Jusqu’à une date assez récente, les séries télévisées étaient considérées comme un genre mineur, destiné aux enfants le jeudi après-midi, avant que cela ne passe au mercredi, et aux personnes qui trouvaient dans ces réalisations télévisuelles des sortes de substituts aux lectures de romans à l’eau de rose.


D’un certain point de vue, cet aspect de la série télévisée n’a toujours pas disparu. Et que ce soit des productions françaises «comme plus belle la vie», où les incontournables séries américaines destinées aux personnes âgées ou ménagères de plus de 50 ans, comme : « les feux de l’amour », le genre a encore de beaux jours devant lui.
Pourtant, et les Clionautes et la Cliothèque ont été en quelque sorte des précurseurs, les séries télévisées sont devenues pour les historiens des objets d’étude à part entière. Toutefois, il faut reconnaître, que cela ne suffit pas à expliquer l’intérêt que nous leur portons. Les séries télévisées se nourrissent de notre présent, elles l’adoptent et elle l’adaptent avant de nous le restituer sous une forme compréhensible par tous. Elle s’accompagne aussi l’évolution des mœurs.
De ce point de vue, la série télévisée a remplacé le roman que l’on pouvait suivre sous forme de feuilleton dans les journaux. Le genre a quasiment disparu, sauf peut-être dans certains titres de la presse régionale.

Les séries télévisées obéissent à un genre assez codifié. Quel que soit le thème, quel que soit le milieu social dans lequel elles se déroulent, on retrouve toujours le même dosage d’histoires sentimentales, d’action dramatique et de péripéties permettant de soutenir l’intérêt pour la suite à venir.

Cet ouvrage est un guide thématique des séries télévisées, extrêmement complet qui traite aussi bien des séries anciennes dont les Clionautes de moins de 40 ans n’ont jamais entendu parler, comme« Belphégor ou le fantôme du Louvre» de 1965, que les histoires plus récentes, souvent sophistiquées, comme à «six pieds sous terre» ou les «sopranos». Ce qui est absolument fascinant lorsque l’on parcourt cet ouvrage, c’est de voir le large spectre qui est couvert par les scénaristes. Il y en a véritablement pour tous les goûts et même pour tous les états d’esprits, si l’on souhaite s’identifier au personnage. Cela peut aller des égocentriques avec «mon oncle Charlie» au quadra dépressif, comme «Californication», en passant par les geeks, des séries plus récentes, comme «Chuck» ou «community» qui ont démarré depuis 2007 2009.

Évidemment le cercle familial est un sujet rêvé pour les scénaristes, puisque l’action peut se dérouler en intérieur, ou dans un espace clairement délimité comme une école ou un collège. Dans ce domaine on retrouve toujours le même type de fonctionnement, avec des personnages pivots qui sont les référents de l’histoire, que ce soit de façon positive, style bonne copine, ou peste détestable, ce qui est caractéristique des séries de teenagers du type «Gossip girl» qui se déroule dans la très haute société new-yorkaise.

Le travail des auteurs de cet ouvrage vise à mettre en situation les différentes séries et à chercher la correspondance avec les périodes où les histoires ont été élaborées.
Les auteurs explorent près de 60 ans d’histoire, et ils sont loin d’avoir épuisé le sujet. Des séries télévisées qui n’ont pratiquement pas évolué dans leur construction ont toujours autant de succès, on pense notamment à «New York district», dont le titre anglais signifie la loi et l’ordre, qui traite de façon immuable, dans un premier temps, l’enquête de police et dans un second temps l’action du cabinet du procureur. Le tout débouche sur un procès ou sur un accord, ce qui caractérise le fonctionnement de la justice américaine, et sur une morale, pas forcément positive.
Cette série entame sa 18e saison, avec un personnage, incarné par l’acteur Sam Waterson, qui commence comme substitut du procureur et que l’on retrouve occupant cette fois-ci le poste de procureur, ce qui évidemment limite son temps de présence à l’écran. Il est vrai qu’en près de 20 ans, il a pris un coup de vieux !

Les séries télévisées ont l’avantage de fournir un champ d’observation intéressant dès que l’on se donne la peine d’essayer de comprendre les liens qui peuvent exister entre la fiction et l’actualité du moment. On peut trouver des correspondances multiples entre ce que l’on a pu dire à propos de la justice new-yorkaise au moment de l’affaire Dominique Strauss-Kahn et la série New York district. Dans la série New York 911 qui met en scène des secouristes, des pompiers, et des policiers, l’ombre du 11 septembre se profile de façon permanente.

Le genre de séries politiques se développe également, et au moment où nous écrivons ces lignes, la série danoise Borgen, est diffusée sur la chaîne Arte. Mais dans ce domaine, les scénaristes américains avec les sept saisons de West Wings, traduit par : « à la Maison-Blanche », ont pris une avance incontestable. Cette série qui montre le fonctionnement d’une administration démocrate est un véritable cours de sciences politiques sur les institutions des États-Unis.

Entre rebondissements et péripéties, les séries sont également un révélateur sur ceux qui les regardent, et tous peuvent trouver d’excellentes raisons pour « sécher une réunion » parce que justement, c’est ce soir là que passent les épisodes 12 et 13 de la série que l’on suit avec passion.

Il existe enfin un autre genre d’accros, ce sont les consommateurs convulsifs. Ceux là achètent les séries complètes en DVD, ou alors les téléchargent sur certains sites parce qu’ils ne peuvent pas attendre le décalage entre la diffusion aux États-Unis et l’arrivée sur les écrans européens.

Les séries télévisées relèvent incontestablement de la culture populaire. Elles présentent l’intérêt, surtout lorsqu’on les conserve sur des supports numériques, d’être vues en 45 minutes par épisode, ce qui permet de faire un break sans avoir trop mauvaise conscience.

Certaines d’entre elles feront probablement date dans l’histoire de la télévision en raison de la bande-son qui les accompagne. Et c’est d’ailleurs une des raisons de la difficulté, voire de l’impossibilité de les acquérir de façon légale. Il s’agit de «Cold Case», dont il a déjà été question sur le site des Clionautes, dans la mesure où la trame de l’histoire est basée sur des reconstitutions historiques souvent très précises, accompagnées des meilleures musiques de l’époque, ce qui rendrait l’acquisition de leurs droits extrêmement coûteuse. Dans un autre genre, la série : « l’enfer du devoir », en anglais «Tour of duty », qui se déroule pendant la guerre du Vietnam, est également basée sur la musique de la fin des années 60 et du début des années 70. Cette série n’a été diffusée qu’une fois au début des années 90 et semble introuvable pour les trois saisons qu’elle a pu représenter. Elle fournirait pourtant une excellente approche de la guerre du Vietnam.

En tout cas, avec cet ouvrage, les sériphiles, et nous savons de source sûre, et bien qu’ils s’en défendent, qu’ils sont nombreux parmi les professeurs d’histoire, et les lecteurs de ce site, ont trouvé leur bible. Avec ce solide pavé de près de 700 pages sur les genoux, ils pourront regarder en toute bonne conscience leur série préférée.

Bruno Modica ©