« Je ne savais même pas ce que c’était que la guerre ».

« J’ai travaillé pour les Français mais je ne me suis pas battu pour la France ».

« En 62, ce traitre de De Gaulle leur a donné l’Algérie ».

PARIS, juin 2000 : Étudiante en recherche de logement, Lisa se voit proposer une chambre chez Mohamed. Ce dernier vit seul et son fils s’inquiète de son laisser-aller.

Lisa veut être journaliste. Elle apprend que son hôte est un ancien harki et découvre des cassettes enregistrées dans le bureau de Louise, la femme décédée de Mohamed.

HARKI  : quid ?

Si la cohabitation entre Lisa et Mohamed commence difficilement, une confiance s’instaure peu à peu.  Le vieil homme parle de l’indicible comme il ne l’a jamais fait.

ALGÉRIE : 1954, dans les Aurès, Mohamed et ses cousins rencontrent pour la première fois la guerre avec des pendus dont le sexe coupé est placé dans la bouche. Ces derniers ont été torturés par le FLN.

Ainsi, tel un peintre impressionniste, Julien Frey dévoile, par petites touches le sort de Mohamed qui devient un harki au service des Français. Le scénario s’avère subtil et délicat. Il aborde les divisions au sein mêmes des familles comme dans les villages. Chacun choisit en fonction de sa survie ou de ce qu’il comprend. La violence est contée sans fard et sans complaisance. Mohamed se souvient et Lisa ne porte aucun jugement. Elle réussit à le faire parler de ce qu’il a vu et de ce qu’il a fait.

Entourés d’arbres à la manière de Van Gogh, les paysages de Malayen Goust associent un graphisme simple et des couleurs douces qui tranchent avec les événements décrits.  Des tonalités différentes accompagnent les flash-back pour guider le lecteur. Les postures des personnages servent les échanges. Les visages expressifs participent à la narration.

Après L’Œil du STO, chez le même éditeur, Julien Frey persiste à explorer « les zones sombres de notre passé » en proposant un ouvrage sur les supplétifs de la guerre d’Algérie.

Ce magnifique album va contribuer à forger la Mémoire de ceux qui ne peuvent toujours pas retourner dans leur pays. Il transmet une des facettes de l’Histoire d’un conflit  à des générations multiculturelles qui ont besoin de comprendre les dissensions encore prégnantes entre la France et l’Algérie.