Jacques Foccart traverse une grande partie de l’Histoire de la Vème République. De septembre1943 à 1974, il sert De Gaulle puis Pompidou. Il sert d’abord le R.P.F. de1947 à 1954, avant de devenir célèbre comme « Mr Afrique » de 1958 à 1974.
Valéry Giscard d’Estaing le met à l’écart de1974 à 1981; puis il est organisateur de l’opposition chiraquienne avec le R.P.R. de 1981 à 1986.
Enfin, il revient une dernière fois au grand jour avec Jacques Chirac de 1986 à 1988.
Edouard Balladur l’écartera sans ménagement car il appartient au clan chiraquien de 1993 à 1995; mais c’est Dominique de Villepin qui lui porte le coup de grâce de 1995 à 1997 en l’appelant « vieille baderne » et même « vieillard qui sent le pipi ». Foccart meurt le 19 mars 1997, il disparait en même temps que Mobutu perd le pouvoir au Zaïre, tout un symbole de la fin d’une certaine France-Afrique.
Ce livre permet de voir concrètement l’importance de Jacques Foccart dans l’entourage gaulliste et les liens privilégiés qu’il entretient avec des chefs d’état africains comme Houphouët-Boigny, Omar Bongo ou Mobutu.
Foccart nourrit le « syndrome de Fachoda » qui mène à une paranoïa contre les anglo-saxons en Afrique. Cela le conduit par exemple à soutenir les sécessionistes du Biafra contre le Nigéria anglophone de 1967 à 1968.
Foccart doit cependant souvent combattre l’influence du Quai d’Orsay, ce n’est pas toujours lui qui a le dernier mot. Par exemple, il est marginalisé sous Pierre Messmer à la fin de l’ère Pompidou de 1973 à 1974. Parfois même le torchon brûle entre Foccart et son « patron » De Gaulle; deux fois De Gaulle le rabroue publiquement.
En mars 1953, Foccart insistant sur les rencontres avec les dirigeants R.PF. locaux, De Gaulle lui lance : « vous commencez à m’emmerder avec votre R.P.F. ! »
En décembre 1967, Foccart envoie deux navires de guerre au Dahomey sans avoir le feu vert préalable de De Gaulle. Ce dernier lui lance : « Qu’est ce que cela veut dire ? Qui est ce qui commande : c’est vous ou c’est moi ? »
Il ressort de ce livre un personnage moins puissant et machiavélique que la « légende noire » à son sujet; mais tout de même important surtout de 1947 à 1973 et de 1986 à 1988. C’est un serviteur gaulliste, un organisateur, un homme d’action mais sans aucune limite morale, ni grand dessein intellectuel.
Enfin, défaite posthume de Jacques Foccart, le 4 février 1998, Lionel Jospin met la Coopération sous la tutelle du Quai d’Orsay. L’Afrique est-elle depuis lors « banalisée » et même marginalisée par des relations diplomatiques mettant en avant l’Asie, le Moyen-Orient et l’Amérique Latine. Que reste t’il des liens privilégiés entre France et Afrique qui ont perduré de 1958 à 1995 ?
En conclusion cette biographie de 400 pages se lit de manière agréable et les passionnés du continent noir y trouveront beaucoup de plaisir. Elle permet de revisiter 50 années de relations franco-africaines de 1947 à la mort de Foccart en 1997.