Comment peut-on donner autant d’informations dans un si petit volume d’une centaine de pages avec autant d’humour, de dessins, de jeux et de tableaux synthétiques ? Il faut dire que les auteurs n’en sont pas à leur premier essai. Cet album reprend des éléments des 10 tomes disponibles en BD parus à partir de 2014 ; le onzième, Crète party paraîtra en septembre. Les « petits mythos » sont également sortis en roman graphique. Centré pour l’essentiel sur la mythologie grecque, voici un ouvrage qui compile un grand nombre d’histoires classées en fonction des protagonistes (dieux, déesses, héros, bestiaire) ou d’événements marquants comme la guerre de Troie, l’Odyssée ou les douze travaux d’Hercule. On n’a jamais de répétitions quand les acteurs se rencontrent, ce qui est une vraie prouesse vu la complexité des mythes, quitte à attendre les pages suivantes pour connaître le dénouement du récit. Un néophyte rencontre ainsi de nombreux personnages mis en valeur par de petites BD souvent très drôles. En fin de chapitre, les jeux avec Totor le minotaure sont variés et amusants. Mais la quantité ne fait pas toujours la qualité. Très plaisant, facile à lire, cet ouvrage semble très séduisant pour initier la jeunesse à la mythologie. Cependant, le langage employé est un peu trop familier : du côté des « mecs », le boss Zeus pète un boulon, Héra est une teigne, Arès qualifié de neuneu engueule Athéna… Les héros draguent ou se conduisent comme des grosses nouilles. On se met à la portée des plus jeunes, me direz-vous. On préférerait que les familiarités soient au service uniquement de l’humour caractéristique de Christophe Cazenove : « le dieu marin Triton se fait liquider ». Quelques erreurs se glissent aussi au fil des pages : les Cyclopes offrent à Zeus la foudre au lieu du foudre, le temple d’Athéna Niké se trouve sur l’acropole et non à côté, et c’est Pâris qui choisit Aphrodite dans le jugement du même nom (p.52) et pas Zeus (le pauvre, imaginez la colère d’Héra qui se trouve dans la compétition). Représenter une Amazone avec un décolleté plongeant particulièrement garni est assez mal venu, puisque ces femmes guerrières s’amputaient du sein droit pour placer leur arc d’où leur nom, « amazone », qui signifie « sans sein ». Plutôt que d’envisager cet album pour les plus jeunes, il serait mieux dans les mains d’un adulte passionné censé avoir un certain recul.
© Christine Valdois pour les Clionautes
Chers auteurs,
toute volonté d’intéresser les jeunes à l’histoire et à la mythologie est louable. En fait, ces derniers sont très friands des mythes, comme en témoigne chaque année de 6e, où beaucoup d’élèves veulent raconter leur dieu ou héros préféré, lu dans un livre jeunesse ou vu au cinéma (grand succès de Percy Jackson). Ainsi la rigueur est essentielle car il y a toujours une tête bien faite qui ressort un détail qui nous semble anodin mais assimilé par elle. Votre travail est donc essentiel et la BD devient un médium indispensable pour nos élèves lecteurs. A ma connaissance, les Clionautes n’ont pas encore recensé les albums de votre série ! A bientôt de vous lire…
PS : merci pour votre article sur les Amazones. Cependant, la version « sans sein » est la plus courante même si les Grecs ont joué sur l’étymologie. Voir les représentations sur les vases (références : dictionnaire de la mythologie chez Larousse ou Edith Hamilton La mythologie Marabout Université…)
Bonjour. Je suis le scénariste des Petits Mythos, Christophe Cazenove, et je vous remercie à mon tour pour l’article que vous consacrez à notre série, il est assez rare que les critiques (surtout constructives) s’intéressent aux BD humoristiques. Je rejoins mon ami dessinateur pour ce qui est de l’approximation quant à certains mythes que l’on peut regretter sur les premiers tomes. LA Foudre est depuis plusieurs albums devenus LE Foudre dans nos pages, et même si c’est Zeus qui a contraint Pâris à choisir la plus belle parmi les trois Déesses, c’est Pâris qui seul a décidé (c’est d’ailleurs une erreur que je corrigerai lors de la prochaine ré-impression du guide, tout comme le fait d’avoir situé le temple d’Athéna Niké à côté et non sur l’Acropole). Mais plus nous avançons et plus nous essayons d’être précis tout en gardant en tête que nous faisons avant tout une série humoristique, ainsi le ton léger et humoristique présent dans le guide correspond à celui utilisé dans les albums de BD. Je pense qu’il est plus facile d’apprendre en s’amusant d’où la volonté de faire des phrases courtes et imagées. Pour ce qui est de la remarque sur les Amazones, parler de leur décolleté est une manière, par petites touches, de faire passer l’idée que cette croyance sur les Amazones qui se coupaient un sein est fausse.
Nous en parlons dans le cahier supplémentaire du tome 9 de la série et je me permets de joindre à ce message un lien conduisant à quelques pages de l’étude historique consacrée aux Amazones écrite par Adrienne Mayor, sur lesquelles je m’étais appuyé pour parler de cette idée qui a la vie dure tout autant que celle de César baissant le pouce pour qu’un gladiateur soit exécuté. Dans son livre, l’auteure explique que cette idée du sein coupé vient d’une fiction écrite dans l’antiquité, qui a depuis été reprise en boucle.
https://books.google.fr/books?id=bvDUDwAAQBAJ&pg=PT87&lpg=PT87&dq=hellanicos+de+lebos+adrienne+mayor&source=bl&ots=84LLtC0UoJ&sig=ACfU3U3rUUZPGgDuB3wcONt5HKESKBPF9w&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwjl6_6kl_zqAhVH3IUKHQ6XD4oQ6AEwAnoECAoQAQ#v=onepage&q=hellanicos%20de%20lebos%20adrienne%20mayor&f=false (paragraphe sur l’origine du mot Amazone)
Nous comptons autant sur les retours comme les vôtres comme sur ceux des enfants qui sont aussi très attentifs à ce que nous faisons, pour corriger nos erreurs. Ceci dit, même si nous ne sommes ni historiens ni mythographes nous nous basons sur une solide documentation pour animer les Petits Mythos, tout en sachant qu’il y a énormément de versions contradictoires dans les textes des anciens. Alors en effet, montrer Pégase et Méduse dans la même case est absurde puisque l’un naît du sang de la tête tranchée de l’autre, mais les montrer ensemble crée un lien entre ces deux personnages qui peut intriguer le lecteur et l’amener à aller chercher des informations plus sérieuses, notamment dans le dictionnaire de Pierre Grimal qui est mon livre de chevet pour cette série.
Bref, comme l’écrit Philippe Larbier, le travail continue … Merci encore
Christine Valdois, je vous remercie pour la qualité de votre critique. Je voudrais juste revenir sur certaines erreurs « volontaires ». Le scénariste et moi-même (je suis le dessinateur ) avons commencé les Petits Mythos il y a une petite dizaine d’années et nous n’envisagions pas alors que la série durerait aussi longtemps. A début, nous avons pris le principe de simplifier certains éléments de la mythologie pour rester accessible aux plus jeunes lecteurs, Ainsi, nous avons représenté les sirènes en femmes-poissons alors que nous savions qu’elles sont en fait des femmes-oiseaux, LE Foudre de Zeus est devenu LA Foudre, Héraclès s’appelle Hercule. Pour ce qui concerne « le » sein des Amazones », il y a plusieurs versions et nous n’avons pas retenu celle qui permet de tirer à l’arc. Chaque nouvel album est l’occasion pour nous de « corriger » et d’expliquer notre point de vu.Il est tellement compliqué de raconter la mythologie grecque (surtout sous le prisme des dieux enfants) que nous avons fait des choix qui ne seront pas toujours pertinents pour certains mais qui sont sincères. Nous corrigeons régulièrement les erreurs « involontaires » à chaque nouvelle édition et nous ne sommes jamais satisfaits. Le travail continue, donc… Philippe Larbier