Cet ouvrage collectif est le produit d’un cycle de séminaires initiés avec le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation en 2017-2018. Un travail collectif de nombreux scientifiques français et européens. Il a été rédigé avant la pandémie de la Covid-19 qui peut affecter les disponibilités alimentaires au sein de l’Union et amène certains États à revendiquer une souveraineté alimentaire qu’il conviendrait de définir.

 

Une brève histoire de la PAC

La PAC a été créée en 1962, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’objectif était d’augmenter la production agricole et de moderniser les structures agricoles. C’est le premier poste de dépenses de l’Union européenne (UE) et le domaine dans lequel l’intégration européenne a été la plus poussée. Ce chapitre introductif rappelle les grandes étapes de cette politique européenne et les motifs de son évolution. Dans un premier temps, la mise en place de prix intérieurs garantis supérieurs aux cours mondiaux, de subventions à l’exportation et de droits de douane à l’importation qui ont permis de protéger l’agriculture européenne de la concurrence mondiale. Dans les années 1970, le succès de cette politique entraîne une augmentation de la production dans les secteurs ainsi soutenus plus rapide que l’augmentation de la consommation.

En 1992 devant la pression des négociations agricoles de l’Accord général sur les tarifs douaniers (1986-1994), la PAC fait l’objet d’une réforme en profondeur : jachère, abandon du soutien des prix pour des subventions compensatoires (céréales, viande bovine). Puis une succession de mesures de réforme dont celle dite de l’Agenda 2000 qui subordonne l’octroi des primes au respect de critères environnementaux et ce dans un contexte de contrainte budgétaire. Enfin en 2013 la réforme Ciolos maintient la structuration en deux piliers, définit une nouvelle organisation des aides directes du premier pilier et permet plus de marges de manœuvre nationales. La ligne directrice des réformes montre une substitution d’une politique de soutien par les prix par un soutien par des aides directes, plus en plus conditionnées au respect d’exigences environnementales et climatiques.

Un chapitre qui présente de façon claire et synthétique l’histoire de la PAC

 

PAC et économie

Cette première partie aborde successivement, sous différents angles, les aspects économiques.

PAC et revenus agricoles

Dès les années 1960 l’objectif premier vise au soutien des revenus agricoles. Ce chapitre décrit l’ensemble des soutiens à l’agriculture en comparant avec les États non-européens et la répartition entre États membres et entre types d’exploitation. Quelques graphiques pourront être utiles au professeur1. Les auteurs analysent la dépendance des revenus agricoles aux soutiens budgétaires même si la mesure des revenus et des niveaux de vie des agriculteurs est difficile. Comment valoriser l’accumulation de patrimoine ?

PAC et commerce international

Partant du constat de la forte augmentation du commerce agroalimentaire mondial, un rythme annuel moyen d’environ 4 %, les auteurs évaluent le poids de l’UE dans ce commerce et montrent que la balance agroalimentaire de l’UE est aujourd’hui en équilibre mais la situation est diversifiée en fonction des pays partenaires : déficit très important avec les pays d’Amérique latine mais positive avec le Proche et le Moyen Orient. Ils notent que les exportations vers les pays tiers sont trois fois plus faibles (en valeur) que les échanges intra-communautaires.

Ils rappellent aussi les grandes datent des négociations commerciales depuis la seconde guerre mondiale (GATT, OMC), évolution du multilatéralisme vers le bilatéralisme et décrivent les conditions de subventions, accès au marché

La PAC et la répartition de la valeur

Ce chapitre aborde la chaîne d’approvisionnement alimentaire et ses divers maillons, toujours plus nombreux, la répartition inégale de la valeur créée en fonction du faible pouvoir de négociation pour les acteurs de petite taille, dispersés face à des « poids lourds » industriels et commerciaux. Le constat, rappelé lors des États généraux de l’alimentation (France 2017) est que les coûts de production augmentent et les prix payés pour les productions s’ajustent au plus près des cours mondiaux d’autant que joue dans l’Union la concurrence (ex du marché des endives) malgré les tentatives de régulation de la PAC.

Les auteurs proposent des pistes de réflexion et d’action : recours à la contractualisation, face à la perte de compétitivité des filières agricoles la nécessité de la montée en gamme des productions, transparence tarifaire tout au long de la filière.

PAC et gestion des aléas

Crises climatiques et sanitaires perturbent la production agricole, influencent les quantités et les prix sur les marchés. Si les agriculteurs sont les premiers touchés les conséquences sur le coût de l’alimentation et la sécurité alimentaire sont réelles, or depuis quelques années, la fréquence et l’intensité de ces aléas augmentent. Après une description des aléas, les auteurs analysent les outils de gestion des aléas inclus de la PAC (soutien à l’assurance et aux fonds mutuels, dispositif de gestion des crises) et leurs limites. Les risques économiques ont tendance à croître, du fait de la quasi-suppression des mesures de gestion directe des marchés.

 

PAC, environnement et santé

Cette seconde partie est plus prospective pour répondre aux nouveaux enjeux environnementaux et à la demande sociétale, même si le verdissement de la PAC et les Mesures agri-environnementales et climatiques (MAEC) existent depuis 2014.

Deux enjeux majeurs pour la future PAC : le climat et la biodiversité

Comment la PAC peut-elle intégrer des objectifs et des instruments de lutte contre les changements climatiques et de protection de la biodiversité ?

Les auteurs partent d’un constat « l’activité agricole agit sur le climat via ses émissions de GES, en particulier les émissions de N 2 O liées à l’usage des engrais azotés, minéraux et organiques, et les émissions de CH 4 générées par les ruminants et les effluents d’élevage. Inversement, les surfaces agricoles, en particulier les prairies permanentes et les éléments boisés, sont des puits de carbone qu’ils piègent, de façon plus ou moins pérenne, dans les sols et la biomasse. De même, l’activité agricole a des effets majeurs et variés sur la biodiversité. »

Un constat en quelques chiffres : En 2017, les émissions de GES de l’agriculture représentaient 10 % des émissions totales de l’UE que les auteurs décrivent en détail.

En ce qui concerne la biodiversité l’agriculture est plus ou moins favorable, selon les cultures mises en œuvre et les pratiques agricoles utilisées (destruction des zones humides par exemple). Divers éléments influencent également les décisions des agriculteurs (coûts du travail, de l’énergie et des équipements) en matière d’agrandissement des exploitations, de choix des productions, des assolements et des rotations. Il faut attendre 2008 pour que l’atténuation des changements climatiques soit un objectif via la conditionnalité des aides du premier pilier et le second pilier (MAEC visant à la conservation des sols ou à l’élevage extensif). Les auteurs recommandent une mise en place des principes pollueur-payeur et fournisseur-payé : Taxer les nuisances et rémunérer les bienfaits (plantation de haies par exemple qui contribuent à piéger le carbone et favorise la biodiversité).

PAC et transition agroécologique

Alors que pendant longtemps l’objectif était de s’affranchir au maximum des contraintes du milieu grâce à la mécanisation, aux intrants industriels pour accroître la productivité, il s’agit maintenant de réduire l’empreinte écologique de l’agriculture. Les auteurs définissent l’agroécologie : mobiliser les processus écologiques offerts par la nature, (« services écosystémiques » 2), pour diminuer la consommation de ressources non ou lentement renouvelables (énergies fossiles, eau, phosphate, etc.) et protéger l’environnement, tout en maintenant la production de biens agricoles et la viabilité économique des exploitations agricoles. Ils explicitent les pratiques agronomiques intéressantes pour atteindre ces objectifs. Ils montrent aussi les freins à leur adoption par les agriculteurs (ambiguïté des éléments techniques, complexité des incitations, situation économique précaire de nombreux exploitants) mais aussi les mesures d’incitation (soutien à l’agriculture biologique, le développement de la formation conseil…).

PAC et enjeux nutritionnels

La production agricole est un des fondements de l’alimentation qui est aujourd’hui marquée par des déséquilibres (% des personnes en sur-poids). Les auteurs proposent un état des lieux en Europe. On retiendra que les produits agricoles représentaient (en 2014) 17,5 % des dépenses alimentaires et que la tendance est à la baisse (21,3 % en 1999). L’impact de la PAC concerne la baisse des prix : baisse les prix à la production des céréales, du sucre, des produits laitiers et de la viande par rapport des fruits et légumes par exemple ce qui a permis un accès à de grandes quantités de calories à bas coûts.

Un axe fort de la PAC de l’après-2020 pourrait être de favoriser une consommation accrue de fruits et légumes et une évolution vers des régimes alimentaires moins carnés.

La PAC, les productions animales et les consommations de produits animaux

Ce chapitre est dans l’air du temps et une suite logique aux conclusions qui précèdent.

Après un tableau des productions aux échelles mondiale et européenne les auteurs posent la question des enjeux à l’horizon 2050 : Nourrir la population mondiale. Un des leviers pour atteindre cet objectif est, selon les auteurs, de réduire la consommation de produits animaux dans les pays développés et permettre un accès à ces protéines à tous ce qui suppose de réduire les surfaces consacrées à l’élevage ou à la production de nourriture du bétail. Outre les gains en matière d’environnement les auteurs évoquent l’intérêt pour la santé. Ils nuancent leur analyse selon les modes d’élevage et aborde la question du bien-être anomal

 

PAC, développement rural et innovation

Cette troisième partie aborde des questions liées au second pilier à commencer par le développement des territoires ruraux. Le second chapitre interroge l’innovation : en quoi peut-elle aider l’agriculture européenne sur le chemin de la durabilité ?

PAC et développement rural

C’est avec la réforme des fonds structurels de 1988 que cet aspect a été identifier. Élément du second pilier le développement rural pose, dans les discussions de l’après-2020, des questions. Ce dispositif est-il pertinent ? Efficace ? Il s’agit d’abord de dresser un bilan des objectifs, des mesures mises en œuvre et de leur impact. Pour la période 2007-2013, on observait cinq axes : amélioration de la compétitivité de l’agriculture et de la foresterie, amélioration de l’environnement et de l’espace rural, qualité de vie, diversification de l’économie dans les zones rurales, ce sont les objectifs du programme Leader. Pour 2014-2020 l’innovation et les transferts de connaissance sont mise au premier plan. Avec des ressources limitées les impacts sont modestes. On a compté sur des effets d’entraînement d’un développement économique agricole sur les autres secteurs mais pour cela il est nécessaire que le poids de l’agriculture soit important et que les secteurs amont et aval déjà présents.

Les auteurs abordent la politique régionale européenne visant à réduire les disparités entre les différentes régions de l’UE,. Ils s’interrogent sur l’échelle efficace pour élaborer et financer les politiques de développement rural ?

PAC et innovation

Si la recherche et l’innovation ont longtemps privilégié l’augmentation de la production et de la productivité, aujourd’hui la question de la durabilité devient importante mais les intérêts des différents acteurs de ces filières et de ces territoires ne sont pas toujours identiques. Il n’y a pas consensus sur ce que devrait être l’agriculture européenne de demain. Certaines innovations sont rejetées par une partie des acteurs (OGM, industrialisation de l’agriculture biologique, utilisation du numérique)3. La politique européenne de recherche vise à favoriser la ­circulation de l’information et le transfert des connaissances et des innovations entre tous les acteurs (publics et privés), identifier et partager les résultats de recherche et les meilleures pratiques grâce à divers mécanismes dont le PEI-AGRI. L’orientation de l’innovation pourrait cibler la protection de l’environnement, la préservation de la santé humaine, le bien-être animal ou le développement des territoires ruraux, le développement des systèmes de qualité des produits agricoles et des denrées alimentaires. Il conviendra aussi de lutter contre les résistances au changement.

Conclusion

Cécile Détang-Dessendre, Hervé Guyomard concluent sur un constat : L’agriculture européenne est à la croisée des chemins en reprenant de façon synthétique les analyses et recommandations de chaque chapitres. Ils présentent neuf objectifs spécifiques pour la PAC de l’après-20204.

Laissons leur le dernier mot : Nous sommes parfaitement conscients de la difficulté à réformer et à trouver un compromis acceptable par 27 EM ayant des visions et des intérêts hétérogènes. Cette difficulté explique pourquoi le processus de réforme de la PAC est continu depuis maintenant bientôt trente ans, selon une logique de pas successifs sur le chemin étroit de la durabilité. L’urgence environnementale, climatique et nutritionnelle requiert un effort à la hauteur de l’enjeu, un pas de géant. »5

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1 Notamment : Figure 2.1. Estimation du soutien au producteur en pourcentage des recettes agricoles brutes (ESP en %) dans plusieurs pays membres et non-membres de l’OCDE, en 1995-1997 et 2015-2017. (p. 45) et Figure 2.2. Évolution du budget annuel de la PAC et de sa structure entre 1980 et 2027, en milliards d’euros courant et en pourcentage du produit national brut de l’Union européenne. (p.47)

2 Tableau p. 172

3 Encart p. 264-265

4 Cité p. 295

5 Cité p. 302