’achève par une évocation du Thésion, le temple le mieux conservé des temples grecs , dédié à Héphaïstos.
Autre élément bâtiment important après le temple de l’architecture : le théâtre . C’est un hémicycle adossé à une colline, ce qui expliquerait que la plupart sauf Epidaure soit ruinés. En effet, ils sont ainsi très sensibles aux mouvements de terrains. Les habitants (les plus pauvres peuvent assister gratuitement au spectacles grâce au théorique) s’y rassemblent, pour la journée, pour voir la représentation unique de trois pièces (tragédie, comédie ou d’un drame satyrique) il faut donc qu’il soit important (Epidaure 14 mille places) C’est le lieu réunion et de convivialité indispensable à la paix civile de la cité aussi le lieu où s’exprime le théâtre en tant que genre littéraire, notamment les tragédies et les comédies or ce sont « des éléments culturels essentiels étroitement lié à la cité pour laquelle elles constituent une sorte de rite à valeur non seulement culturelle, mais morale, sociale et surtout religieuse . Le théâtre est une véritable forme de culte et remplit, au même titre que le temple, une fonction que l’on pourrait qualifier de liturgique » (p 209). Le théâtre est financé par un impôt auquel sont assujettis les plus riches citoyens : la chorégie à Athènes.
La sculpture grecque atteint son apogée, elle aussi, au Ve siècle av. JC de par la qualités des artistes. Les grands noms de la sculpture classique sont Phidias à jamais associé à l’Acropole et au Parthénon, mais aussi Myron auteur du discobole, ou Polyclète dont il ne reste que des descriptions d’auteurs anciens et des copies de l’époque romaine. Mais il faut aussi rappeler le formidable élan donné par la reconstruction de l’Acropole qui a aussi pour dessein de donner du travail aux artistes.
Les œuvres de cette période sont remarquables, « des modèles universels », « les plus parfaites que l’on puisse concevoir ». Elles se différencient de celles de l’époque précédente, l’époque archaïque encore marquées par une certaine raideur des sujets, par un esprit nouveau : une tenue plus naturelle, plus libre, l’atteinte de a perfection qu’il faut mettre en parallèle avec la volonté de glorifier Athènes et sa démocratie. C’est la recherche de l’absolu, de l’intemporel qui rejoint de manière anticipée la théorie des Idées de Platon. L’homme, dont Polyclète fixe les canons de beauté et les règles de proportion qui seront d’ailleurs corrigé par Lysippe, est représenté dans son essence. Pure beauté remise en cause , au Ive siècle : des auteurs comme Lysippe qui a travaillé pour Alexandre le grand, Scopas de Paros font « descendre cet art des hauteurs de la vérité idéale pour l’accommoder aux vérités individuelles ». Un certain naturalisme devient sensible : la sévérité classique disparait ; et avec Praxitèle, autre artiste connu, mais aucune œuvre originale n’est parvenue jusqu’à nous, même l’Olympe est humanisé.

La peinture? Les œuvres ont pratiquement toutes disparu. Réalisées sur du bois elles se sont décomposées ou réalisées sur de la pierre elles se sont décolorées. Restent des fragments et quelques noms dont Polygnote , Zeuxis ou encore Apelle. Il n’en va pas de même de la céramique art « spécifiquement grec » (p 218) dont l’origine du mot, kéramos, polysémique puisqu’il aussi des quartiers d’Athènes, viendrait de Kéras : corne, la forme la plus courante des poteries primitives.

La poterie est le produit artisanal le plus courant même si la production reste limitée vu le nombre de fabricants (500 personnes).

Cet art associe utile et agréable : des vases conteneurs ou des amphores dont les décors s’inspirent surtout des croyances grecques c’est donc une source essentielle pour les connaître. La poterie a connu deux stades successifs. D’abord, les vases à figures noires, technique utilisée initialement par les Corinthiens : des sujets sont peints en noirs sur le fond des détails peuvent y être incisés. Puis, fait des potiers Athéniens à la fin du VIe siècle : les figures rouges. Le fond est peint en noir, les sujets sont peints en rouge et les détails gagnent en précision et finesse car ils sont peints et non plus gravés.

La littérature grecque aux Ve et IVe siècles.(p221-242)

Cette période est particulièrement féconde, la pensée grecque atteint alors et jusqu’à ce jour son apogée. Athènes est alors et à jamais « l’école de la Grèce ».
Le Ve est un siècle de renouveau intellectuel, qui rompt avec Homère et la civilisation archaïque monarchique, hiérarchique et surtout guerrière. Une culture plus ouverte à l’’homme et à leurs préoccupations conforme à la démocratie. Le siècle aussi où naissent les grands genres :la poésie, bien sûr . Incarnée par les Odes de Pindare qui expriment les idées morales et les valeurs des grecs de l’époque. Mais aussi le théâtre, l’éloquence qui prend toute son importance avec l’ecclésia, la philosophie et l’histoire.

Le théâtre en tant que genre littéraire puise peut-être ses origines dans le culte dionysiaque pour les tragédies plus certainement pour les comédies, le chant du comos c’est-à-dire le banquet donné à l’occasion des petites dionysies. Le théâtre est une « institution d’état à inspiration religieuse ». La tragédie nait à Athènes, avec la démocratie car elle est destinée au peuple, au démos, qu’il a pour but d’instruire et de former à la culture nationale. Eschyle, Sophocle et Euripide sont les mentors de cette culture. Leurs tragédies, les seules qui soient parvenues jusqu’à nous, ont été présentées lors des concours qui avaient lieu lors grandes dionysies. Trois pièces, écrites chacune par un auteur admis au concours étaient départagées. Ces auteurs ils ont également marqué cet art par leurs innovations et influencé ses auteurs ultérieurs ( Goethe, Shakespeare, Schiller, Hugo…). C’est alors en effet, que le théâtre devient un véritable spectacle avec des décors, des costumes, tout l’appareil de l’art dramatique, que la scène se peuple , ou encore ,que les pièces deviennent des œuvres à part entières grâce à Sophocle, l’auteur d’Antigone, Œdipe roi, d’Electre . Les auteurs aussi prennent certaines distances vis-à-vis de la mythologie. Autre genre de représentation théâtrale : les comédies. Les comédies anciennes, dont celles très célèbres d’Aristophane, permettent de discuter les questions concernant les affaires politiques, de manière plutôt caricaturale. Aristophane n’hésite pas à donner dans ses œuvres son opinion des sophistes (les Nuées), à manifester son opposition à la démocratie ou à la guerre contre Sparte(les guêpes, les oiseaux la paix…). Les comédies nouvelles, celles de Ménandre (342-292), sont des satires des mœurs du temps.
L’affirmation du rôle de l’intelligence, dans l’art littéraire au travers particulièrement des tragédies, préparant, annonçant la philosophie de Socrate selon Paul Janet et Gabriel Séailles cités par l’auteur.

Une importante mutation sociale et politique a lieu au Vème siècle : une révolution intellectuelle ou culturelle.

En effet, avec la démocratie, l’éloquence, la capacité de convaincre et de raisonner sont indispensables pour détenir le pouvoir. Apparaissent alors les sophistes comme Protagoras, Tisias capables de prouver tout et son contraire. Socrate (470-399) rompt avec ce courant et ouvre une époque nouvelle : l’ère du connais-toi toi-même et de la science morale. Il est en outre l’inventeur d’une pédagogie de la stimulation, qui conduit à l’élévation de l’élève et l’effacement du maître qui sait juste qu’il ne sait rien et de la méthode d’interrogation dite de l’ironie socratique qui conduit à la vérité cachée dans les esprits de ses élèves ou adversaires. Socrate était en cela l’accoucheur des esprits, tenant donc de la maïeutique. Il a eu de nombreux disciples dont Platon (430- 348). Fondateur de l’Académie à Athènes, il est l’auteur de la République. Œuvre ans laquelle est exposée sa théorie dans l’allégorie de la caverne : les hommes ont accès aux connaissances sensibles, mais la connaissance de l’essence des choses, les idées leur échappe. Cette théorie a une influence immense. Elle est la base du platonisme, et de l’amour platonique.
Son élève le plus fameux est sans doute Aristote, « le plus vaste géni de l’Antiquité » dont la pensée a dominé Moyen Age occidental par le biais des théologiens notamment de Saint thomas d’Aquin.

Reste pour clore ce chapitre à évoquer l’art du discours: l’éloquence et l’histoire.

Démosthène est le plus fameux orateur. IL n’exerce pas de fonction politique mais attaché à la cité, il se sert de son art pour combattre les ambitions de Philippe de Macédoine .Isocrate enseigne cet art, il est logographe. C’est le chef de file des orateurs dits Attiques qui firent carrière au IVe siècle.
Les V et IV siècles voient naître l’histoire en tant que genre littéraire. Certes Homère avait poser quelques bases situant dans un espace social et culturel les actions de ses héros, mais le premier véritable historien est Hérodote d’Halicarnasse (484-420 av. J.C) . Il montre une de grandes qualités d’analyse et d’interprétation dans le récit des guerres médiques, le principal sujet de son œuvre y percevant notamment l’affrontement de l’impérialisme maritime des Grecs et l’l’impérialisme terrestre des mèdes. Son œuvre éveilla la vocation de Thucydide « le plus moderne des historiens de l’Antiquité ». Auteur de l’Histoire de la guerre du Péloponnèse, il est concis, méthodique, impartial d’une logique sans faille bien loin de Xénophon qui lui succède

Donc, pour conclure le Ve siècle est novateur et le IV siècle est plus raffiné et réflexif. La Grèce connait à cette période son apogée culturelle et fournit au monde occidental pour longtemps des modèles dans les divers domaines des arts et de la culture.
La bibliographie peut permettre à chacun d’aller plus loin : elle est riche et les ouvrages classés par thème.