Pendant longtemps, le western a été synonyme de grands espaces arides dans lesquels des hommes s’affrontaient à coups de flingue.

Mais, ces clichés sont battus en brèche depuis plusieurs années par des œuvres cinématographiques aussi variées que The Revenant, Les Huit salopards ou The Power of the Dog. Avec sa bande dessinée La femme à l’étoile, Anthony Pastor s’inscrit indéniablement dans les pas de cette nouvelle vision du western.

L’auteur

Anthony Pastor est né en 1973. Il est passé par l’École nationale supérieure des Arts décoratifs de Paris. Il a alterné les petits boulots et a travaillé essentiellement dans le milieu du théâtre (décors, régie) pendant une dizaine d’années avant de reprendre sa passion première, la bande dessinée, en explorant des univers qui témoignent de son goût pour le roman noir.

Son premier livre, Ice cream, sort en 2006 (label « Attention talent » de la FNAC), suivront : Hôtel Koral, Las Rosas, Castilla Drive (Lauréat du Fauve polar du festival d’Angoulême 2013) et Bonbons atomiques, tous chez Actes Sud / L’An 2. Il publie ensuite Le sentier des reines et La Vallée du diable, respectivement en 2015 et 2017, chez Casterman, apportant cette fois un caractère historique à ses récits. Il se consacre ensuite à sa série dystopique NO WAR (5 tomes), puis en 2021, il réalise avec Jean-Christophe Chauzy au dessin, Par la forêt, toujours chez Casterman.

L’histoire

A la fin du XIXe siècle, Zachary Desmoines fuit à la fois des hommes qui le poursuivent et des cauchemars qui le hantent. Il erre sur son cheval dans les montagnes enneigées du Montana à travers les forêts de sapins. Il veut rejoindre Promesa, un village abandonné qui constitue son ultime refuge s’il veut survivre au froid.

Il finit par trouver ce village mais qui ne s’avère pas aussi abandonné que cela. En effet, s’y est installée une jeune femme métisse, Perla, qui comme Zachary est poursuivie par son passé. Après un accueil peu chaleureux, cette rencontre va finalement ouvrir de nouvelles promesses au cœur de l’hiver glacial.

Mais, c’est sans compter sur ce passé qui va ressurgir sous la forme de chasseurs de prime qui finissent par retrouver la trace des deux fugitifs. Commence alors un huis clos où se joue un combat à la vie, à la mort, pour la justice et la liberté. Et dans ce combat, les proies ne sont peut-être pas finalement celles que l’on croit …

Mon avis

Tout d’abord, cette bande dessinée est une réussite visuelle. En effet, Anthony Pastor fait le choix, surprenant au premier abord, de transposer son dessin au pinceau et à la couleur directe. Ce parti pris esthétique d’un lavis bleu-vert s’accorde finalement très bien à la place laissée à la nature et accroît d’autant plus l’atmosphère glaciale de ce roman graphique. Cette monochromie est parfois rompue par les visions du passé de Zacharie dessinées dans des tonalités de rouges.

De plus, l’histoire est particulièrement bien ficelée. Elle s’inscrit d’abord dans la tradition du western en reprenant un certain nombre de codes visuels du genre (importance des grands espaces, des animaux, cadrages cinématographiques…) mais aussi un contexte. L’histoire se déroule au moment où la conquête de l’Ouest s’achève et où un nouvel ordre s’installe : à la frontière (comme Promesa) a lieu l’affrontement entre la liberté et l’autorité, entre la civilisation et le sauvage.

Mais, ce western se double d’un huis clos dans lequel le talent narratif d’Anthony Pastor nous fait vivre avec une tension particulière le siège puis l’assaut final de Promesa par les chasseurs de prime.

Enfin, l’originalité de cet album tient dans sa thématique. En effet, Anthony Pastor signe une grande histoire d’amour entre ces deux héros maudits, Zacharie et Perla, en rupture avec leur famille et leur milieu. Mais, entre ces deux protagonistes, se construit une relation basée sur l’égalité. C’est ce qui fait de cette œuvre aussi une œuvre féministe. Ainsi, Perla (« la femme à l’étoile ») la seule femme de la bande dessinée est dépeinte comme une héroïne. De son côté, Zacharie est présenté comme un vrai anti-héros, ce fils « faible » haï par son père.

L’union de ces deux parias remet en cause le modèle patriarcal et viriliste de la société de la Conquête de l’Ouest. En effet, ces deux là rêvent d’une société plus juste et plus solidaire qui renoncerait à la vengeance pour renouer avec l’amour.