La défense : dictionnaire atlas, architecture/politique/histoire/territoires
éditions parenthèses, deux volumes sous coffret, 44 €

Au moment où les projets pour le Grand Paris s’invitent dans le débat public, avec une indéniable réduction de voilure et un décalage dans le temps, cette publication des éditions parenthèses apparaît comme une référence précieuse pour montrer l’histoire d’un aménagement du territoire qui, dès lors qu’ils concerne Paris, devient de fait un projet national. Lorsque l’on prend possession de ce coffret, avec une certaine envie, en raison de sa qualité de réalisation et de présentation, on trouve un encart chronologique qui permet de voir que ce projet de développement s’inscrit dans la durée. La première réalisation est sortie de terre en 1956 L’auteur de ces lignes aussi ! , en même temps que l’approbation du plan directeur par décret.

L’atlas

Le 9 septembre 1958 l’établissement public d’aménagement de la défense est créé au départ pour une durée de 30 ans. On sait, depuis la tentative de Jean Sarkozy de se mettre à la tête de cet établissement, que celui-ci existe toujours. Mal connue, cette structure gère tout de même un patrimoine foncier tout à fait considérable.
Les contributions des très nombreux auteurs, 45 au total, s’ inscrivent dans une double démarche.

  • Donner à voir tout d’abord, avec un atlas très richement illustré où se succèdent le récit cartographique et iconographique de ces aménagements. Et même les zones inondables ainsi que des cartes de répartition habitat/emploi particulièrement précieuses.
  • Donner à comprendre ensuite, avec des plans successifs d’aménagement de ces espaces, associant cartes topographiques, plan de transport en commun, visualisation rare de la hauteur du bâti

Ici aussi il faut souligner la réalisation de qualité et le choix tout à fait pertinent d’une imprimerie française, Loire offset.

Il est évident que, même si cet ouvrage est présenté comme un outil de recherche, il pourrait parfaitement servir de support de travail pour des études de géographie urbaine, de l’enseignement secondaire supérieur. Et à ce propos, il serait sans doute tout à fait pertinent que ces cartes, ces images et photographies de grande qualité d’ailleurs, soient disponibles sur un support numérique. Dans ce cas précis justement l’association du livre imprimé et du support numérique serait particulièrement judicieuse.

Parmi les nombreux mérites de cet atlas le plus important se trouve dans la présentation des périmètres d’intervention qui montre en un coup d’œil quels sont les enjeux politiques et économiques de l’aménagement de ce territoire. On voit bien sur la carte numéro 164 de l’atlas, les périmètres d’intervention du quartier est bien entendu les limites des communes voisines comme un avis, Courbevoie, Colombes ou encore Nanterre.

Il est évident que les préoccupations des différents élus locaux, représentés aussi bien dans leurs communes, que dans les structures intercommunales et dans les conseils généraux peuvent être contradictoires avec les projets de développement de l’établissement public de la défense.

Au moment où l’on évoque les questions qui touchent au transport sur l’ensemble de la région Île-de-France, il est évident que l’aménagement de la défense a pu servir de laboratoire à ce type de développement la carte 158 des transports montre, en sus de l’existant, les projets de grands paris express adopté par décret du 26 août 2011, mais qui seront probablement remis en cause dans la version 2013 présentée par Cécile Duflot.

 

Le dictionnaire

le second volume de cette réalisation se présente comme un dictionnaire dans lequel on voit se succéder des personnages, qu’ils soient architectes, hauts fonctionnaires, hommes politiques et des thèmes, comme les chantiers, cinéma, mais également les réseaux de chauffage et de climatisation. Le chantier de la défense a été très souvent utilisé par les cinéastes comme décor. De Wim Wenders à Bertrand Blier et Pierre Granier-Deferre en 1971, la défense sous sa forme ancienne, comme dans le chat avec Jean Gabin et Simone Signoret, où sa forme moderne comme dans le film de Pierre Jolivet, la très très grande entreprise, 2008, a souvent servi de support mais également d’acteur à part entière. Le territoire de la défense permet de montrer aussi bien le caractère inhumain du capitalisme financier que celui d’un monde qui disparaît peu à peu, en même temps que ces images noires et blanc qui rappellent les années 50.
La dalle de la défense joue évidemment un rôle important dans l’aménagement du territoire. Elle n’est pas au départ prévu comme tel mais elle est le résultat d’une réflexion progressive qui a permis d’en faire un espace public de référence. Le thème récurrent qui dicte cette réalisation, dont la forme est fixée de façon à peu près définitive en 1964, et de proposer aux piétons une sorte de balcon permettant de voir Paris. L’arche de la défense s’inscrit d’ailleurs comme une sorte de fenêtre permettant de porter ses regards vers l’est et donc vers le centre de la capitale.

L’origine d’un toponyme

Toujours à la lettre D, on trouve l’origine de ce toponyme « la défense ». Celui-ci serait apparu en 1873 et désignés l’ancien rond-point de Courbevoie ou converger, depuis la seconde moitié du XVIIIe siècle, six voix reliant les communes avoisinantes entre elle et à Paris. À l’origine, ce rond-point porté une statue de Louis Ernest Barrias, dont le bronze figure une allégorie armée de la France protégeant un soldat blessé et un enfant gisant à ses pieds. Cette statue remplace celle de l’empereur Napoléon premier qui avait été édifiée en 1840 lors du retour des cendres. La statue après avoir été mise de côté pendant plusieurs années a été remise en place en 1983.
Parmi les personnalités qui ont marqué l’histoire de la défense on trouve évidemment Patrick Devedjian, un de ses présidents de l’établissement public d’aménagement de la défense qui ont vu leur adolescence marquée par cette opération urbaine. En 2009 Patrick Devedjian a pu cumuler la présidence de l’EPAD et du conseil général des Hauts-de-Seine, jusqu’à la tentative avortée de Jean Sarkozy de prendre la tête de l’établissement public.
Depuis cette date, Joëlle Ceccaldi Raynaud, maire de Puteaux depuis avril 2004, est à la tête de l’établissement public, produit de la fusion de deux structures, appelé aujourd’hui l’EPADESA.
Au passage, la notice concernant l’actuelle présidente pourrait préciser tout de même les appartenances politiques des uns et des autres, ce qui peut parfois éclairer telle ou telle prise de position.
Ce bel ouvrage, tous les sens du terme, et donc un remarquable outil de travail, mais qui souffre en partie du choix qui a été fait de sa destination. Outil de recherche certes, mais qui aurait pu être également un instrument en direction d’un public plus large, évoquant parfois, au-delà de simples questions de gouvernance, les enjeux politiques, et parfois politico-financiers. À la lette D toujours on aurait pu trouver la notice « domaines », mais il existe heureusement à la lettre E, une rubrique « expropriations ».

Bruno Modica