Trop occupés à essayer de compenser le déséquilibre induit par la domination des historiens dans leur heureux ménage, les géographes trainent parfois à se mettre à la page en histoire. Voilà qui est chose faite et que l’on peut appeler de la mauvaise foi.

Que l’on réponde ensuite aux curieux : oui, il y a des photos ! En noir et blanc tout au long du texte mais également dans un cahier central en couleur de 16 pages. Pour le reste, l’ouvrage de Jacques Zimmer, critique cinématographique et ancien rédacteur en chef de la Revue du cinéma, est une véritable bible de 450 pages sur le sujet si tant est que l’on puisse ici mobiliser ce qualificatif religieux.

Les ancêtres

Si les représentations de scènes sexuelles sont aussi vieilles que l’humanité, c’est d’abord par l’intermédiaire de la photographie qu’est née l’imagerie pornographique, des clichés obscènes circulant sous le manteau dès la fin du XIXème siècle. En parallèle, un cinéma érotique avec strip-tease et gestion de « l’ellipse » se développe. Mais c’est l’invention du format 8 mm qui va réellement contribuer à la diffusion de ce genre naissant.

Diffusés dans les bordels mais de façon non systématique, les premières réalisations semblent témoigner d’une ambiance sereine et d’une certaine complicité entre les acteurs : un jeu classique à trois, généralement un homme, son épouse et une maîtresse ou une bonne de passage dans les parages, les autres formules n’étant qu’exceptions. Muets, les films s’accompagnent de cartons aux commentaires gras pour l’annonce des dialogues. L’amateurisme de ces productions rend leur datation et leur cadrage géographique très difficiles, les noms d’auteurs, d’acteurs, de producteurs n’étant pas mentionnés.

Les éclaireurs

La période de l’après Seconde Guerre Mondiale est caractérisée par une quasi disparition du sujet. Quelques réalisations surréalistes traitent de divers tabous en les suggérant sans vraiment les montrer et il faut attendre les années 1960 pour que l’on bascule tranquillement de l’érotisme vers la pornographie via la parodie de films classiques tandis que la comédie sexy (Max Pecas) fait toujours recette. Mais c’est surtout à des films traditionnels secouant la morale comme « La Grande Bouffe » ou « Le Dernier Tango à Paris » que l’on doit une grosse avancée de la libéralisation tout en voyant émerger les premières mesures d’interdictions aux mineurs.

L’âge d’or

C’est au cœur des années 1970 qu’il se situe. La femme devient davantage objet à l’image du succès d’ « Emmanuelle » (qui bat même l’Exorciste en salle !) même si les critiques ne le trouvent pas assez hard. La chute de la censure sous Giscard D’Estaing aide à la démocratisation mais développe parfois un hardcore sans saveur car consistant en l’insertion de scènes hard dans d’anciens films soft.

Cela n’empêche pas le « X » de devenir un véritable cinéma de genre structurant nombre de ses classiques sur la seule année 1975 (« Gorge profonde », « Derrière la porte verte », « Le sexe qui parle »…), une année charnière. En effet, si certains, au sommet de l’Etat, y voient une mode qui passera, d’autres prennent de radicales mesures qui annonceront le déclin : une TVA plus élevée ainsi qu’une taxation en salle mais également sur les films étrangers.

Face à la masse de films à analyser, les commissions de censure classent en « X » les films à la chaîne, parfois à tort car se basant juste sur le nom. Un cercle vicieux s’engage : effondrement des distributeurs, augmentation des films à tout petit budget, scénarios bâclés, durées des tournages réduites…le tout avec des titres complétement loufoques !

La fin de la décennie 1970 qui voit se développer les productions homosexuelles et sadomasochistes, montre un sursaut d’orgueil avec quelques bons films soignant les plans, les éclairages, des décors sadiens à l’image de ceux mettant en scène l’icône Brigitte Lahaie, 13 ans de carrière, des cachets confortables, un choix dans les producteurs…une exception, loin des promotions canapé de tant d’autres.

L’arrivée de la vidéo

Si le début des années 1980 est définitivement marqué par un manque d’ambition, d’originalité et, à nouveau, par le caviardage (mixage de films soft avec des scènes hard), l’avènement de la vidéo va donner un autre souffle au monde du « X ». Filmer des dizaines d’heures pour n’en garder que les deux meilleures permettra à un certain Marc Dorcel de prendre une place sur ce marché qu’accompagnera rapidement Canal + et son film du samedi soir (même si c’est l’émission précédant le film, « Le journal du hard », qui fera de meilleures audiences que les films eux-mêmes). Le « X » entre dans les chaumières et se banalise.

L’actrice est davantage mise en valeur que le réalisateur sur la jaquette de la vidéo ce qui relancera, parfois sans le souhaiter, la carrière de certaines retraitées comme Catherine Ringer (Rita Mitsouko). Mais destiné à être doublé pour l’international, le jeu d’actrice n’est déjà plus une priorité.

Aujourd’hui

Évolution technologique toujours, la caméra format réduit permet à n’importe qui de filmer, parfois tout en œuvrant, et c’est ainsi que l’on a vu se développer le « gonzo », une simple juxtaposition de scènes de sexe sans aucun élément structurant, un porno sans star(s) finalement.

Toujours face à la massification, se développent des formules parallèles comme l’« alt porn » (Sasha Grey) par exemple, qui voit les brunes punk et gothiques s’ériger contre la domination du modèle de la blonde à forte poitrine mais surtout une hyperspécialisation peu ragoutante disponible en sexshop, le hard classique gardant une place honnête sur le petit écran.

La dernière étape est le passage sur Internet qui ne montre plus aucune limite. Les rares pistes d’avenir passeraient par la 3D mais l’heure est également à la nostalgie et aux anthologies.

En définitive, certains regrettent que ce véritable genre cinématographique n’ait pas davantage été considéré mais aussi que le décalage demeure trop grand entre un cinéma traditionnel qu’on dira artistique lorsqu’il saura placer des scènes hard et d’anciennes stars dont le passé apparait trop lourd pour leur autoriser des percées crédibles dans le cinéma traditionnel.

Huit parties, vingt-quatre chapitres et de nombreux témoignages (chercheurs, producteurs, réalisateurs, actrices…) pour décrypter quelques légendes et idées reçues mais surtout pour comprendre comment ce genre marginal et clandestin est devenu une véritable industrie ayant peut-être atteint ses limites.