Islander, parue chez Glénat en janvier 2025, est une bande dessinée d’anticipation percutante qui nous plonge dans un avenir sombre où le dérèglement climatique a bouleversé l’équilibre du monde. Ce récit haletant, porté par le duo talentueux Caryl Férey et Corentin Rouge, questionne notre rapport à l’immigration et à l’altérité dans un contexte de catastrophe globale. Ce premier tome réussit brillamment son pari : poser un cadre, tisser une intrigue dense et offrir une lecture aussi haletante, intelligente que poignante.

Islander s’annonce comme une trilogie marquante, mêlant anticipation réaliste, tensions géopolitiques, drames humains et réflexion sociétale. Une BD généreuse (160 pages) à ne pas manquer ! Elle aura toute sa place dans les CDI des établissements scolaires afin de prolonger la réflexion à propos des questions qui traversent les programmes du lycée comme du collège : les crises géopolitiques, les défis environnementaux, les flux migratoires, etc.

Survivre dans un monde effondré

Dans un futur proche, le climat a rendu une grande partie de la planète inhabitable, forçant des millions de personnes à fuir vers les territoires encore préservés. Le port du Havre devient un point névralgique où les réfugiés s’agglutinent, espérant embarquer vers des îles moins touchées par le chaos.

En Islande, considérée comme un dernier refuge, la société est en proie à de violentes divisions. Les sécessionnistes du Nord refusent tout accueil, tandis que les survivalistes des hautes terres rejettent tout contact extérieur. Le gouvernement loyaliste du Sud, encore attaché à l’État de droit, durcit cependant ses mesures face à la pression migratoire. Entre solidarité et repli identitaire, l’Islande devient un microcosme des tensions mondiales.

Parmi les réfugiés qui embarquent au Havre, le professeur Zizek cherche à rejoindre l’Islande avec un plan qui pourrait sauver l’humanité. Liam, un homme qui a déjà tout perdu, tente sa chance en usurpant l’identité d’une migrante, sans savoir qu’il va endosser un rôle capital dans cette lutte pour la survie de l’humanité.

Islander, miroir de notre passé et de notre présent

Islander frappe par sa résonance avec les défis contemporains tout autant qu’avec l’histoire des années 1930 et de la Seconde Guerre mondiale. En mettant en scène la détresse des réfugiés et de populations stigmatisées, cette bande dessinée pose une question centrale : comment réagir face à ces foules en quête de survie ?

Pour certains, la réponse réside dans l’accueil, la fraternité et l’hospitalité. Pour d’autres, c’est le rejet de l’étranger qui s’impose, menant progressivement à leur concentration dans des camps, à leur exploitation et à l’émergence de l’idée du meurtre de masse. Les réactions varient : certains restent passifs, par choix ou par contrainte, d’autres collaborent activement en traquant les réfugiés, tandis que quelques-uns, mus par des motivations diverses, choisissent la résistance.

L’intrigue, rythmée et maîtrisée, alterne habilement entre action et introspection, maintenant le lecteur en haleine tout en développant un univers riche et crédible. Les personnages, notamment Liam, se révèlent complexes et fascinants. Son passé mystérieux, ses choix ambigus et son évolution plongent le lecteur dans une réflexion sur la résilience et la rédemption.

Sur le plan graphique, Corentin Rouge livre un travail impressionnant. L’expressivité des visages confère une intensité dramatique aux scènes, tandis que les paysages, sublimés par des tons froids, renforcent l’immersion. Certaines doubles pages, d’une splendeur glaciale, amplifient la solitude et la rudesse du décor. La couverture, dominée par un bleu polaire, capte immédiatement l’attention avec un portrait saisissant de Liam, marqué par les épreuves et les cicatrices du passé comme du présent.

Le lien vers le site de l’éditeur : https://www.glenat.com/24×32-glenat-bd/islander-tome-01-9782344043042