Une Révolution nommée Raspoutine
Hernan Migoya, Manolo Carot
Glénat, 2023, 72 p., 15,50 €
En ne s’intéressant qu’aux derniers mois de la vie de l’énigmatique et si charismatique Raspoutine, cette bande dessinée réussit brillamment le pari de dresser une véritable fresque historique sur fond d’agonie du régime tsariste des années 1916 et 1917.
En effet, au cœur de l’hiver 1916, dans une Russie en guerre, le « moine fou » étend de plus en plus son influence sur la tsarine Alexandra qui lui est reconnaissante d’avoir soi disant sauvé le tsarévitch Alexis, héritier du trône, qui est hémophile. Au fil des premières pages, la vie de Raspoutine se partage entre les guérisons miraculeuses des plus démunis dans sa résidence de Saint-Pétersbourg et ses penchants dépravés. Au cours d’une de ces séances, Alissa, une jeune fille particulièrement intelligente et un brin impertinente lui demande d’intervenir pour empêcher que son père, juif, ne soit déporté. Intrigué et parfois excédé par cette audace, Raspoutine l’écoute. Débute alors une joute intellectuelle et psychologique entre ces deux personnages hauts en couleur qui n’empêche pas une certaine amitié voire fascination. Il est alors particulièrement intéressant de suivre un Raspoutine qui, au milieu d’une vie dissolue et de ses excès, réussit à infléchir la politique impériale grâce à son emprise sur la tsarine Alexandra et aux faiblesses de son mari Nicolas II. Mais pour notre moine-conseiller les jours sont comptés car l’aristocratie, la droite ultranationaliste et l’Église orthodoxe veulent se débarrasser de cet homme de confiance devenu trop encombrant car influent. La conjuration menée par le prince Youssoupov occupe alors les dernières pages de l’album jusqu’au difficile assassinat de Raspoutine.
Dans ce one-shot, l’auteur, Hernán Migoya, nous livre un très beau scénario, raffiné et intelligent, magnifiquement servi par les dessins de Manolo Carot. En imaginant la rencontre entre Raspoutine et la jeune Alissa, qui n’est autre que la future auteure et philosophe à succès Ayn Rand, de son véritable nom Alissa Zinovievna Rosenbaum, cet album réussit à nous faire saisir toute la complexité à la fois des personnages (Raspoutine, Nicolas II, le prince Youssoupov, …) ainsi que du contexte politique et social de cette Russie tsariste agonisante.
Pour les Clionautes, Armand BRUTHIAUX