Suite à l’annonce de sa suppression en 2010, Agnès van Zanten (Directrice de recherche au CNRS) et Jean-Pierre Obin (Inspecteur Général de l’Education Nationale) ont réactualisé leur ouvrage sur la carte scolaire paru, pour la première édition, en 2008. Le sous-titre est révélateur du débat : « ségrégation ou choix scolaire ? »
Créée en 1963 pour optimiser les flux d’élèves et d’enseignants selon la démographie, la carte scolaire a vite vu cet idéal de rationalisation s’envoler au profit de demandes de dérogations toujours plus nombreuses (fondées sur le choix de différentes options : musique, langues rares…et ainsi éviter certains lieux).
Si la procédure touche l’ensemble du système éducatif, les situations sont contrastées entre l’enseignement primaire où les maires favorisent plus facilement les demandes de dérogations émanant de parents bien ancrés dans les associations locales et l’enseignement secondaire où la situation est nettement plus complexe, les demandes de dérogations pour l’entrée en seconde atteignant parfois jusqu’au tiers du nombre d’élèves concernés.
Ainsi, on voit les établissements se spécialiser en fonction de leurs atouts avérés ou potentiels : les établissements en haut de la hiérarchie jouent la carte de la conquête et de la rente tandis que les autres doivent œuvrer pour la diversification et l’adaptation.
La gestion pratique de ces questions est éminemment plombée par la concurrence entre les procédures manuelles et les procédures informatisées et vont à l’encontre de l’objectif initial de mixité sociale. Il est en de même pour le niveau très différent d’information des familles qui gangrène le processus : les enseignants sont naturellement aidés par leur meilleure connaissance de la question, leurs réseaux et bénéficient même parfois de passe-droits.
Le fait de devoir rester sur l’établissement de proximité se fait parfois dans le mode d’une « colonisation dure » qui renforce l’entre-soi, d’autres anticipant nettement la question en affutant leurs stratégies résidentielles comme c’est notamment le cas à Paris. La fuite vers le privé est une autre solution qui permet également de faire pression sur le public.
Pratique délicate, globalement efficace sur la régulation des flux mais beaucoup moins sur le brassage social, la carte scolaire nécessite un certain courage politique pour rendre sa mise en œuvre satisfaisante. Il est nécessaire de prendre en compte la spécificité des élèves et de coordonner l’offre de formation sur différents établissements. En comparant à l’international, le système de libre choix régulé comme le connaissent certains états scandinaves semble la meilleure politique, type de régulation vers lequel il faudrait évoluer.