Ce manga propose deux interprétations visuelles de deux textes qui semblent sans point commun véritable : 1984 de George Orwell et La luciole d »Haruki Murakami. Le premier est une dystopie se déroulant en Angleterre, mondialement connu ; l’autre, une nouvelle racontant le destin brisé de deux jeunes étudiants japonais.
Comment et pourquoi l’auteur, Takehito Moriizumi, a fait ce choix de lier ces deux textes? Il semble que peu de choses connectent ces deux univers. En effet, le cadre de 1984 est celui d’une société européenne et d’un monde, touché par la guerre. L’Angleterre se retrouver sous le joug d’une dictature qui met en place un système de contrôle total de la société qu’il dirige. Parmi les objectifs, déshumaniser à court, moyen et long terme les habitants, afin de toujours mieux les contrôler. Il serait ici bien évidemment incongru de résumer 1984 dans cette œuvre est culte. L’auteur insiste ici sur l’humanité disparue, contre leur gré, des deux personnages principaux, Julia et Winston.
La luciole évoque le destin de trois amis, un couple hétérosexuel et un homme. Leur amitié est bouleversée par la mort de l’homme du couple. S’ensuit une relation particulière entre les deux restants, marquée par le drame bien sur, mais aussi par un nouvel amour naissant. Cependant, cet amour et les sentiments qui l’accompagnent semblent impossibles.
Ce qui lie d’abord ces deux œuvres, c’est le dessin de Moriizumi. Le trait est plus européen que japonais, sans être toutefois à l’image d’un Taniguchi. L’auteur insiste sur les jeux d’ombre et de lumière, insistant sur les expressions des personnages, afin de faire transparaître leurs émotions et sentiments, alors que leur cadre de vie, leur histoire les poussent à renoncer à une partie, voire la totalité, de leur humanité.
Ce qui lie ensuite les deux textes, c’est la notion d’amour impossible. Pour des raisons diamétralement opposées, sociétale dans 1984, viscérale dans La luciole. Les sentiments sont là et permettent de se sentir vivants, mais tout ce qui entoure les personnages principaux aboutit à leur éloignement, comme si le destin était le plus fort et imposait sa chape de plomb, sans que la remontée du courant soit possible.
Au final, ce manga double est une bonne surprise. Dans les mains, il peut sembler fin et avoir peu de contenu. La réalité est tout autre. D’abord, parce qu’il permet de découvrir un autre univers avec cette nouvelle, La luciole, bien moins connu que l’autre texte mis en images. Ensuite, parce que l’humain, avec les sentiments et les émotions, sont au coeur de ce manga. Enfin, parce que l’auteur apporte de la profondeur à chacune de ses planches, qu’elle soit politique ou sociétale.
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