Les lecteurs de la Cliothèque connaissent depuis longtemps l’écriture jubilatoire de Jean-Louis Marteil, l’éditeur-auteur de Cahors qui a spécialisé la Louve dans l’histoire médiévale avec un rare bonheur. Régulièrement rencontré aux Rendez-vous de l’histoire de Blois, Jean Louis Marteil nous a fait parvenir son nouveau roman, la chair de la Salamandre dont l’action se déroule à Cahors, sans doute dans son quartier, mais vers 1221.
Auteur de la trilogie, la relique, l’os de frère Jean et le vol de l’aigle, présentés sur la Cliothèque, Jean-Louis Marteil continue dans la même veine mais avec un sens de l’humour de plus en plus décapant. On aime ses descriptions des personnages, véritables gargouilles vivantes, édentés et porteurs de toutes les tares physiques et morales. Dans cet univers médiéval, l’auteur apporte, en plus d’une intrigue policière de précieuses descriptions du contexte social qui rappellent beaucoup le roman noir. Il y a du Chandler dans ces romans et une étonnante modernité.
La veine rabelaisienne se retrouve également dans les noms des personnages, avec Tranche-tripe, le tavernier, Tape-buisson , le routier, et bien d’autres plutôt déjantés.
Mais au-delà de l’histoire elle-même, un bon roman policier, c’est surtout la soigneuse reconstitution de la ville de Cahors et de quelques autres comme Bordeaux moyen-âge, de ses échanges économiques avec l’Angleterre, même qui est ainsi mise en scène.
Les gabarriers, ces marins d’eau douce qui naviguaient sur la Dordogne, chargés de bois d’ouvrage permettant de confectionner les futailles pour le vin de bordeaux sont des acteurs majeurs de cette histoire qui se déroule toujours avec le fleuve en arrière plan.
L’usurier Bertrand de Vers est le personnage central du roman, avec ses préjugés, notamment contre les Lombards. Accompagné de sa femme, une belle brune et ses deux filles, dont la seconde Braïda, a un beau tempérament, Bertrand de Vers est colérique et met son commis Arnaud dans des situations souvent impossibles.
C’est évidemment une intrigue que l’on ne dévoilera pas que nous livre Jean-Louis Marteil.
Tout part en effet, de l’effondrement d’un échafaudage, pour finalement y revenir dans les dernières pages. Entre les deux, ce sont plusieurs histoires parallèles qui sont racontées et chaque personnage se retrouve doté d’une vie propre. Mais ce qui mérite l’attention, c’est aussi ce formidable récit, entrecoupé de descriptions de bagarres et de repas. On sent au fil des pages une odeur de brouet de fèves et de poulet à l’ail. Les personnages du roman se livrent avec allégresse à toutes les pratiques de la vie, et finalement, on retrouve chez Jean-Louis Marteil cette inspiration rabelaisienne et sympathiquement paillarde qui nous avait déjà beaucoup plu lors des trois précédents romans.
© Bruno Modica