Samuel Depraz, normalien, agrégé de géographie et maître de conférences en géographie-aménagement à l’université de Lyon (Jean-Moulin-Lyon III), où il dirige depuis 2008 les préparations en géographie aux concours de l’enseignement, propose son analyse de la France des marges, Géographie des espaces « autres » pour les éditions Armand Colin.

Cette question non abordée en tant que telle dans les programmes scolaires du secondaire et du lycée, sauf par l’intermédiaire de quelques études de cas, peut en réalité renouveler l’approche géographique de l’organisation du territoire français pour les niveaux de troisième et de première.

Après deux chapitres introductifs, les thèmes sont développés d’une manière originale, circulaire, débutant par ceux les moins traités au plus évoqués.

Les deux chapitres introductifs permettent de définir dans un premier temps les marges et dans un second temps de comprendre la naissance et la conceptualisation de l’idée de marge à travers les évolutions de la discipline. L’apport des autres disciplines des sciences humaines a permis à la géographie de se renouveler et de s’approprier le concept de marge.
La prise en compte des marges par les politiques publiques ancre ces espaces « marginaux » dans l’aménagement du territoire. Les thèmes alors développés s’insèrent dans une démarche de caractérisation du processus de marginalisation et des mécanismes de production de la marginalité.

Ainsi en va-t-il des territoires ultramarins pour lesquels l’auteur propose de centrer l’analyse sur les mécanismes en œuvre qui rendent pérennes mais pas insurmontables leur marginalité. L’approche géographique appréhende d’abord les caractéristiques sociale, politique, économique de la marginalité de ces espaces et ouvre sur la notion d’îléité à affirmer, de laquelle les particularismes sont de plus en plus pris en compte par les pouvoirs publiques et l’Union Européenne.
Basculant sur les marges « naturelles », l’auteur propose d’aborder ces espaces que l’action anthropique empêche aujourd’hui ce qualificatif de « naturels ». Après une période de forte anthropisation, d’artificialisation de ces espaces, il est question dans ce thème de comprendre les évolutions de ces marges jusqu’à leur réaffirmation et réintroduction aujourd’hui car nécessaire à l’équilibre environnemental, écologique.

Les espaces hyper-ruraux, entendus comme les espaces de faible densité, que l’on considère comme des marges, sont en recomposition démographique et économique aujourd’hui. Fortement marqués par l’exode rural et le vieillissement de la population, ce sont aujourd’hui des territoires résidentiels et multifonctionnels. Toutefois, en dépit du renouveau en œuvre, la marginalité reste prédominante comme en témoigne la pauvreté diffuse, difficile alors à appréhender.

Les couronnes périurbaines, quant à elles, sont des « marges en tension », espaces avant tout héritiers de l’exurbanisation des métropoles. Ce sont des territoires qui aujourd’hui accueillent le tiers de la population urbaine française et dans lesquels se développent des modèles sociaux d’entre-soi comme le montre la présence de lotissements. Marges en tension, car ils sont au cœur des critiques diverses, architecturale, environnementale, sociale, paysagère et au cœur des enjeux entre innovation et régulation.

A l’ombre des métropoles, les petites villes industrielles en déclin économique et démographique sont considérées comme les « vraies » marges, marquées par des effets d’évitement des transports, des difficultés de renouvellement économique et des problèmes sociaux inhérents.

Enfin, les espaces en marge de la norme morale sont abordés en fin d’ouvrage, reflet de leur difficile prise en compte par la géographie. Espaces pourtant nécessaires « à l’équilibre social » des métropoles mais témoins des recompositions, des fluctuations et des contradictions portés par les espaces en marge ; il s’agit des ethnoterritoires, des quartiers de la prostitution…

En conclusion, l’ouvrage permet d’appréhender cette question des marges et de renouveler l’approche géographique des programmes scolaires, il constitue un outil indispensable sans toutefois s’en contenter, comme le précise l’auteur lui-même renvoyant à une riche bibliographie en référence.