Présentation de l’éditeur. « Grâce à une troupe de mésanges punks (qui ont renversé les États), la pensée animiste s’installe progressivement sur l’ensemble de la planète : les plantes et les animaux sont désormais considérés comme des personnes et les chefs n’ont plus de pouvoir.

Le cœur brisé de voir la culture occidentale s’éteindre, un anthropologue jivaro tente vaillamment de sauvegarder les enclaves où se sont réfugiés nos ex-dirigeants politiques. Le monde inversé qui se dessine ainsi nous aide à envisager l’avenir avec optimisme et enthousiasme.

« L’ouvrage que je recommande pour apprendre à pister les belettes ! »
Donald Trump ».

 

Vous n’échapperez pas à la définition de « mythopoïèse » : comme j’ai dû la chercher, autant vous en faire profiter… Rien sur le site du CNRTL (Centre national de ressources textuelles et lexicales). La Wikipedia indique, en introduction : « La mythopoeïa, du grec muthos (récit, fable) et poiein (créer, fabriquer), soit « fabrication de fables », est la création consciente d’un mythe ou d’une mythologie personnelle dans une œuvre littéraire. Le terme a été créé par le poète Frederic Myers mais les études littéraires françaises parlent plutôt de « mythopoïèse » (parfois orthographié : « mythopoièse ») ou encore de « mythopoétique », à la suite de l’ouvrage de Pierre Brunel, Mythopoétique des genres (2003) ». Comme ça, on est paré. On retiendra, pour synthétiser, qu’il s’agit de la des éléments d’une mythologie élaborée par le créateur d’une œuvre, une sorte d’univers personnel qu’il ouvre aux autres.

Il vaut mieux avoir lu les deux premiers tomes — sans que cela soit une obligation —, de façon à mieux comprendre certaines situations, certains personnages (l’ethnologue jivaro, notamment), mais aussi le discours de l’auteur et son sens de l’humour. Fort heureusement, bande de veinards, ils ont fait l’objet d’un compte rendu dans la Cliothèque, voici deux ans.

L’album propose une vision du monde complètement renversé (c’est la fameuse mythopoïèse dont il était question au début de cette recension). La conception animiste des peuples jivaros est devenue la norme. Mais dans un souci de maintenir une diversité culturelle, il a été décidé de réserver quelques enclaves de culture occidentale, qui viennent visiter des classes scolaires. C’est le cas de Bois-le-Roi, qui fait l’objet d’une observation très attentive de la part d’un ethnologue jivaro, comme un nouveau Persan cherchant maladroitement à comprendre comment fonctionnent ces restes d’une société en voie de disparition : le procédé en souligne d’ailleurs les absurdités (l’usage d’une monnaie, notamment, ou les distances importantes entre les lieux de production et les lieux de consommation, qui accroissent la valeur des produits). Les actuels dirigeants occidentaux — Macron, Merkel, Trump — disposent d’un semblant de pouvoir qu’on a bien voulu leur concéder — toujours dans un souci de diversité —, mais on les voit profondément perturbés par la culture désormais dominante et tentés d’y céder parfois : cela explique la dernière phrase apocryphe de Trump, à propos de quoi on n’en dira davantage. Le cœur de l’album repose sur l’expérience sociale qui se déroule dans la ZAD de Notre-Dame-des-Landes — des « territoires libérés » (p. 122) —, ce que montre la présence d’un cockpit d’avion sur la couverture, où Alessandro Pignotti s’est rendu à plusieurs reprises pour observer comment et sur quelles bases une véritable contre-société peut émerger, une société complètement « déséconomisée » incluant les non-humains. Il y a consacre d’ailleurs toute la partie finale de l’ouvrage, purement textuelle.

On comprend que le lecteur ne doit pas s’en tenir au seul aspect humoristique : ce nouveau tome du Petit Traité d’écologie sauvage n’est pas à considérer comme une joyeuse plaisanterie. Au contraire, il permet de renforcer l’idée qui se diffuse peu à peu que le seul concept de « développement durable », aussi creux soit-elle et quelque sincères soient ceux qui cherchent à le mettre en œuvre, ne servira guère la résolution de la crise environnementale que l’on vit, s’il persiste à se contenter de simples adaptations technologiques — qui seront autant de sources de profit pour le capitalisme dit « vert ». Cette crise exige au contraire une révision sociale en profondeur et un abandon des structures capitalistes qui ont conduit à l’échec.