Cet ouvrage a pour ambition de proposer une lecture territoriale des rapports de pouvoir et de domination des sociétés dans leur rapport à la nature. Sylvain Guyot propose ici une formulation approfondie du concept de front écologique, désignant les (re)conquêtes territoriales réalisées au nom de la nature. La mondialisation contemporaine des enjeux écologiques et de protection de la nature offre un ensemble de dynamiques propres à valider la capacité d’éclairage planétaire des fronts écologiques (ONG environnementales, OIG, protection privée de la nature, services écosystémiques, éco-tourisme, retour à la nature, etc.).

L’auteur replace les enjeux internationaux dans leurs contextes nationaux et locaux, qu’ils soient politiques ou historiques, avec une comparaison inédite entre les trois cas sud-africain, argentin et chilien, véritables laboratoires écologiques et politiques de l’hémisphère austral.

Cet ouvrage se divise en trois chapitres, qui comptent eux-mêmes plusieurs parties. Il propose une analyse détaillée du concept de front écologique, de son épistémologie, le tout s’appuyant sur des exemples précis. Le livre est agrémenté de nombreux tableaux, figurés, cartes… permettant d’appréhender au mieux les exemples ainsi que les analyses suggérées par l’auteur. L’ensemble donne un petit livre clair, teinté de géohistoire et particulièrement pertinent.
Préfacé par Myriam Houssay-Holzschuch, ce livre est le résultat d’un mémoire d’HDR soutenue en octobre 2015 à l’Université de Limoges. Sylvain Guyot, a pour thèmes de prédilection la mise en art des espaces naturels et protégés, la notion de front écologique mais aussi la gentrification rurale. Il a été récemment nommé à l’institut universitaire de France (IUF). Il a aussi coordonné dans la revue Alpine Research un article traitant de « la mise en art des espaces montagnards dans le monde ».

Une théorie des fronts écologiques

La première partie s’attache à expliquer la construction théorique le concept de front écologique. Dans le premier encadré, la définition proposée est celle de Guyot et Richard (2009). On retient que « le front écologique renvoie à l’appropriation « écologisante » d’espaces, réels ou imaginaires, dont la valeur écologique et esthétique est très forte. » Ce front est toujours perçu « en fonction d’un « ennemi » de la nature. D’ailleurs ce terme renvoie à quelque chose de violent, de guerrier…D’ailleurs selon Guyot (2012) il émerge « d’une logique de front contre front. » La notion de frontière aussi corollaire de celle de front. L’espace à protéger, à préserver est « le front de combat » d’un certain nombre d’association écologiste.

L’auteur évoque aussi les dynamiques différentes de nombreux termes entre les langues françaises et anglaises : environmentality, governmentality, green governmentality…Ces notions restent peu utilisées chez les francophones. Dans la seconde partie, l’auteur explique la construction du concept de front écologique ; et les différentes étapes qui la composent. Le tableau 3 (p.38-39) propose une vue des trois générations de fronts écologiques : génération impériale, génération géopolitique, génération globale qui permet de visualiser d’un seul coup d’œil les particularités de chacune. Le tout est complété par des figures cartographiques démontrant les différentes dynamiques, selon les générations. Les trois générations sont commentées. Une lecture des fronts écologiques, génération globale, est faite via le front écologique UNESCO, le front écologique transfrontalier, les ONG et autres acteurs. L’éco-tourisme est aussi évoqué à travers quelques éléments de son imagerie. Mais les types de fronts écologiques sont nombreux, le front écologique autochtone, ses enjeux politiques et sociaux m’ont particulièrement captivée.

Le front écologique, entre impérialisme et constructions nationales (Afrique du Sud, Argentine, Chili)

Sylvain Guyot justifie, dès la première page de ce deuxième chapitre, ses choix de terrain : « L’Afrique du Sud, l’Argentine et le Chili, pays du sud de l’hémisphère sur peuvent apparaître comme comparables. » Après une brève contextualisation historique et géographique des trois pays concernés, l’auteur évoque un à une leur situation. Sous forme d’études de cas, c’est une mine d’or pour se constituer des exemples utilisables en classes ou aux concours de l’enseignement. L’ensemble se termine par une comparaison des générations géopolitiques des trois pays. Cette partie fait émerger un certain nombre de questions, mais l’une d’entre elle m’interpelle particulièrement : « la question du type de protection de la nature mis en place, faune sauvage, wilderness et grands paysages ou forêt. » Ce qui amène l’auteur à conclure : « la nature n’est ni perçue, ni définie de la même manière dans les trois pays. » Le chapitre se clôt par un tableau récapitulatif : grille de lecture comparative aux trois pays pour la génération géopolitique, synthèse très pratique du chapitre.

Le front écologique global. Attractivité écologique de l’Afrique du Sud, de l’Argentine et du Chili

Cette génération qui surplombe le monde depuis le début des années 1990 est commentée dans le cadre de ce dernier chapitre. Les trois études de cas sont reprises avec une approche définitivement contemporaine. L’évolution des trois générations de fronts écologiques apparaît clairement dans cette partie du livre. La partie qui traite de la synchronie des sous-processus globaux évoque les mêmes types de fronts que vus précédemment, mais à l’heure de la mondialisation. Les chiffres sont pertinents et suffisamment récents pour être exploités. Les figures et illustrations sont encore une fois nombreuses, afin de faciliter la compréhension des différentes évolutions. Cette partie fait un bilan comparatif des trois pays. Enfin, la cyclicité et les dynamiques des fronts écologiques sont expliqués, commentés et pensés.

J’ai particulièrement apprécié cet ouvrage pour plusieurs raisons; Tout d’abord la construction et la structure du livre permet à tout lecteur non familier avec le sujet d’apprivoiser la notion de front écologique avant de pouvoir la replacer dans le temps et dans l’espace. En tant que professeur du secondaire, j’affectionne spécifiquement les exemples très bien illustrés que propose ce livre, ils sont faciles à reprendre et à exploiter en classe ou en concours.