Comme toute jeune Israélienne de 18 ans, Aya a dû effectuer son service militaire. Elle le raconte de façon très concrète et sans complaisance. Aya Talshir est illustratrice pour la presse et artiste peintre. Elle vit aujourd’hui à Tel-Aviv.
Dans le prologue, Aya Talshir précise qu’elle a fait son service militaire à partir de 2012. Pour décrire son état d’esprit, elle dit clairement qu’elle n’était pas vraiment branchée sur l’armée et elle avoue aimer son petit confort. La bande dessinée est structurée en cinq parties.
Les besoins élémentaires
Elle raconte comment elle a été humiliée pendant trois semaines. Dès le début, elle livre des anecdotes qui témoignent de ces difficultés. Rien qu’aller aux toilettes est complexe car il faut toujours garder à l’œil son fusil. Peu à peu, des amitiés se créent comme avec Anne, une fille de la ville qui a toujours plein de choses à raconter. Prendre une douche est aussi difficile car il n’y en a que quatre pour l’ensemble des appelées. Côté nourriture, ce n’est guère mieux. Le seul point qui pourrait être positif serait le melting-pot entre les jeunes filles. Aya déplore pourtant assez vite le regard des autres sur sa façon de se comporter car tout est sujet à critique. La période des classes se termine par une prestation de serment, une remise de Bible et une cérémonie avec les parents.
Emotions sous surveillance
Cette période dure de mars à juillet. Aya Talshir reçoit une formation de plusieurs mois pour apprendre le métier qui va être le sien dans l’armée. C’est une sorte d’école militaire. La nourriture et les conditions d’hygiène ne sont pas meilleures que durant les classes. Aya se fait d’autres amies, comme Diana, avec qui elle partage quelques bons moments. Aya rate pour la première fois la retransmission de l’Eurovision. Dans le dortoir, l’ambiance est loin d’être conviviale. Les journées se déroulent souvent autour des jeux sur ordinateur pour passer le temps. Aya Talshir décrit les rituels de l’armée israélienne comme la feuille de route qui doit être complétée auprès de multiples services et personnes disséminées dans la base. Ça ressemble clairement à un jeu de piste visant à humilier les appelées.
La séquestration
Entre août et décembre, la suite de sa formation se déroule aux alentours de Jérusalem. Son père vient la voir à la base tous les week-ends mais elle se sent bien seule. Un des soldats, Michaël, se montre très attentionné auprès d’elle, même si elle lui fait finalement comprendre qu’il n’a rien à espérer comme histoire d’amour avec elle. Aya avoue se sentir très angoissée et déprimée. Lorsqu’elle apprend qu’Israël a lancé une opération militaire, un déclic se produit. Comme elle le dit, elle décide de « devenir un problème pour l’armée de son pays ». Un psychiatre décide de la transférer sur une autre base, après évidemment qu’elle se soit livrée au petit rituel de la feuille de route.
Epuisement professionnel
Cette période se déroule entre janvier 2013 et février 2014. Elle est hébergée sur une nouvelle base qui se situe à moins de trois minutes de chez elle. Elle a l’impression de reprendre un peu sa vie en main. Elle explique également que la grande peur de l’armée israélienne est l’enlèvement de ses soldats. Lorsque sa vigilance est prise en défaut lors d’une garde, elle est sanctionnée sous forme de deux semaines sans avoir le droit de sortir. Son copain est aussi soldat mais lui risque réellement sa vie.
L’émancipation
Aya Talshir se sent enfin libérée, même si son histoire avec l’armée n’est pas tout à fait terminé. Il lui faut attendre quelques années avant d’être rayée de la liste des réservistes. Avec le recul, elle constate qu’elle s’est progressivement affirmée et elle se sent plus sûre d’elle. Pourtant, lorsqu’elle propose une formule pour raconter son expérience, celle qui lui vient à l’esprit est : « A 18 ans l’armée nous avale puis elle nous recrache ».
Cette bande dessinée propose donc un témoignage très concret sur le service militaire israélien et permet d’approcher une réalité mal connue.
Jean-Pierre Costille