Cet opus Que sais-je ? consacré à la France périurbaine est une véritable mine pour ceux qui s’intéressent à cet étrange objet géographique « ni-ville, ni-campagne, mi-ville, mi-campagne ». La rédaction de ce mémo a été étonnamment confiée à deux sociologues alors que les tenants de cette science humaine se sont emparés tardivement de cet objet d’étude. Toutefois, Hervé Marchal et Jean-Marc Stébé, professeurs de sociologie à l’Université de Dijon et à celle de Nancy, ne sont pas novices dans cette collection puisqu’ils ont publié à deux ou quatre mains des numéros consacrés au Logement social en France, à la Crise des banlieueset à la Sociologie urbaine.

Après une introduction remarquable dans sa capacité à synthétiser les enjeux sur ce territoire, l’ouvrage se compose davantage d’une mise au point épistémologique sur l’objet périurbain que d’un bilan des caractéristiques actuelles de cet espace en France. Le but de cet texte est « de nuancer les visions caricaturales, stigmatisantes et outrancières qui ont été diffusées sur le périurbain » (p. 5) à partir des travaux réalisés ces 40 dernières années en géographie, aménagement, démographie, science politique, urbaine, histoire et sociologie. Par conséquent, une approche historique est adoptée dans un premier temps pour poser le contexte de la prise en compte par des géographes ruralistes de cet objet d’étude émergent dès les années 1950-1960. Puis, entre les tenants d’une urbanisation des campagnes (Roux et Bauer, 1976) et les tenants d’une renaissance rurale (Kayser, 1990), le périurbain devient un objet d’étude à part entière dès les années 1980. Marie-Christine Jaillet et Martine Berger sont les figures emblématiques de l’étude de ce front périurbain, rejointes ensuite par Monique Poulot, Claire Aragau et Lionel Rougé développant « la thèse d’une « maturité » des territoires périurbains dotés d’une certaine autonomie, sur le plan tant des emplois que des services. » (p. 23). Les sociologues, à l’exception de l’équipe réunie autour d’Henri Raymond en 1966, ne s’emparent pas du sujet avant les années 1980 (M. Ségaud, P. Lévy, C. Bidou, P. H. Chombart de Lauwe, 1982, D. Pinson et S. Thomann).

Le zonage en aires urbaines de l’INSEE (1996, puis 2010), abandonnant les ZPIU (zone de peuplement industriel et urbain), rend compte de la place tenue par les mobilités des travailleurs pour désigner ce « rurbain », ce « péri-urbain », ce « tiers-espace », « pré-urbain », autant d’expressions utilisées pour nommer cet espace émergent. Les caractéristiques de la ville étalée (pavillons, zones commerciales, axes de transport, place tenue par la nature dans le cadre de l’artificialisation des campagnes, « clubbissation » du périurbain) sont analysées sans oublier d’insister sur la diversité des couronnes périurbaines ne pouvant être considérées comme un tout homogène. Pour cela, l’analyse critique des travaux de Christophe Guilly est mise en écho avec les textes d’Olivier Galland, de Violaine Girard présentant une approche plus nuancée de cette « périphérie ». L’ensemble est replacé dans une difficile comparaison internationale tant les espaces périurbains ne se ressemblent pas d’un État à l’autre, d’un continent à l’autre. Toutefois, penser le périurbain comme une composante à part entière de la métropolisation évite de le dissocier « des dynamiques économiques mondialisées et de le considérer exclusivement comme une zone résidentielle composée de nappes pavillonnaires. » (p. 80). C’est ce qui fait l’enjeu de son étude à différentes échelles.

Catherine Didier-Fèvre © Les Clionautes