« Les représentations du monde d’Ulysse à Christophe Colomb »

Décrire la Terre fascinait les penseurs durant l’Antiquité et le Moyen-Age. Une discipline hybride, à la jonction de la géologie, de l’astronomie, de l’histoire, des sciences naturelles et des mathématiques se construit petit à petit jusqu’à devenir une science (chapitre 6). Cet « obscur objet du désir » (page 9) témoigne d’une volonté de comprendre la formation du relief, la circulation des masses d’air et des courants marins, le cycle de l’eau, la remontée du magma à la surface et l’organisation de la vie sur Terre. Pour y parvenir, des auteurs grecs, chinois, indiens, romains, arabo-musulmans et latins font des conjectures et des descriptions s’appuyant sur des calculs et le récit de voyageurs.

Professeur émérite au département de Géographie de l’université de Bourgogne-Franche-Comté, Jean-Jacques Bavoux est connu pour être l’auteur du manuel « La Géographie – Objets, méthodes, débats« , devenu un classique comme en témoigne les deux rééditions.

Après une introduction particulièrement abscons, l’auteur relate les descriptions de la Terre comme objet céleste au sein du cosmos (chapitre 1 et 2), le feu des volcans et des séismes puis l’eau des rivières et des océans (chapitre 3), la terre, puis de l’air (chapitre 4). Un rupture majeure est visible avec le chapitre 5 qui traite de l’histoire de la cartographie (chapitre 5), la construction de la géographie comme une science (chapitre 6) puis les représentations (chapitre 7, 8, 9, 10). Le développement se termine de façon éclectique en abordant la géométrie (chapitre 11) et les religions (chapitre 12). La  rupture repérée à partir du chapitre 5 entre la géographie physique et humaine ne permet pas de répérer un fil rouge à la démonstration.

Dans le bassin méditerranéen, de même que se produisent des séismes, existent des volcans actifs facilement observables. Pourtant, le mot volcan n’existe ni en grec, ni en latin. Les Romains parlent de « montagnes qui brûlent » et les déchaînements brutaux des éruptions sont qualifiés d’incendies ou d’embrasements, voire, pour traduire la charge émotionnelle, désignés par des métaphores corporelles comme « intestins en feu (intestinis ignibus) ou « vomissement de feu » (ignivomi). Mais de nombreux auteurs les présentent de manière plus « neutre », voire se livrent à quelques réflexions à propos de leurs impressionnants mécanismes. A tout seigneur, tout honneur, l’Etna sicilien. On sait qu’il a beaucoup frappé les poètes : « les entrailles de l’Etna vomissent les sources les plus pures du feu inabordable. Pendant le jour, ces fleuves déversent un flot de fumée ardente ; mais dans les ténèbres, une flamme pourpre roule et entraîne des rochers jusqu’aux abîmes de la mer » (Ammien Marcelin, Histoires).

Une brève histoire de la géographie, Armand Colin, 2023, page 77

Malgré les réserves exprimées précédemment, le cahier central en couleur se révèle être une bonne surprise. Les principales cartes de l’Antiquité et du Moyen-Age sont lisibles en grand format, dont la célèbre mappemonde de Fra Mauro (1460), la Tabula Rogeriana d’Al-Idrisi (1154), la carte coréenne de Kangnido (1402) et de nombreuses cartes T dans O comme celle du Livre des propriétés des choses de Barthélémy l’Anglais (1200).

En conclusion, la première édition de ce manuel laisse le lecteur sur sa faim. Sans être un récit des explorations depuis l’Antiquité, ou une histoire de la cartographie, le développement principalement thématique a tendance à déboussoler le lecteur.

Il est difficile de déterminer le public visé de ce manuel au contenu savant, dont le contenu ne peut pas vraiment être mobilisé par un étudiant en licence de géographie ou en Classes Préparatoires aux Grandes Ecoles. Les étudiants en histoire ancienne ou médiévale pourront néanmoins lire les pages consacrées aux éruptions volcaniques, à la météorologie ou à la géographie des mythes, qui s’appuient sur l’analyse des descriptions grecques ou latines relatives à la géographie physique.

Pour aller plus loin :

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Antoine BARONNET @ Clionautes