Le livre de Thomas Fontaine et Denis Peschanski , « la collaboration, Vichy Paris Berlin, 1940- 1945 » est de ceux qu’on rangerait volontiers dans sa bibliothèque dans le rayon des « beaux livres ». De ceux que l’on peut lire de la première à la dernière page en faisant semblant de ne pas rien connaître du dénouement de cette histoire tragique; ou de ceux surtout qui seront, dans nos douces soirées consacrées à l’aventure sans bouger de notre canapé, l’heureuse élue de notre voyage dans le passé!
Le livre de Denis Peschanski et Thomas Fontaine est issu de leur étroite collaboration avec les Archives nationales et celles de la Défense nationale pour l’organisation de l’exposition sur Vichy et la collaboration organisée par les Archives nationales en 2014- 2015, et dont ils furent les commissaires scientifiques. L’ouvrage comprend près de 600 documents d’archives de toutes natures, dont plus de la moitié sont inédits. Les auteurs confessent leur « addiction aux archives, éternel bain de jouvence de la recherche historique ». On leur pardonnera volontiers ce péché veniel…
Pour présenter cette masse de documents, les auteurs ont pris le parti d’organiser leur ouvrage selon un plan chronologique en six parties. Cela permet de mettre en perspective cette histoire nationale avec l’évolution du cours de la guerre mondiale. Ainsi, au delà du choix fondamental de la Collaboration de l’automne 40, cette scansion chronologique permet de replacer les faits dans le fil d’une histoire qui dépasse le cadre franco-français. Le sous-titre « Vichy, Paris, Berlin » indique que les auteurs ont eu pour projet de rendre compte de la complexité des relations entre 3 types d’acteurs: pour faire simple, Hitler et ses séides, Pétain et ses ministres, les collaborationnistes parisiens et leurs illusions. Complexité au rebours d’une vision simpliste de l’histoire, mise en contexte des faits du passé, analyse des jeux d’acteurs multiples, n’est-ce pas cela « faire de l’histoire »?
Chaque chapitre est introduit par une ou deux pages qui fait le point sur la phase historique. Les deux auteurs ne prétendent pas ici renouveler l’historiographie de cette période, mais nous offre des synthèses claires et utiles. La suite présente de multiples documents accompagnés de commentaires (sur le nature, le contexte, le sens) et qui donne une vision plurielle de ce qu’on appelle la Collaboration et les collaborateurs.
Ainsi, cet ouvrage peut faire l’objet d’une lecture « multiscalaire », selon ce que recherche le lecteur. Il pourra, en sautant des pages, se concentrer sur tel ou tel aspect du sujet, la collaboration politique, économique, policière ou culturelle; suivre le destin de tel ou tel collaborateur… Ces parcours des collaborationnistes parisiens, les Déat, Doriot, Darnand et consorts sont particulièrement bien rendus par les auteurs et cette progressive descente aux enfers (de leurs victimes d’abord, puis d’eux-mêmes) interroge…
On l’aura compris, je recommande vivement cet ouvrage, en particulier aux enseignants qui pourront y puiser de multiples documents pour illustrer leurs cours et ainsi renouveler leur « stock » de supports pédagogiques.