Dessins d’humeur est un ouvrage qui compile un grand nombre de dessins de presse et de dessins humoristiques réalisés par Johan De Moor. Une grande partie de l’actualité de ces dernières années est ainsi croquée par son crayon, avec un humour qui varie du tendre au grinçant.

 

Johan De Moor, dans Dessins d’humeur, donne une vision personnelle de nombreux événements plus ou moins tragique de ce début du XXIème siècle. Ainsi l’attentat contre Charlie Hebdo, Daesh ou le mouvement #metoo côtoient la critique des régimes politiques et personnalités autoritaires (Trump, Bolsonaro, Al-Assad). Ces dessins, souvent politiques et engagés, côtoient d’autres planches centrées sur la société occidentale et ses dérives.

 

Deux éléments sont notamment pointés du doigt par Johan De Moor : la société consumériste et le réchauffement climatique. La société consumériste, tout d’abord, est dépeinte dans ses excès. Son ubérisation et son informatisation sont largement critiquées, avec des dessins sur la vente en ligne ou sur l’usage intempestif des réseaux sociaux. D’autres dessins appuient sur la déconnexion entre les préoccupations d’une petite partie du monde et la dure réalité de l’autre, comme lorsqu’on voit des Indiens commenter, au sommet d’une décharge, les nouvelles jantes de la voiture de Neymar Jr.

De plus, Johan De Moor consacre un grand nombre de dessins au réchauffement climatique. La question du plastique et des déchets dans les océans occupe plus d’une dizaine de planches. Plusieurs planches représentent d’ailleurs des objets de la vie courante (compas, agrafeuse, vis) devenus poissons (réciproquement « le poisson-compas », « le poisson-agrafeuse », « le poisson-vis »). Ces planches alertent et sur la pollution des océans et sur la disparition lente de la flore marine, remplacée justement par ces déchets.

Enfin, quelques petites BD évoquent en accéléré la terre ou un paysage, qui se modifient avec l’arrivée de l’humanité. Celle qui évoque un paysage progressivement conquis par des humains montre bien comment la société contemporaine a rompu un équilibre et que cela semble irréversible. Ces planches sont parmi les plus éloquentes et pourront être remployées en classe.

 

A côté de ces dessins engagés, portant sur des sujets majeurs de notre société, Dessins d’humeur laisse une place importante aux dessins d’humour plus légers. Ceux-là reposent le plus souvent sur des références à l’art. Si les emprunts à la pop culture (affiches de film, BD comme Tintin) seront facilement compris, d’autres références sont plus recherchées. On retrouve ainsi des parodies de Goya, Van Gogh ou de Jan Steen.

 

Johan De Moor travaille en profondeur ses dessins. Certains reprennent des images anciennes voire des photographies. Les couleurs, les styles et les techniques varient mais la beauté de l’ensemble demeure. Si l’aspect visuel est très bien réussi, l’humour déployé ne plaira pas systématiquement à tous. Cette diversité de tons, de formes, de sujets et de gravité, qui peut être considéré comme un défaut, est au contraire une richesse dans la mesure où chacun pourra rire, réfléchir et (se) questionner à la fois. Cependant, certains dessins pourront aussi donner le sentiment que Johan De Moor regrette le monde d’avant. Certaines critiques faciles présentes dans des dessins pourront faire dire à ses détracteurs qu’il s’inscrit dans la même veine que d’autres artistes et intellectuels « boomers ».

Cela dit, de nombreuses planches pourront servir en classe pour illustrer l’histoire récente, pour faire réfléchir à des problématiques géographiques ou pour questionner la place du dessin de presse dans la liberté d’expression.