Le 25 mai 1618, les états protestants de Bohème, soucieux de préserver leurs libertés religieuse et politique, défenestrent les représentants impériaux. L’insurrection de Prague débute et embrase alors le Saint-Empire romain germanique. Ce conflit religieux qui opposa au départ les princes allemands et la maison des Habsbourg dégénéra en guerre européenne. L’Europe bascule alors dans une des guerres les plus violentes et effroyables de son histoire, la guerre de Trente Ans, avec l’intervention de puissances étrangères, notamment la France et la Suède.
Le conflit qui s’annonce est complexe, aux motifs religieux et politique enchevêtrés, aux contours flous et mouvants, les partis confessionnels étant eux-mêmes profondément divisés et les alliances souvent improbables.
Marie-Noëlle, professeure de chaire supérieure en khâgne et hypokhâgne au lycée Henri IV est spécialisée sur la quête d’identité nationale et confessionnelle ou d’une identité multiple dans la littérature allemande des XVIè et XXIè siècles.
On peut décomposer, schématiquement, ces trente années comme suit :
1. Les causes essentielles du conflit :
Le malaise est profond et n’a pas, pour ainsi dire, éclaté du jour au lendemain. Afin de résister aux progrès de la Réforme catholique impulsée par Rome, les princes protestants, dont certains ont adhéré au calvinisme qui connaît un grand succès dans les pays nordique, mais confession non reconnue par la paix d’Augsbourg (1555), se regroupent en une Union évangélique (1608).
Le feu couve encore durant une dizaine d’année. En 1618, furieux de l’abrogation par l’empereur Mahtais de la Lettre de majesté octroyée en 1609 qui leur garantissait la liberté religieuse en Bohême, les protestants de Bohême se rebellent contre l’autorité des Habsbourg. les protestants procèdent alors à ce que l’on appelle la défenestration de Prague, qui déclenche la guerre de Trente Ans.
2. La période dite « palatine »
Après avoir déposé en août 1619 le Habsbourg Ferdinand de Styrie (qui devient empereur le même mois sous le nom de Ferdinand II), les Tchèques donnent la couronne de Bohême à l’Électeur palatin Frédéric V. Un conflit militaire éclate rapidement entre protestants et catholiques. Les protestants, mal organisés sont écrasés à la bataille de la Montagne Blanche en novembre 1620 par les troupes de la Ligue. C’est le premier conflit militaire majeur. En représailles, l’empereur Ferdinand II mène une dure répression en Bohême et la Ligue occupe le Palatinat en 1623.
3. Le conflit s’étend
Comme le précise Marie-Noëlle Faure, il n’y a pas eu une guerre mais des guerres. Hormis les troupes officielles qui se battent pour le camp protestant ou catholique, des chefs de guerre connaissent une ascension sociale et créent leurs propres milices. Ils ravagent les campagnes, mettent à sac les villes et les bourgs. Des massacres de populations massives s’ensuivent ou aucun être humain n’est épargné. Des témoignages de mercenaires, exhumés des archives allemandes, explicitent le fait de pratiquer la guerre et la destruction contre une bonne solde. Aussi, nombre de ces hommes n’hésitent pas à tuer pour faire vivre leurs familles. Il s’agit d’une spirale sans fin où les populations ne savent plus distinguer les troupes de lignes des compagnies de brigands et de mercenaires.
Un autre acteur étatique, le Danemark et son roi Christian IV, décident alors d’intervenir pour soutenir les protestants. Les troupes danoises interviennent en Basse-Saxe, avec l’appui des princes protestants du Nord. Mais Wallenstein, général d’origine tchèque au service de l’Empire des Habsbourg, les bat près de Dessau en avril 1626, et Tilly défait définitivement Christian IV à Lutter en août de la même année. Le Danemark doit conclure la paix de Lübeck en mai 1629.
Le fait majeur novateur de cette période est le fait d’une guerre nouvelle, totale où la destruction de l’ennemi est recherchée. Les belligérants ne cherchent pas, ou du moins, n’ont pas l’intention de faire de compromis. Ce qui peut expliquer que les territoires allemands, de confession protestante ou catholique soient si durement châtier par les troupes victorieuses. Il n’y a pas de demi-mesures. Il s’agit également d’une guerre nouvelle, une guerre de mouvement avec l’apparition de plus en plus importante d’artillerie, de mousquets. Les armées se professionnalisent et deviennent permanentes.
4. La Suède entre à son tour dans le conflit (1630-1635)
Richelieu, dont la hantise est l’encerclement de la France par l’empire des Habsbourg est réelle, a fait déjà occuper par les troupes françaises la Valteline (1625) pour prévenir ainsi toute jonction des Habsbourg d’Espagne et d’Autriche. Cette inquiétude de l’encerclement du royaume de France ne date pas d’hier puisque Henri IV, en son temps et avant d’être assassiné, avait prévu d’entrer en conflit contre les Habsbourg avec l’appui de princes protestants pour desserrer l’étau mortel que représentait l’empire Habsbourg. Richelieu réussit par son réseau diplomatique à faire basculer la diète de Ratisbonne (1630) afin d’empêcher le fils de Ferdinand II d’être élu roi des Romains.
Cette action déclenche l’intervention en Allemagne de Gustave II Adolphe, roi de Suède et protestant. La victoire de ce dernier sur les catholiques à Breitenfeld en septembre 1631 ouvre aux Suédois la route de l’Allemagne du Sud. Rappelé par l’empereur, Wallenstein ne peut les contenir et est battu à Lützen en novembre 1632. Mais le coup est rude pour les Suédois car c’est dans cette bataille que Gustave Adolphe trouve la mort. Retournement de situation, Wallenstein, ayant pactisé avec l’ennemi, est assassiné en février 1634 sur l’ordre de l’empereur. Finalement, après la victoire remportée par les troupes impériales, espagnoles et bavaroises à Nördlingen en septembre 1634, les Suédois se retirent au nord du Main et la Saxe signe le traité de Prague en 1635.
5. Le royaume de France intervient officiellement (1635-1648)
La division des princes protestants et les négociations de paix avec la Suède amènent Richelieu à intervenir directement contre les Espagnols et les impériaux. Il s’agit pour la France de vaincre son ennemi du moment, l’empire des Habsourg. La situation de la France n’est pas brillante sur le plan militaire. D’abord menacée sur la Somme en 1636, la France se reprend et envahie l’Alsace en 1639, prend Arras en 1640 et Perpignan (1642). Richelieu souhaite absolument sanctuariser les frontières du royaume. Finalement, la victoire de Condé à Rocroi contre les redoutables troupes espagnoles en 1643 met définitivement un coup d’arrêt aux entreprises des Habsbourg.
L’épuisement général des belligérants conduisent à des négociations qui débouchent en 1648 aux traités de Westphalie.
Le conflit se prolongera néanmoins encore dix années entre la France et l’Espagne, qui devra accepter le traité des Pyrénées (1659). Mais la guerre aura précipité la ruine – encore incomplète, mais désormais irréversible – du Saint Empire. Quant à l’Allemagne, presque totalement ravagée, elle a perdu 40 % de sa population.
La dernière partie de l’ouvrage est consacrée aux témoignages, aux artistes qui ont décrit ces années de guerre. Un mercenaire qui a laissé un témoignage, un journal de l’abbé Maurus qui raconte la vie au quotidien d’une abbaye, une chronique de William Crowe ambassadeur anglais, un aquaforiste, Jacques Callot pour dessiner sur le vif les malheurs de la guerre, un contre-réformateur chantre de la paix Pierre Paul Rubens. Enfin, un dernier chapitre où l’on retrouve, encore aujourd’hui dans diverses pièces de théâtres ou œuvres littéraires, l’impact de cette guerre de Trente ans qui a durablement marqué les esprits et réduit l’Europe un champ de bataille total.
Un livre extrêmement dense, riche et novateur dans son approche de ce conflit.