Bruno Modica est chargé de cours en relations internationales à l’IEP et chargé de formation au CNED de Lille
Le style de Uri Fink est assez éloigné de celui de la bande dessinée de l’école belge qui est le plus utilisé dans les scénarii historiques. Ses personnages ont comme des airs de
Simpson, ce qui rattache cet auteur à la bande dessinée de tradition américaine. L’influence de Robert Crumb, avec ses personnages tout en rondeurs est ici évidente. Au détour des vignettes on trouvé également quelques visages, surtout les femmes, qui pourraient venir aussi des mangas. on peut aussi retrouver certains traits de Marjane Satrapi, cette bédeaste iranienne qui a aussi remporté un grand succès.
En cherchant bien aussi certaines séquences rappellent aussi Art Spiegelman et ses graphic novels.

C’est d’ailleurs largement une autobiographie que propose Uri Fink, et notamment pour la dernière des histoires qu’il raconte. On voit, de 1967, aux lendemains de la guerre des six jours, à 1977, après la victoire du Likoud, ou en 1997, après la première Intifada, la vie de l’auteur défiler. Toujours dans le bazar de la vieille ville de Jérusalem, le même commerçant arabe qui propose les mêmes objets à des juifs qui se demandent ce que les inscriptions en arabe signifient. Terrible témoignage de ces deux mondes qui se séparent que livre le bédéaste.

Le quotidien de l’État hébreu est décortiqué avec un regard corrosif. On apprécie notamment ces planches très drôles construites sur le modèle de la série «Pour les nuls». Israël pour les nuls, ce sont ces contrôles de sécurité omniprésents et ces vigiles devant les centres commerciaux. Clin d’œil ravageur, dans la bande dessinée, le vigile s’appelle Achmed Jihadi. Tout un programme.
Dans “les Fink combattent le terrorisme,” on raconte aussi le quotidien de la famille de l’auteur, opposant toujours ces palestiniens, peuple de l’ombre et ces israéliens qui vivent la peur au ventre devant les attentats suicide.
L’auteur se demande pourquoi les palestiniens ne se révoltent pas contre les tueurs fous, mais aussi pourquoi, l’armée israélienne fait des victimes civiles avant de s’excuser ?

Cette bande dessinée n’est pas spécialement ludique. Elle interpelle avec les recours d’un graphisme désenchanté, corrosif et dur. Superbement réalisée, avec une couverture qui accroche, elle plonge son lecteur dans un univers brutal où les hommes essaient de vivre sans illusions mais avec cet humour acide qui caractérise bien des histoires juives.