Docteur en histoire, spécialiste de l’histoire militaire de la Seconde Guerre mondiale et professeur à l’université de Pécs en Hongrie, Krisztiàn Bene vient d’écrire un ouvrage sur La collaboration militaire dans la Seconde Guerre mondiale, paru aux éditions Codex.

Dans ce livre fort agréable à lire, l’auteur hongrois reprend certaines analyses issues de sa thèse de doctorat, à laquelle il a ici ajouté de nombreuses annexes, des illustrations, un index complet ainsi qu’une quinzaine de cartes. Le résultat est très positif dans la mesure où l’universitaire apporte une contribution de taille à la complexe histoire de France.

En effet, jusqu’à ce jour, plus aucun historien à part Pierre Giolitto n’avait étudié le phénomène de la collaboration dans son ensemble. L’intérêt de cette étude monumentale, c’est que Krisztiàn Bene – du fait notamment de ses origines étrangères – a su éviter deux écueils, à savoir une condamnation morale et une admiration béate.

Au cours de la première partie, l’auteur rappelle que la collaboration militaire est née des mouvements extrémistes des années dix-neuf cent trente et de l’activité des partis politiques pendant l’occupation. L’auteur effectue un tour d’horizon général de la collaboration, en évoquant avec force détails les partis politiques et la presse collaborationniste.

Parmi toutes ces organisations, l’une d’entre elles occupe une place particulière. Il s’agit de la légion des volontaires français, laquelle a été créée le 8 juillet 1941 avec l’accord du maréchal Philippe Pétain. Cette légion constituait le 638e régiment d’infanterie de la Wehrmacht et était placée sous le commandement du colonel Labonne, un ancien Saint-Cyrien peu connu pour sa compétence…

L’instruction des recrues avait lieu en Pologne. Les soldats étaient obligés de combattre sous l’uniforme allemand et de prêter serment à Adolf Hitler. Avant d’aller au combat, la combativité de la légion était douteuse. A cet égard, l’auteur relève que le bilan de la légion des volontaires français sur le front de l’Est est très modeste. K. Bene évoque sans ambages un échec.

La légion des volontaires français

De plus, la légion des volontaires français dut toujours faire face aux vives réticences du commandement militaire allemand, lequel souhaitait éviter à tout prix la reconstitution d’une force militaire française qui aurait pu à terme déstabiliser le Reich.

La légion tricolore et la phalange africaine furent également créées. En janvier 1943 fut fondée la milice, qui fut l’organisation la plus haïe de l’histoire française en raison de sa participation active et volontaire aux actions de représailles menées contre la Résistance et les civils. La constitution sociale de la milice était très variée, on y trouvait beaucoup de notaires dans les cadres de l’organisation. Elle comprit jusqu’à 10.000 membres.

4.000 miliciens s’engagèrent dans la Waffen SS. En 1943, à cause des revers subis sur tous les fronts, l’Allemagne fut en effet contrainte de recourir au potentiel militaire français. Nombre de volontaires français participèrent notamment à la défense de Berlin. Les indépendantistes bretons, qui collaborèrent dès avant la guerre avec les Allemands, créèrent une unité bretonne de la SS : le Bezen Perrot, autrement dit der bretonische Waffenverband der SS.

K. Bene indique en sus qu’il ne faut pas oublier que de nombreuses autres organisations allemandes armées ont accueilli des volontaires français. Pour Vichy, cela devait permettre le maintien de la souveraineté française, mais en réalité cela ne fit que servir les intérêts du Reich. A la Libération, l’épuration fut sévère, mais par la suite la justice se fit plus clémente. On offrit par exemple à certains la possibilité de se racheter en rejoignant le corps expéditionnaire français en Extrême Orient.

En effet, en Indochine, la France dut faire face à l’invasion des Japonais et au soulèvement d’Hô-Chi-Minh. En 1948, la France rencontra des difficultés pour envoyer des renforts. Un bataillon d’infanterie légère fut donc créé en Outre-Mer à partir des milliers de jeunes hommes aguerris et emprisonnés pour leur appartenance aux mouvements collaborationnistes. Dans l’ensemble, ils furent réintégrés dans la société à la fin de leur contrat. Certains renouvelèrent leur contrat et furent même décorés de la légion d’honneur. Comme les Allemands tatouaient sur le corps des SS leur groupe sanguin, nombre d’anciens SS français furent découverts lors de visites médicales ultérieures…

Bref, un ouvrage d’excellente facture et sans polémique.

Jean-Paul Fourmont