Lynn Hunt est une historienne américaine, spécialiste de la Révolution française et de l’Europe des Lumières. Elle propose dans ce court ouvrage d’aborder une question à la fois simple et vertigineuse : l’importance et la nécessité de l’histoire. Son propos est structuré en quatre chapitres. L’ouvrage comprend en outre quelques notes, un index et une courte bibliographie.

Aujourd’hui plus que jamais

Tout d’abord, Lynn Hunt entreprend de montrer pourquoi « l’histoire est aujourd’hui plus importante que jamais ». Elle appuie son raisonnement sur différents éléments récents de l’actualité comme l’importance de savoir décrypter le mensonge en politique. Elle souligne également le fort enjeu mémoriel actuel que l’on voit à travers des monuments comme la statue du général sudiste Robert E. Lee. Cette préoccupation est bien globale puisqu’ailleurs dans le monde on s’interroge sur le contenu des manuels scolaires, comme au Japon, où on assiste à la remise en cause de certains récits nationaux, comme en Europe. Lynn Hunt montre aussi le lien entre histoire publique et mémoire collective : ainsi, plus de la moitié des 35 000 musées des Etats-Unis sont des musées d’histoire ou des sites historiques. Il se pose alors la question de ne pas non plus travestir l’histoire pour en faire uniquement un spectacle. L’auteure cite plusieurs cas de mises en scène historiques qui lui semblent intéressantes comme au Jorvik Viking Center au Royaume-Uni. Comme elle le dit elle-même, « tout le problème consiste à trouver un point d’équilibre entre la précision historique et l’attractivité ». 

La vérité et l’histoire 

« Un fait en lui-même ne signifie rien tant qu’il n’est pas un élément d’une interprétation qui lui donne sens ». Lynn Hunt rappelle l’importance d’établir d’abord les faits. Elle souligne que l’histoire est pour elle «  un art littéraire qui recourt à des techniques scientifiques… mais dont l’objectif fondamental est de dire une histoire vraie. ». Elle poursuit logiquement en abordant la question de l’interprétation en rappelant qu’il faut toujours savoir qui parle, à quelle époque et dans quel contexte. Ceci n’est pas au détriment des faits. Elle parle ensuite de l’eurocentrisme qui a longtemps prévalu en citant quelques exemples. Elle n’oublie pas de préciser que l’histoire, telle que nous l’écrivons aujourd’hui, « semblera un jour incomplète ». 

La politique de l’histoire

« Il est vital pour la démocratie de pouvoir débattre du sens de l’histoire ». Lynn Hunt montre comment on est passé d’une histoire élitaire, écrite par quelques-uns, à des profils d’historiens beaucoup plus variés. Elle insiste par exemple sur la lente émergence des femmes dans le monde universitaire historique. Elle traite plus spécialement de la situation américaine et montre ainsi qu’aux Etats-Unis « le déclin de l’histoire européenne et la montée en puissance de l’histoire non-occidentale ont accompagné la démocratisation de l’accès aux études ». Elle souligne également les nouvelles voies explorées par l’histoire, comme l’environnement ou le développement de l’histoire mondiale quel que soit le terme qu’on lui donne. « A ses débuts un passe-temps élitaire parlant des élites aux élites, l’histoire a changé, tout comme la façon dont on l’écrit et on l’enseigne » conclut-elle dans ce chapitre. 

L’avenir de l’histoire

Dans un dernier temps, Lynn Hunt évoque quelques-unes des nouvelles méthodes et approches de l’histoire. Pour montrer l’importance de l’histoire mondiale, elle retrace de façon convaincante, et en quelques lignes, un portrait de son grand-père, germanophone, qui était venu s’installer dans le Minnesota après avoir quitté l’Ukraine.  L’auteure elle-même est née à Panama : ces simples éléments montrent l’imbrication des lieux et des époques qui forment tout être. Elle montre également qu’aujourd’hui il faut adopter une autre conception du  temps étant donné l’état de la planète avec le réchauffement climatique. Elle dit aussi que, quel que soit le pays, on retrouve les mêmes préoccupations autour de l’identité. Elle affirme aussi que la supériorité est toujours passée d’une région à une autre et continuera de le faire. Elle revient sur la tension entre histoire universitaire et histoire populaire rappelant que beaucoup d’historiens cherchent aujourd’hui à écrire autrement. La discipline historique doit aussi veiller à ne pas oublier les périodes plus anciennes car le décompte des thèses montre un tropisme très fort pour les périodes les plus récentes. Elle invite à se méfier d’une obsession pour le présent. 

Lynn Hunt propose donc ici un ouvrage à la fois percutant et qui dit l’essentiel sur la nécessité de l’histoire pour les sociétés quelles qu’elles soient. Agrémentant sa démonstration de nombreux exemples, elle offre un raisonnement à la fois vif et convaincant.

© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes