André Hébert est le pseudonyme d’un jeune Français qui a rejoint, à deux reprises (en 2015 et 2017), les forces kurdes de Syrie et a combattu à leurs côtés contre Daech. Depuis son retour, il a publié un récit Jusqu’à Raqqa : Avec les Kurdes contre Daech (Les Belles lettres, 2019). Il publie avec Nicolas Otéro une bande dessinée dont le début présente l’auteur en quelques pages. Celui-ci, un jeune, de la région parisienne, proche de la gauche révolutionnaire, militant internationaliste prend fait et cause pour la lutte des Kurdes et l’expérience menée au Rojava. Il considère ce qui se passe alors dans cette région du Nord de la Syrie contrôlée par les forces kurdes comme une expérience révolutionnaire passionnante. C’est pour la rejoindre et pour combattre Daech qu’il s’y rend.

Un témoignage saisissant

Le premier intérêt du livre est donc d’être un témoignageD’abors sorti en livre en 2019 aux Belles Lettres direct d’un combattant sur la guerre contre l’Etat islamique en Syrie et sur la terrible âpreté des combats qui s‘y sont déroulés. C’est certes le témoignage d’un combattant étranger mais qui a participé activement à cette guerre pendant un temps. La dureté, la violence et la longueur de cette guerre sont soulignées ainsi que les horreurs perpétrées par l’État islamique. Les acteurs nombreux opposés à Daech sont évoqués : forces kurdes, parmi lesquelles des femmes, yézidis, forces de la coalition, forces spéciales françaises et bien sûr combattants étrangers venus de nombreux pays. La bataille de Raqqa donne lieu à de nombreuses pages qui permettent de saisir l’ampleur des destructions commises, les milliers de morts auxquelles elle a donné lieu ainsi que la terreur qu’y faisait régner le groupe terroriste.

extrait p. 5
Extrait p. 5

Des étrangers aux côtés des forces kurdes contre Daech

L’auteur n’est pas le seul étranger à avoir rejoint les forces kurdes. Combien étaient-ils ? L’auteur ne le dit pas ici mais dans un ouvrage qu’il a dirigé : Hommage au Rojava. Les combattants internationalistes témoignent (Libertalia, 2020) dont on trouvera une recension dans la revue électronique Dissidences, des éléments de réponse à ces questions sont présentés. Quelles étaient leurs motivations ? Celles avancées, dans un premier temps, par l’auteur sont la volonté de soutenir et de participer à une expérience révolutionnaire alors que le militantisme en France semble, selon lui, avoir peu d’impact et tourner en rond. D’autres éléments apparaissent, peu à peu : les liens tissés avec des camarades, étrangers ou kurdes, dont certains ont trouvé la mort face à Daech.  Mais aussi, « la dépendance » à de très fortes sensations (angoisse, excitation ; fierté, soulagement) ressenties avant et après les combats (p. 87). Et c’est cette honnêteté qui fait la force de ce récit militant. En effet le récit évoque les nombreux points positifs de l’expérience politique et sociale du Rojava mais n’hésite pas à pointer certaines insuffisances. Des faiblesses certes mais qui n’ont rien à voir, cependant, avec l’affreuse barbarie déployée par Daech.

Des Kurdes abandonnés ?

Dans une postface « La révolution assiégée », André Hébert rappelle qu’après la victoire des forces kurdes et de ceux qui les avaient rejoints dans les Forces démocratiques syriennes (FDS), la Turquie s’en est prise à ceux-là même qui avaient éliminé la menace terroriste. Le gouvernement d’Erdogan a pris « le relais de Daech » en envahissant des terres, en détruisant les réserves d’eau et en menant des actions de sabotage contre le Rojava… Or, nous dit l’auteur, cette révolution assiégée ne bénéficie plus de l’attention des médias. Et aurions non envie d’ajouter les Kurdes paraissent, une nouvelle fois, oubliés par les Occidentaux.

Un témoignage fort bien mis en valeur par les dessins de Nicolas Otero et par la palette sombre déployée.