Alain SCHNAPP est professeur émérite d’archéologie à l’université Paris I et chercheur à la Maison de l’archéologie et de l’ethnologie Paris I /Paris Ouest/CNRS. Il a enseigné dans de nombreuses universités européennes et américaines et a été le premier directeur général de l’Institut national d’histoire de l’art (Inha)

Cet ouvrage est une réédition du livre paru en 1993. Après une courte préface à la première édition d’Emmanuel Le Roy Ladurie, Alain Schnapp, dans une introduction à la nouvelle édition, rappelle que son livre est « une réflexion sur les techniques d’exploration du passé, une tentative de préhistoire de l’archéologie ».

Ce livre comporte 5 chapitres :
1 – Sources antiques et médiévales
2 – L’Europe des antiquaires
3 – Des antiquaires à l’archéologie
4 – Du refus de l’histoire naturelle de l’homme
5 – L’invention de l’archéologie.

Le rapport au passé

L’auteur explique tout d’abord, à l’aide de nombreux exemples, le rapport au passé dans les sociétés anciennes car depuis l’Antiquité, les hommes sont intéressés par les vestiges du passé. Un exemple étonnant de cet intérêt si précoce pour le passé est donné par la découverte d’une tablette cunéiforme à Larsa en Irak nous raconte l’histoire de Nabonide (556-539), roi de Babylone, qui fait exécuter des fouilles dans le sol de son royaume afin de renforcer son pouvoir. L’histoire de l’archéologie se poursuit dans les sociétés médiévales avec, entre autres multiples exemples, la découverte de la tombe d’Arthur ou les efforts de l’Église pour imposer l’empreinte chrétienne sur le sol au dépend des vestiges païens, puis durant la période moderne, où les antiquaires sortent des bibliothèques pour effectuer des relevés de monuments, faire des fouilles avec plus ou moins de méthode.

Ainsi, on apprend que Charles III, roi d’Espagne et de Naples, confie les fouilles d’Herculanum et Pompéi à Alcubierre, un ingénieur espagnol, officier du génie, qui, au lieu de dégager les monuments en surface, utilise la méthode militaire de creusement de galeries. Il se prive ainsi de toute compréhension topographique d’ensemble des deux sites mais aussi endommage les peintures qu’il découpe dans les galeries pour les extraire, tout ceci sous les yeux de prestigieux visiteurs stupéfaits comme Winckelmann ou Walpole.

La construction de la science archéologique se bâtit sous nos yeux à l’aide de nombreux exemples variés dans le temps et dans l’espace, jusqu’à l’avènement de l’archéologie comme science au XIXe siècle.

Un ouvrage érudit

L’ouvrage d’Alain Schnapp est plutôt pointu. Il s’adresse à un public de connaisseurs. L’auteur part du principe que ses lecteurs ont une certaine connaissance de l’histoire de l’archéologie. Par exemple, il nous parle par exemple page 135 d’un antiquaire, Nicolas Fabri de Peiresc « unanimement reconnu, par ses contemporains comme par la tradition, pour être le plus grand antiquaire de France au moins jusqu’à Montfaucon ». Qui est ce Montfaucon ? On ne l’apprend qu’à partir de la page 233 où l’on nous précise enfin que Bernard de Montfaucon (1655-1741) est un bénédictin de Saint-Maur, paléographe et philologue et éditeur, qui s’est consacré aux « antiquités » lors d’un voyage en Italie.

Le propos d’Alain Schnapp est agrémenté de nombreuses citations, complétées, à la fin de l’ouvrage par une belle « anthologie archéologique » qui nous plonge au cœur des sources. Enfin, l’ouvrage est richement illustré même si certains pourront trouver les illustrations un peu trop réduites pour pouvoir les apprécier pleinement.

Pour conclure, ce livre est un ouvrage érudit de la part d’un grand spécialiste de l’archéologie qui, à l’aide de références nombreuses, dresse une « tentative d’archéologie de l’archéologie ».