Dans la foultitude de livres sortis pour le centenaire de la fin de la Grande Guerre, celui-ci sort du lot.

Ni un documentaire pur, ni une fiction pure, Alain Serres nous livre ici un parfait mélange des deux.

Alain Serres, auteur  et directeur bien connu des éditions Rue du Monde, ancien instituteur en maternelle pendant 13 ans, est aussi collectionneur d’objets autour de la Grande Guerre.

« C’est en les observant et en se documentant sur chacun d’eux qu’il a réalisé ce livre. »

Fin 1918, le soldat  Machin redevient le paysan Mathurin en rentrant enfin chez lui. Il revient avec une caisse allemande en bois blond, pleine à craquer d’objets amassés tout au long de ces quatre années de guerre. 50 objets pour être précis qui racontent sa guerre « en mille morceaux ». « Jamais je ne l’ouvrirai », ou « juste une fois tous les 100 ans et ce jour-là, les enfants des environs s’approcheront de la caisse de munitions devenue petit musée de la paix. Et chaque objet leur racontera ce que j’ai trop de mal à raconter »

Au fil des pages, le lecteur découvre donc le quotidien du Poilu imaginaire Machin, de sa mobilisation, sa traversée des quatre années de la guerre. Il se souvient, il creuse des tranchées « mais la terre est cent fois plus lourde quand il faut ouvrir une tranchée que quand on retourne son champ pour y planter de la bonne pomme de terre rosée. ». Il connaît l’attente, le froid, les fumées, le bruit, la camaraderie, les autres soldats qu’il a rencontrés : les tirailleurs sénégalais si loin de chez eux, Ahmed d’Oran  le paysan artiste qui avait aplati un obus de 60 pour y graver le visage de son vieux père, ce gars d’Australie qui s’était fabriqué un coupe-papier en forme de boomerang…

Il se souvient de sa vie à la campagne, des jeux des enfants, de ses animaux, du sourire de l’infirmière, des grillons qui surveillaient si des gaz mauvais rampaient au fond des tranchées, des rats, des poux… Il veut se souvenir de tout et chaque objet évoque un souvenir bien précis.

Le récit alterne donc entre l’histoire écrite par Alain Serres et les photographies des objets collectionnés. La symbiose entre les deux est parfaite, l’un s’intègre à l’autre, l’autre s’intègre à l’un. C’est une totale réussite. Les illustrations de Zaü (ou André Langevin, fidèle collaborateur de Rue du monde avec à son actif plus de 130 albums, recueils et documentaires dans diverses éditeurs jeunesse) replacent ces objets dans des scènes de vie.

Les photographies sont de belle taille, encadrées comme pour les mettre en valeur, légendées. Les objets présentés sont très variés : jouets en plomb, affiches, cartes postales, artisanat de tranchées, lampe Monjardet, chéchia, boîte à grillon, gamelle, de nationalités diverses : française, allemande, anglais…

 

 

Le texte est fluide, au vocabulaire simple mais précis. L’histoire se lit facilement. Ecrite  à la première personne, le lecteur s’identifie au héros, se prend à ressentir les émotions du soldat Machin et du paysan Mathurin. C’est même très émouvant sans être dans le sentimentalisme.

Un ouvrage à avoir absolument dans sa bibliothèque personnelle pour lire avec ses enfants au moment des commémorations ou quand l’occasion s’en fait sentir à la découverte d’un monument, d’un site sur la Grande Guerre.

En classe, cet ouvrage est un très bon déclencheur sur un travail en histoire dès le cycle 2 sur la Grande Guerre, bien évidemment, mais aussi sur la mémoire, le témoignage.