Présentation de l’éditeur :

  • Février 1945, un autobus franchit les grilles du camp d’extermination de Flossenburg, en Haute-Bavière. À son bord, Hjalmar Schacht, 68 ans, ancien grand argentier du chancelier Adolf Hitler qu’il a porté au pouvoir. Comment cet homme, président à vie de la Reichsbank, qui par trois fois a sauvé l’Allemagne de la faillite, s’est-il retrouvé aux portes de la mort ? Était-il seulement un génie de la finance ou, comme ceux de son camp, un monstre froid, opportuniste et sans scrupule ? En deux volumes, Le Banquier du Reich raconte l’histoire de Hjalmar Schacht, de ses premiers coups d’éclat lors de la Grande Guerre à sa collaboration puis son opposition au nazisme, son procès par les Alliés et sa participation à la relance de pays émergents pendant la guerre froide. Un destin hors norme pour un personnage aussi brillant qu’ambigu et énigmatique, et qui reste, malgré ses parts d’ombre, l’un des plus grands économistes de tous les temps.

La Seconde Guerre mondiale et l’Allemagne nazie sont de longue date une riche source d’inspiration pour la bande dessinée historique. Adoptant le même registre, Le Banquier du Reich met en scène la figure énigmatique et paradoxale du docteur Hjalmar Schacht, qui fut l’unique accusé du procès de Nuremberg à avoir été détenu au préalable dans un camp de concentration allemand. Ce premier volet de sa biographie suit le parcours du personnage durant l’entre deux-guerres. Brillant technicien de la monnaie et homme de pouvoir financier, Schacht fait ses débuts en tant que sauveteur des finances publiques de la République de Weimar. En s’appuyant sur les Britanniques, il parvient à relancer l’économie allemande sinistrée par l’hyperinflation. Dans les années Trente, il devient une éminence grise, puis un allié gouvernemental ambigu d’Adolf Hitler qu’il croit pouvoir manipuler, avant d’être marginalisé pour sa position critique sur le réarmement et la politique anti-juive du régime nazi. Une fois écarté, il se rapproche de l’opposition allemande.

L’album a l’habileté scénaristique de présenter ce parcours sous la forme d’un entretien, dans lequel l’intéressé fait lui-même le récit de sa trajectoire à un jeune agent secret israélien, en relation avec le sort d’un troisième protagoniste que tous deux ont en commun. Cela en fait un plaidoyer pro domo sur lequel un évident recul critique s’impose. La démarche didactique est donc efficace. Elle échappe adroitement à l’austérité potentiellement pesante du sujet en mettant l’accent, avec une subtile ironie, sur la psychologie du personnage. Son profil est, à cet égard, assez fascinant. Habité par un sentiment aigu de sa supériorité confinant à la suffisance, tout en pratiquant une forme de sobriété personnelle, Schacht est un technocrate rigide obsédé par les paramètres économiques et financiers. Trop arrogant et trop indifférent au facteur humain pour admettre le caractère nuisible du nazisme, il tarde à se convaincre qu’il n’a pas l’influence qu’il présumait sur Hitler. Patriote allemand sans être militariste, il est persuadé bien à tort de la supériorité de l’argent sur l’idéologie… Le trait fin et précis et les couleurs austères des images riment parfaitement avec la sécheresse morale de cet obsédé de l’efficacité macroéconomique. Une jolie réussite donc, qui donne hâte de découvrir la suite de ce parcours, pendant la guerre puis à l’heure de rendre des comptes à la justice internationale.

© Guillaume Lévêque