Singulière histoire que celle du plan-relief de Lille, retracée ici avec brio par Nathalie Dereymaeker et Florence Raymond.
L’objet a été conçu à Lille, rue Royale, entre 1740 et 1743 par l’ingénieur du roi Nicolas de Nézot et il est l’un des plus grands plans-reliefs de la collection royale avec « 60 m² de bois et de matériaux composites ».
A l’origine, la réalisation des plans-reliefs correspond avant tout à un besoin de renseignements et de communication, la « maquette » ainsi réalisée permettant au roi d’opérer des choix militaires « à distance » depuis Versailles ou Paris.
A cette fonction première va venir s’adjoindre celle d’œuvre d’art et d’outil de propagande de la puissance du souverain.
Le plan lillois est d’une grande finesse de réalisation dans son ensemble ( les nombreuses reproductions présentes dans l’opus en témoignent).
N.Dereymaeker (p.25) écrit que « les maisons sont composées d’un bloc en bois recouvert d’une feuille de papier peinte en noir puis d’une feuille de papier avec les ouvertures découpées et représentant le matériau de la façade : bois, pierre ou brique. Un papier peint représentant les tuiles ou les ardoises recouvre le toit. Pour finir, des cheminées, des fenêtres en chien-assis et des gréseries, fondations en pierre, sont ajoutées. Certains bâtiments, comme les bâtiments religieux, les hôtels particuliers ou certains édifices civils, sont plus soignés avec une représentation minutieuse du décor de leur façade. Les rues et les cours sont couvertes d’un papier peint représentant des pavés tandis que les jardins et les champs sont couverts de soie hachée colorée. Les arbres sont fabriqués à partir d’un fil de fer sur lequel s’enroule une chenille de soie. Enfin, l’eau est peinte à l’huile, en bleu-vert ».
Réalisé à Lille, le plan-relief prend la direction de Versailles puis de Paris où il rejoint la collection des plans-reliefs du Louvre. Il est ensuite transféré aux Invalides. En 1815, il est saisi par les Prussiens et transféré à Berlin avec d’autres plans de villes-frontières. Entreposé dans l’arsenal militaire, il fait alors office de « trophée ». Il est récupéré par la France en 1948. A la suite de ces vicissitudes, seuls 18m² du plan initial demeurent.
Le monument va se retrouver par la suite au cœur de la bataille de la « décentralisation culturelle » dont l’achèvement est celui du dépôt par l’État à la ville de Lille de dix-neuf plans-reliefs à partir de 1987, dont celui, bien évidemment, de la cité.
Aujourd’hui restauré et conservé au Palais des Beaux-Arts de Lille, le plan-relief a fait l’objet d’une numérisation et d’une réflexion d’ensemble sur la façon dont le « spectateur » peut appréhender cet ouvrage extraordinaire.
Grégoire Masson