Dans le cadre restreint d’une recherche débutante, le travail accompli pose de précieux jalons en s’appuyant à bon escient sur les acquis des spécialistes contemporains de l’histoire de la presse et de l’édition. Un gros labeur de défrichement statistique permet d’établir le rythme chronologique, quantitatif et qualitatif de la publication. Le dépouillement informatique du sommaire des 25 volumes publiés du Mercure (épais chacun d’un millier de pages en moyenne) a également été réalisé, et le contenu de cette utile base documentaire est généreusement mis à la disposition des chercheurs sur le site internet de l’UPMF.
L’inventaire analytique des articles ainsi répertoriés s’avère particulièrement riche : actualité diplomatique et guerrière, événements de la vie de cour, décisions législatives et faits divers en composent les principales rubriques. La résonance de cette compilation d’informations et actes officiels résulte de sa mise en perspective. La récapitulation d’une telle chronique événementielle fonctionne en effet comme une mémoire historique de la monarchie.
Les liens entre la publication et le pouvoir ne sont pas pleinement démontrés mais néanmoins probables. Rien ne permet de confirmer clairement la mise en tutelle supposée du Mercure par le cardinal de Richelieu et son éminence grise le père Joseph. Malgré tout, la possession d’un privilège royal, le rôle éditorial joué par Théophraste Renaudot, ainsi que l’orientation du contenu, fidèle aux intérêts de la couronne, constituent un bouquet de présomptions assez concluant. Enfin, la comparaison entre la Gazette et le Mercure, tous deux pilotés par Renaudot, esquisse des convergences, des complémentarités et aussi des interférences qui expliquent peut-être, dans le contexte ingrat de la Fronde, la disparition éditoriale du second.
Malgré quelques graphiques indéchiffrables pour des raisons de format (p. 63 et 138-139) et une petite confusion inversant le prénom et le patronyme de l’historien Benoist Pierre, la solidité méthodologique de cette étude mérite d’être saluée. Elle formule un état des lieux à la fois documenté et accessible qui rendra service aux dix-septiémistes en leur facilitant l’accès à une source abondante et informée, tout en permettant d’approfondir l’histoire des origines de la presse française. Anne-Laure Leroux convient avec modestie des lacunes subsistantes : la diffusion, la composition du lectorat et le modèle économique du Mercure demeurent à explorer. Autant de pistes que l’intérêt de son travail préparatoire donne envie de voir défricher.
© Guillaume Lévêque