Le numéro de janvier/février 2012 qui présente notamment un dossier sur la guerre d’Algérie, les terres rares et le golfe arabo-persique.

Le numéro 9, paru début janvier 2012 propose un dossier sur la guerre d’Algérie, 50 ans après la fin de l’affrontement entre les deux rives de la Méditerranée (pp. 59 à 68). C’est Guy Pervillé spécialiste incontesté de cette période qui signe cette présentation en cartes. Ces dernières sont issues de L’atlas de la guerre d’Algérie chez Autrement, du même auteur et paru en 2011 (nouvelle édition augmentée).
Ce sujet est toujours chaud aujourd’hui, et a été l’objet d’une controverse récente au moment de la censure d’un texte du même G. Pervillé pour la publication des Commémorations 2012, comme la liste H Français s’en est d’ailleurs fait l’écho. P. Assouline sur son blog avait notamment donné une audience importante à cet intéressant mode de fonctionnement du Ministère de la Culture.
Ici, le texte n’a apparemment pas été censuré… et dresse un tableau rapide et clair des événements qui se déroulent entre 1954 et 1962, particulièrement appréciable pour les enseignants d’histoire de 1e qui doivent aborder cette question dans le thème 4 Colonisation et décolonisation. La présence de cartes à différentes échelles et toujours lisibles permet de visualiser les différents espaces concernés par les manifestations, insurrections, combats… Celle qui montre les parts respectives des musulmans et non-musulmans dans la population des villes éclaire le rôle joué par certaines de ces villes dans les insurrections, cela dès 1945 autour de Sétif et Guelma par exemple. La carte de la bataille d’Alger resitue les quartiers européens et les quartiers musulmans et localise les différents attentats.
La conclusion de l’article apporte des précisions sur la manière dont la mémoire des événements est traitée en Algérie et en France, loin d’être un simple événement historique, la guerre d’Algérie est toujours un enjeu politique d’affrontement mémoriel.

L’Algérie sujet sensible toujours

Le thème algérien est prolongé par un article de G. Lebailly et J.Y. Sarazin sur les ressources cartographiques de la B.N.F. qui concernent le territoire algérien (pp. 70-75). Ces ressources ont été nourries par les productions militaires mais aussi par l’existence du dépôt légal qui oblige tout éditeur à fournir plusieurs exemplaires de ses publications, enfin par les documents dits « isolés », des portulans, des itinéraires de voyageurs, des projets administratifs d’aménagements des ports, des infrastructures de chemin de fer…
Un autre dossier attire l’attention des lecteurs, celui sur les terres rares (pp. 41-44). Caroline Ronsin présente ces 17 minerais présents dans la croute terrestre qui sont devenus indispensables au développement des nouvelles technologies. Elle met notamment en valeur le rôle joué par la Chine qui détient d’immenses réserves ; dès 1986 Deng Xiaoping prévoit que ces terres rares doivent jouer pour la Chine le rôle que le pétrole joue pour le Moyen Orient. Une série de cartes et de tableaux permet de visualiser ces ressources et leur exploitation ; il est frappant de constater à quel point l’Europe et l’Afrique sont démunies de ces produits ! On peut facilement prévoir que ces terres rares n’ont pas fini de faire parler d’elles et seront au cœur des échanges économiques d’un proche futur.

Les terres rares, agricoles ou les deux ?

Un autre article évoque les ressources terrestres, mais cette fois sous l’angle des terres cultivables vendues à des investisseurs étrangers (pp. 54-57), Myriam Hamache présente ce « land grabbing » qui connait une accélération récente. Les deux raisons principales sont d’une part la préoccupation de certains Etats qui n’ont pas la capacité de produire suffisamment de nourriture pour leur population de sécuriser leur approvisionnement (Corée du Sud, Chine) et d’autre part le développement des agrocarburants à destination notamment de l’Union européenne. Ce sujet menace non seulement l’environnement, mais aussi la sécurité alimentaire et le mode de vie des populations. A suivre…
Le dossier sur le golfe arabo-persique de P. Cadène et B. Dumortier apporte un éclairage actualisé sur la situation de cette région du monde (pp. 10-21). La cartographie est issue de l’Atlas des pays du Golfe (PUPS-RFI 2011) des mêmes auteurs. Une mise au point utile pour les enseignants de géographie sur cette région en pleine évolution qui se veut un nouveau pôle de la mondialisation, confrontée aux difficultés de l’après-pétrole et aux défis du « printemps arabe ». La part des différents Etats dans la production d’une part du pétrole et d’autre part du gaz est montrée sur des cartes ainsi que les routes actuelles du transport maritime du pétrole accompagnée de cartes sur la hiérarchie urbaine et les espaces urbains de Dubaï-Sharjah-Ajman ou Bassora. Une présentation des caractéristiques de l’urbanisation de la zone met notamment en relief les spécificités des populations largement renouvelées par la présence importante des migrants. Les mutations et les tensions de la région sont liées aux choix de développement qui sont ou seront faits par les dirigeants de cette région, une marche vers la modernité qui reste pour l’instant incertaine.
Le reste de la revue propose une vision de l’actualité par les cartes où se détachent notamment la situation de la Moldavie (J. Arnoult pp.24-25), les difficultés de l’armement français (C. de Bonnaventure p. 27) ou la chasse aux clandestins aux États-Unis (idem, p. 31), la situation du Swaziland (J. Arnoult p. 38) rappelle à notre souvenir la situation ubuesque de ce pays qui pourrait devenir le premier État en faillite. Enfin F. Têtart propose une projection polaire pour évoquer la situation de l’Islande qui 20 ans après la fin de la guerre froide redevient stratégique (p. 40).

Au final, une revue pour public éclairé, toujours aussi agréable à lire et à consulter, particulièrement utile aux enseignants d’histoire et de géographie par la présence de nombreuses cartes facilement utilisables dans les cours (merci à L. Margueritte)! Peut-on suggérer à l’éditeur une présentation de ces cartes sur le site Internet de la revue ? Il n’est pas inutile de préciser que l’on trouve déjà sur le site de Carto http://www.carto-presse.com des brèves illustrées par des cartes originales ; à la date du 24 février 2012 on trouve la Hongrie, les ressources de l’Afghanistan, les infrastructures ferroviaires chinoises au Tibet… Une adresse à ajouter à ses références cartographiques en ligne !

Isabelle Debilly @