« Les Clés de l’info » se présentent comme une collection de « poche » qui donne aux jeunes les clés pour décrypter les grands sujets d’actualité, développer leur sens critique et donner du sens à l’information. Les livres sont brefs (64 pages format 14 x 19) et comprennent trois parties : « décrypter », « comprendre », « chercher ».

CR de Yves Montenay.

 

L’ambition et les auteurs

« Les Clés de l’info » se présentent comme une collection de « poche » qui donne aux jeunes les clés pour décrypter les grands sujets d’actualité, développer leur sens critique et donner du sens à l’information. Les livres sont brefs (64 pages format 14 x 19) et comprennent trois parties : 1 « décrypter » Quatre faits d’actualité permettent d’appréhender le pétrole sous tous ses angles : socio-économique, économique, géopolitique, écologique. 2 « comprendre » Un lexique de 50 mots de l’info explique les notions, les acteurs, les dates-clés. 3 « chercher » Des documents sélectionnés par la Documentation française « pour aller plus loin ».

Cette présentation est légère, simple et semble adaptée à un public jeune.

Les auteurs, Elisabeth Combres et Florence Thinard, sont journalistes, écrivains et anciennes rédactrices en chef de Mikado et les Clés de l’actualité Junior. Elles sont auteurs des 1000 mots de l’info, qui a eu le prix de la presse des Jeunes.

Le livre

Les premières pages rappellent quelques données de base utiles, mais noyées dans des formules peu pertinentes. On peut remarquer par exemple la formule « 13.500 emplois industriels délocalisés de France de 1995 à 2001, soit un emploi sur 300 ». C’est doublement « curieux» puisque cela ne se réfère qu’à 4 millions d’emplois sur plus de 20 (donc soit une erreur, soit un choix à expliciter) et surtout cela oublie les 100 000 (évaluation rapide) créés en contrepartie dans les pays en voie de développement. On pourrait faire une réflexion analogue sur « les inégalités creusées par la mondialisation », qui sont surtout générées par l’enrichissement des Chinois, Indiens … devenus employés, ouvriers ou cadres alors que le contexte suggère une évolution négative.

La partie Décrypter évoque d’abord « un commerce à double tranchant » et « les textiles chinois qui submergent les marchés européens ». On y pointe à juste titre que le non-respect des Droits de l’homme est d’autant plus dénoncé que le concurrent est dangereux, et qu’ainsi la Chine est davantage visée que la Russie ou l’Algérie. On évoque aussi à juste titre les dégâts causés au Sud par les subventions européennes à l’agriculture (les subventions américaines sont oubliées).
« Les grands acteurs du commerce mondial » sont soit des pays qui sont correctement évoqués, soit d’autres acteurs qui le sont nettement moins. Ainsi la formule « quelques bourses commerciales des pays riches décident du prix de la plupart des matières premières produites par les pays du Sud » reflète les erreurs répandues dans les médias. Il en va de même de la comparaison entre chiffre d’affaires et richesse : écrire que « le chiffre d’affaires mondial de Carrefour est supérieur au PIB de la Nouvelle-Zélande » est une erreur mathématique et une horreur économique.
Le rôle de l’OMC et des autres organisations internationales est évoqué à juste titre, mais curieusement, elles sont rangées dans le camp libéral (ce qui est visiblement négatif pour les auteurs) alors que les libéraux considèrent qu’elles ont par nature un rôle néfaste. Ces institutions sont accusées de rechercher « des profits commerciaux » bien que le détail du texte semble montrer l’inverse. Le FMI est classiquement accusé d’avoir alourdi la dette des pays en difficulté et d’avoir détérioré l’éducation et la santé, alors qu’il a secouru des gouvernements qui l’avaient appelé et que si ces derniers ont coupé les dépenses sociales, c’est par leur incapacité de s’attaquer à celles d’autres groupes, tels les militaires. L’OMC est par contre, à juste titre, créditée de vouloir supprimer les aides de l’Occident à son agriculture.
Les pages consacrées à la délocalisation, outre les défauts signalés ci-dessus, disent que « rester compétitif » signifie « augmenter les profits » alors qu’il s’agit souvent, comme par exemple pour Airbus, d’une question de survie. Dans le même registre, il est reproché aux consommateurs du Nord, d’« exiger des prix toujours plus faibles afin de consommer toujours plus », ce qui revient à suggérer une baisse de leur niveau de vie, mais cette conséquence mathématique est escamotée. Notons toutefois que sont « plaquées » en fin de chapitre quelques phrases discrètes et globales à l’allure de corrections de dernière minute (demandées par l’éditeur ?) visant visiblement à être citées pour contrer les critiques ci-dessus. Mais comme elles sont sans lien avec chaque point évoqué, les erreurs ou biais n’en sont pas corrigés.

La partie monétaire est quelque peu embrouillée entre « le pouvoir du billet vert » et son contraire, « l’euro fort », et comprend l’allusion journalistique habituelle à la spéculation, mais ignore « la couverture » qui est son contraire et génère pourtant une bonne part des mouvements monétaires dénoncés. La carte de synthèse est bien faite et parlante, avec d’inévitables simplifications, compte tenu du niveau des lecteurs.

La partie Comprendre offre un lexique de « 50 mots de l’info » qui explique les principales notions : AGCS, altermondialiste, ATTAC, balance commerciale, Banque Bondiale, barrière douanière, billet vert, commerce équitable, délocalisation, FMI, libéralisme, libre-échange, OMC…
On y remarque une forte proportion de termes ou de définitions altermondialistes, ou de courants d’idéologie voisine :
– – ATTAC a droit à une place d’honneur ;
– – les actionnaires poussent à licencier ;
– – les altermondialistes sont humanistes (mais alors pourquoi soutiennent-ils des dictateurs du Sud et certains mouvements islamistes ?) ;
– – la définition du capital d’une entreprise est curieuse :
– – le capitalisme nuit « à ceux qui ne peuvent vendre que leur travail » (qu’en pensent les Chinois tirés de la misère en devenant ouvriers ?) ;
– – le G8 commande le FMI, la Banque mondiale et l’OMC ;
– – « le libéralisme s’est diffusé depuis les années 80 » (soit environ deux siècles de retard sur une réalité plus complexe) ;
– – « la mondialisation profite aux Etats les plus riches » (mais alors pourquoi se plaindre des délocalisations ?) ;
– la taxe Tobin est détournée du sens qu’en a donné son initiateur et son utilité proclamée suppose que le développement soit une question d’argent tombant du ciel vers les gouvernements du Sud (pourquoi alors les pays pétroliers sont-ils sous-développés ?).
Je ne cherche pas à dire que « la vérité » est de sens inverse de l’opinion des auteurs, mais qu’il faut garder quelque rigueur, surtout quand on s’adresse à des élèves, et que « simplifier » ne signifie pas « mutiler ».

La partie Chercher donne le texte des accords de Marrakech instituant l’OMC, celui de la déclaration du président de l’Union Africaine pour une reprise des négociations de Doha, du rapport du Conseil Économique et Social sur la mondialisation et le respect des droits de l’homme au travail et le manifeste 2007 d’ATTAC. Il est ponctué de remarques de même nature que celles relevées jusqu’à présent. Par contre, la liste des sites Internet et l’index est bienvenue.

Bref, ce n’est pas un livre laïc mais un bréviaire, par ailleurs plus journalistique que rigoureux et qui se dissimule derrière une présentation simple et agréable. L’enseignant qui voudrait l’utiliser devra avoir une bonne formation économique et qui soit puisée à des sources pluralistes s’il veut vraiment que ses élèves acquièrent l’esprit critique que cette collection prétend leur apporter.

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Pour lire un autre compte-rendu sur le même livre : http://www.clionautes.org/?p=1602