Aurore Chéry est l’auteur d’une thèse sur L’image de Louis XV et Louis XVI entre tradition et création (2015) et de travaux sur les usages publics de l’histoire. Elle est chercheuse associée LARHRA (laboratoire de recherches historiques Rhône Alpes).
L’intrigant est une biographie de Louis XVI. L’objectif de l’auteur est de présenter Louis XVI et sa politique en la replaçant dans son contexte international et national (l’ordre des termes est important). Il s’agit de s’extraire d’une approche « franco-française » c’est-à-dire d’une étude qui ne repose que sur la lecture des mémorialistes de l’époque, membres de la noblesse, qui étaient hostiles au projet politique de Louis XVI.
L’éditeur Flammarion précise que cet ouvrage nous permet de découvrir un nouveau Louis XVI loin de celui que « le roman national (…) a figé » en un personnage empoté, apathique et sous l’influence d’une Marie-Antoinette légère et capricieuse. L’éditeur souligne que l’auteur s’appuie sur des « sources primaires pour certaines encore inexploitées ».
Enfance et adolescence
Son père s’occupe peu de lui, lit-on, mais il est cependant attentif à son éducation. Elle est qualifiée de moderne pour son époque, influencée par les idées des physiocrates et des Lumières. Il lit et commente l’œuvre de Montesquieu. La lecture de celle de Fénelon inspirera au futur roi des maximes morales et politiques. Ainsi, Louis XVI écrit « Il est nécessaire à un roi de se méfier de la flatterie et de s’appuyer sur ceux qui savent lui parler vrai . » soulignant dès son jeune âge sa méfiance vis-à-vis de la Cour et de ses intrigues.
Son accession au pouvoir
Contrairement à ce que l’on a coutume de dire, la mort de Louis XV le libère d’un poids. Il peut désormais conduire sa politique pour « reconquérir un pouvoir absolu », combattre son ennemi : la noblesse en prenant appui sur le Parlement.
Il comprend rapidement l’importance d’être populaire aussi travaille-t-il son image d’un roi proche de son peuple. Il est présenté comme l’auteur de l’image négative de Marie-Antoinette, épouse qui lui a été imposée et dont il veut se séparer-pour ne pas dire débarrasser. Pour l’espionner, il place auprès de la reine ses agents : la princesse de Lamballe et la comtesse de Polignac.
La vie privée de Louis XVI
Loin d’être impuissant, Louis XVI a eu au moins 2 maîtresses et des enfants de celles-ci. C’est pour pouvoir répudier Marie-Antoinette, qu’il s’abstient de relations sexuelles. Et lorsqu’il y consent, c’est toujours avec l’objectif de nuire au parti autrichien. Aurore Chéry affirme que seuls les deux aînés sont des enfants de Louis XVI, les deux autres seraient de Fersen.
La Révolution
La Révolution est présentée comme le projet de Louis XVI. Elle devait permettre de faire de la France un Etat fort, capable d’imposer des changements à la noblesse et non soumis aux ingérences des puissances étrangères (Autriche et Angleterre). Sa Révolution allait donner naissance à une société égalitaire, dans laquelle les charges supportées par un maximum de personnes seraient supportables. La fuite à Varennes et la prise des Tuileries constituent les dates charnières à partir desquelles la situation échappe au roi. Il n’est plus le maître des événements qu’il a provoqués.
Une révolution dans l’approche de Louis XVI
Sans mauvais jeux de mots, on serait tenté de dire que cet ouvrage est et va provoquer une révolution. Adhérer à l’ensemble des affirmations de l’auteur, c’est devoir revoir tout ce que chacun a appris sur le sujet, réécrire les manuels scolaires et refaire nos cours.
En replaçant les actes politiques de Louis XVI dans le contexte international de l’époque, Aurore Chéry ouvre une grille de lecture intéressante tant des faits que de la personne du roi. Louis XVI devient un monarque éclairé, qui a une idée claire du rôle et de la place que la France doit occuper au niveau international. Il devient un souverain adepte des principes des physiocrates (comme l’était son père). Conscient des oppositions, que pourraient générées d’importantes réformes de fond Aurore Chéry explique qu’il ne peut agir qu’en secret afin d’éliminer les opposants des changements auxquels il aspire pour la France et l’Europe. Louis XVI agit, intrigue tant que cela en devient parfois peu lisible et compréhensible. Ces changements ne sont pas petits. Le roi veut rompre avec la politique extérieure de son grand-père, Louis XV, et de ce que Louis XVI considère comme une aliénation de la France à l’Autriche. Il aspire à une démocratie directe, qui prendrait la forme d’une République fédérale. Pour y arriver, il faut une révolution et l’auteur veut démontrer que chaque événement du Serment du jeu de Paume à la Prise des Tuileries est l’œuvre de Louis XVI : « …l’on ne pouvait pas soupçonner, comme nous le verrons dans ces pages, qu’il était tout au contraire le principal initiateur de la Révolution, qu’il l’avait voulue, qu’il avait vécu en grande partie pour elle … ». Il a été aidé par sa maîtresse (Françoise Boze) mais aussi par Sieyès, La Fayette, Beaumarchais, Marat…Desmoulins ou Hebert se sont, eux, mis en travers de son chemin.
Un monarque obstiné et intrigant
Intrigant, le roi est aussi obsédé par son animosité, sa haine envers Marie-Antoinette, dont il souhaite se débarrasser. Ce projet créé un niveau d’intrigues supplémentaires et contribue / participe à rendre certaines explications confuses (Chapitre 9 la guerre des favoris ou chapitre 24 : L’affaire du collier) et donc peu convaincantes, surtout l’auteur invalide les explications données par certains historiens, car leurs sources seraient des documents faux (la Belgique est présentée comme un haut lieu de fabrication de faux documents). Ainsi, elle doute de la fiabilité de certaines lettres de Marie-Antoinette à Fersen, car il s’agit de « lettres recopiées » présentées ici comme des lettres créées de toute pièce à postériori pour innocenter Louis XVIII et Fersen de la condamnation à mort de Louis XVI. Par contre, des documents de même nature-lettres adressées par Louis XVI à sa maîtresse-sont incontestablement authentiques.
D’autres éléments du roman national sont critiqués par Aurore Chéry et les critiques semblent peu recevables.
Un nouveau roman national
L’auteur a travaillé à partir de sources « parfois inexploitées ». Sa mise en récit soulève des interrogations. Elle semble parfois vouloir faire dire aux documents, ce qu’elle veut. Procédé qu’elle reproche à ses confrères.
Retenons une approche intéressante du roi, replacé dans le contexte international, et des pistes de travail à exploiter.
Je partage intégralement ces critiques. . Aurore Chery soutient sa thèse avec passion mais beaucoup de ses affirmations sont « tirées par les cheveux ». Son mérite est de redonner à ce roi si mal connu, ,noyé qu’il a été par les événements révolutionnaires, une existence une incarnation. Mais je crois qu’elle va un peu trop loin en ne prenant pas en compte certaines décisions ou absence de décisions du roi. (pourquoi par exemple avoir tant tardé à entériner les réformes de la nuit du 4 Aout).