Réagir à une actualité récente tout en produisant un ouvrage de synthèse : c’est le propos de l’ouvrage qui aborde le Mali, ce pays de 15 millions d’habitants, grand comme deux fois la France et dont tout Français a entendu parler en ce début d’année 2013 avec l’intervention de l’armée française.

Plusieurs voix pour aborder le sujet

Précisons d’emblée qu’il s’agit d’un livre collectif. Après une préface de Bertrand Badie et une introduction de Michel Galy, on trouve huit autres contributions. Le géographe Grégory Giraud, un article de Jean-Louis Sagot-Duvauroux, essayiste et dramaturge cofondateur d’une structure artistique bamakoise, ou encore Hélène Claudot-Hawad anthropologue. C’est dire la diversité des points de vue, point plutôt positif. La quatrième contribution par exemple est intitulée « quelques traits du Mali en crise » et se lit comme un témoignage sur des aspects du quotidien des Maliens.
Deux cartes et des chronologies accompagnent les propos des auteurs pour s’y repérer. Les différentes interventions s’emboîtent bien et évitent un effet de répétition, risque classique dans ce type d’ouvrage.

La France au Mali : pourquoi ?

Michel Galy pose la question simple mais redoutable :  » Pourquoi la France est-elle intervenue au Mali ? » Il n’est évidemment pas le seul à envisager cet aspect, mais tous les auteurs soulignent l’emboitement des éléments qui menèrent à cette intervention. Il y a là une combinaison d’au moins trois éléments pour expliquer l’intervention : le contrôle du nord Mali par des groupes islamistes radicaux, la circulation accrue d’armements, et aussi les velléités sécessionnistes de groupes touaregs nouvellement fédérés. Michel Galy souligne que la date de début de l’intervention est certes le 11 janvier 2013, mais des signes avant-coureurs existaient. Forcément revient la question de la Françafrique et il n’est pas inutile de replacer cet épisode malien dans le temps long des interventions françaises en Afrique.

L’indispensable mise en perspective historique

Bertrand Badie dès son introduction rappelle que « cette crise a au moins cinquante ans d’âge ». L’article de Grégory Giraud traite donc ce point de multiples façons. Il livre un bref historique du Mali des années 60 à aujourd’hui. Il resitue aussi cela dans un espace géographique plus large puisque il faut se situer au niveau du Sahara. Il souligne par exemple l’impact de la sécheresse des années 1970-1980.  » Alors que le Nord Mali était déjà marginalisé économiquement et politiquement, les terribles sécheresses ont créé aussi un vivier de main-d’œuvre pour toutes les activités licites ou illicites ». On estime qu’en 2009 entre 22 et 55 tonnes de cocaïne y auraient transité !

La question touarègue

Eros Sana s’intéresse à l’armée malienne qu’il considère comme  » le reflet des inégalités sociales et des jeux de pouvoir et corruption qui caractérisent le Mali ». Elle se résume à l’existence de beaucoup de cadres argentés et une troupe qui évolue dans la pauvreté. C’est à ce niveau là qu’intervient aussi la question touarègue. Les Touaregs sont présents à tous les échelons de l’armée et ont été intégrés de deux façons : individuellement ou collectivement suite à des accords d’intégration de combattants indépendantistes. Un lieutenant peut se retrouver sous les ordres d’un capitaine touareg qu’il avait combattu quelques mois plus tôt ! Rappelons aussi que les Touaregs relèvent aujourd’hui de cinq états différents. L’auteure de l’article souligne aussi qu’avec les indépendances et la construction d’états nationaux, les Touaregs se sont retrouvés à l’intérieur de frontières que l’on voulait désormais plus rigides.

La multiplicité des enjeux

L’auteur souligne également la multiplicité d’acteurs et il essaye d’en retracer les logiques. On peut citer, à des moments différents, l’implication du Maroc et la Libye et de l’Algérie. Cette dernière est la plus active et notamment à partir des années 90. François Gèze consacre un article entier au « jeu trouble du régime algérien au Sahara ». Arrivent enfin des acteurs dont on a davantage parlé dans les médias comme le MNLA, Ansar Eddine ou le Mujao. Il ne faudrait pas non plus oublier le jeu des grandes puissances qui se superpose à tous ces éléments existants. C’est justement l’objet d’un article spécifique. L’auteur y revient sur la question du terrorisme et son éventuelle instrumentalisation parfois. La notion de victoire et de défaite s’avère très difficile à manier et sans doute peu efficiente.

En deux cents pages, voici un tour d’horizon qui met en perspective cette intervention française. L’écriture à plusieurs mains offre d’intéressants points de vue et le sous-titre souligne bien qu’au-delà du Mali, il faut aborder cette question à d’autres échelles pour tenter d’en percevoir les enjeux.

On pourra signaler pour en savoir plus un article disponible sur diploweb

© Jean-Pierre Costille, Clionautes.