Journal inédit du siège de Montauban en 1621.
En vertu du compromis souscrit par l’Édit de Nantes, la puissance politique de la minorité protestante au sein du royaume de France était garantie par la possession de places fortes. Le roi Louis XIII s’employa à réduire cet État dans l’État au nom de l’unité du royaume. Il lui fallut plusieurs campagnes militaires pour en venir à bout. Les deux plus puissants de ces bastions étaient La Rochelle, dont le terrible siège en 1628 est resté célèbre, et Montauban, dernier réduit militaire de la « Religion Prétendue Réformée », dont la résistance jusqu’en 1629, en revanche, a été complètement effacée des mémoires.

«Seconde Rochelle» méridionale, Montauban avait fait auparavant l’objet d’une première attaque par l’armée royale. C’est le récit du «petit enfer» de ce siège infructueux, mené du 17 août au 2 novembre 1621, que présente ce court opus publié aux éditions L’Harmattan. Consigné dans un manuscrit resté jusqu’à présent inédit et conservé dans les fonds de la BNF, il est édité et commenté par les soins du moderniste Dénes Harai.Le contenu de ce journal de siège rédigé par un officier de l’armée assiégeante est très factuel. Son champ de vision est restreint : la guerre dont il est le rapporteur se borne à l’action des troupes chargées d’attaquer le faubourg ouest de la cité rebelle. Leur vécu quotidien est fait de travaux d’approche la pioche à la main, de gabions installés pour protéger la progression, et d’explosions de mines. Au ras du parapet des tranchées, les péripéties relatées sont physiquement pénibles, fréquemment sanglantes et souvent hasardeuses. Confronté à la réalité du champ de bataille, l’art de la poliorcétique appliquée s’avère un effort ingrat et finalement stérile. L’ensemble finit par prendre l’apparence d’un véritable «petit enfer», selon la formule saisissante forgée par le mémorialiste.L’identité du rédacteur du document n’est pas connue. L’éditeur scientifique situe cet anonyme comme un technicien de siège, ingénieur ou artilleur, en raison de l’abondance des détails donnés sur les travaux d’approche. Or les mêmes éléments pourraient sans doute provenir d’un officier des troupes employées pour le service des tranchées et la réalisation des travaux de siège. Les deux régiments les plus fréquemment cités, avec une précision des détails qui suggère une forte proximité, sont ceux de Piémont et des Gardes. L’usage peu fréquent fait du “nous” d’appartenance peut éventuellement privilégier celui des Gardes (configuration assez parlante p.56-57 et p.67). Dans tous les cas, il s’agit d’un homme de terrain très bien informé des événements courants de son secteur d’opération.Le travail d’édition scientifique assuré par Dénes Harai est solide. Son appareil critique s’appuie notamment sur la mise en miroir du texte avec deux sources déjà connues relatant le siège de Montauban : les journaux rédigés par le maréchal de Bassompierre, du côté royal, et le pasteur Hector Joly, dans le camp des assiégés. Un choix varié d’illustrations sur les techniques et outils de siège, deux cartes, une chronologie, un indispensable glossaire et un utile index satisfont utilement les besoins documentaires du lecteur. La seule réserve exprimable vient du choix fait de respecter, à quelques correctifs près (mais pourquoi ceux-là et pourquoi seulement eux ?) la rédaction en “vieux françois” du document initial. Cette authenticité aménagée, qui a sans doute sa légitimité sur le plan scientifique, pose quelques soucis d’identification (le plus flagrant résulte de l’absence de normalisation du patronyme Mayenne-Mayne désignant le même haut personnage, pourtant réunifié dans l’index). Elle risque aussi de rebuter la curiosité du grand public, étranger à ce langage ancien. Les lecteurs plus confirmés, et les modernistes avertis, apprécieront quant à eux de découvrir ce récit court mais prenant.

© Guillaume Lévêque