En ces temps de souvenir, la célébration du débarquement de Normandie et de la libération du territoire ne doit pas faire oublier que cette période est aussi celle où le plus de civils français périrent du fait des représailles allemandes. Cela justifie largement le choix des éditions Tallandier de sortir dans leur collection Texto, l’ouvrage de l’écrivain britannique Max Hastings consacré à la division SS Das Reich. Car s’il est une division dont le nom reste lié aux crimes commis sur le territoire français, c’est bien celle-ci. Max Hastings est l’auteur de nombreux ouvrages consacrés à l’histoire militaire, et à celle de la Deuxième Guerre mondiale en particulier.

Bien que datant du début des années 1980, l’ouvrage de Max Hastings reste une des références sur le sujet, car il se consacre au mouvement qui permit à la Das Reich de rejoindre la Normandie à partir de ses bases en Tarn–et-Garonne. Il constitue une première approche de ce sillon sanglant qu’elle traça au cœur du Massif Central avec les massacres de Tulle et d‘Oradour-Sur-Glane. Des massacres que l’auteur replace dans le contexte du durcissement de la politique d’occupation allemande.

Résistance et occupation dans le Sud de la France en 1944.

Max Hastings commence par nous présenter le contexte général de ce début d’année 1944 dans le Sud de la France. Il rappelle tout d’abord comment les restes de la division Das Reich, tout juste échappée du chaudron de Tcherkassy, fut envoyée dans le Sud de la France pour y être recomplétée. Autour d’une base solide constituée des rescapés du front de l’Est, furent incorporées des recrues d’origines diverses : Malgré-nous, Volskdeutsche… Le positionnement de la division devait lui permettre de parfaire l’entraînement de ses troupes et aussi de pouvoir intervenir en cas de débarquement en Méditerranée ou en Atlantique.

Cette division, encadrée par des officiers dont la plupart sont des nazis de longue date, et des vétérans du front de l’Est, devait également participer à la mise au pas de la résistance française. Pour se faire, l’expérience de la lutte contre les partisans et des représailles à l’Est devait entraîner une attitude des plus implacables vis-à-vis des civils.

Quant à la Résistance, l’auteur s’attache à nous la présenter dans la plupart de ses composantes. En tant que Britannique, il commence par nous décrire les différents organismes existants en Angleterre et chargés d’encadrer les résistants français. Nous découvrons ainsi les relations entre les services spéciaux du SOE (Special Operation Executive) britannique et l’Armée Secrète (AS). On voit comment les premiers mois de l’année 1944 furent marqués par une hausse significative des parachutages d’armes et de munitions, mais aussi d’équipes sur le territoire français. Nous avons ainsi droit à la présentation du rôle des équipes SOE, Jedburghs et autres SAS ainsi que de leurs contacts de l’AS sur le territoire français avec leurs mouvements dans les mois précédant le débarquement. Désormais, pour le SOE, la France remplaçait la Yougoslavie en tant que principal théâtre d’opération. Même si, en raison des doutes des chefs alliés sur la capacité réelle de la Résistance à couper les voies de communication, les bombardements sur celles-ci continuèrent malgré les pertes civiles qu’ils engendrent.

A côté des actions de la résistance, il s’étend également sur celle des SAS responsables du bombardement du dépôt de carburant de Châtellerault qui freina considérablement l’avancé de la Das Reich. Face à la puissance du SOE, le modeste BCRA (bureau central de renseignement et d’action) des Français libres et les FTP (francs-tireurs partisans) peinent à trouver leur place dans l’ouvrage britannique.

Une montée au front accompagnée de crimes…

L’ouvrage nous rappelle que, par la composition d’une grande partie de son encadrement, par son expérience du front de l’Est où la dimension totale du conflit est sans équivalents, le comportement de la Das Reich vis-à-vis des civils n’est pas si surprenant. Mais il montre aussi comment les crimes commis par la Das Reich s’inscrivent dans une politique délibérée et ne sont pas que des actions de représailles. En effet, dans les semaines précédant le débarquement, celle-ci s’était déjà livré à un certain nombre de crimes dans un certain nombre de villes et villages des départements du Lot et du Tarn-et-Garonne (Limogne, Figeac…). Surtout, après le débarquement, la division reçoit comme mission première de réduire la Résistance dans la zone Cahors/Aurillac/Tulle et non de se rendre en Normandie. Les ordres du général Lammerding commandant la Das Reich sont alors clairs, pour tout allemand tué, on pendra dix « terroristes », trois pour un allemand blessé.

Le gros de la division s’ébranle ensuite vers le nord suivant les principaux axes de la région. Le harcèlement dont font l’objet ses convois ne freine guère sa progression. Partout la résistance se trouve surprise par la force de la troupe qui lui fait face. Au lieu d’avoir affaire à un convoi isolé de troupes d’occupation, ils affrontent une force bien équipée en marche vers le front. Ils sont écrasés et les civils qui sont trop proches sont également victimes de ces affrontements aux confins du Lot, de la Dordogne et de la Corrèze.

Mais c’est à Tulle, que la Das Reich allait franchir un premier seuil dans l’horreur. Max Hastings rappelle le cadre de cette Corrèze résistante où Vichy et les Allemands ne contrôlent que les villes et quelques axes routiers. Ailleurs c’est le domaine des FTP. Si ceux-ci ont bénéficié de parachutages plus conséquents en 1944, ils restent cependant largement dépourvus d’armes lourdes, mal entraînés et mal coordonnés. L’assaut qu’ils donnent sur la ville reflète largement ces problèmes et, après deux jours de combat, la ville n’est toujours pas tombée. Seule la moitié de la garnison a été éliminée quand arrive la Das Reich. Le 9 juin, celle-ci procède à une rafle massive des hommes présents dans la ville. Suit alors un tri arbitraire qui aboutit à la sélection et à la pendaison de 99 victimes, 149 autres furent ensuite déportées L’auteur s’étend peu sur les détails et les polémiques. Il évoque la justification allemande selon laquelle les représailles sont la conséquence de l’exécution par les FTP de prisonniers et le débat sur la responsabilité de l’ordre qu’il attribue à Lammerding. Pour un récit plus détaillé, on se tournera vers l’ouvrage de F. Grenard consacré aux pendus de Tulle.

Mais le drame de Tulle va être éclipsé par la tragédie d’Oradour-sur-Glane le lendemain. Le récit du massacre est ici plus précis que dans le cas de Tulle, avec des témoignages de survivants. On découvre que les Allemands le justifièrent par la recherche d’un officier supérieur enlevé par le maquis. Le village nous est présenté, en insistant sur la proximité de Limoges et le fait qu’il accueille alors de nombreux réfugiés à la recherche de tranquillité : nul bombardement ou combat à proximité avant ce fatidique 10 juin. C’est en début d’après-midi que les hommes du major Dikmann entrent dans le village. Sous prétexte de contrôle d’identité, ils rassemblent sans ménagements la population du bourg et des hameaux alentours. Ceux qui tentent de fuir sont abattus. Les hommes sont alors rassemblés dans une grange où ils sont exécutés à l’arme automatique avant que les SS n’y mettent le feu. Les femmes et les enfants rassemblés dans l’église vont subir un sort analogue. Les SS les mitraillent avant de jeter des grenades et de mettre le feu au bâtiment, seule une femme survécut. Un crime d’une telle ampleur semble avoir stupéfait les autorités allemandes locales mais pas le commandement de la Das Reich, habitué aux normes du front soviétique et qui y voit un simple excès de zèle.

Conclusion

Un ouvrage qui par son ancienneté laisse largement de côté les questions mémorielles. De même que le parti pris de l’auteur l’amène à s’étendre sur la participation britannique à ces évènements et à privilégier l’AS sur les FTP. Le livre n’en reste pas moins un récit facile d’accès qui dépasse la simple évocation des atrocités pour contextualiser le parcours de la Das Reich.