Sous la direction de Vincent Moriniaux (Paris IV).

Aziz Ballouche, Sarah Bortolamiol, Marianne Cohen, Romain Courault, Pascal Darcel, Pierre Denmat, Christian Giusti, Delphine Gramond, Etienne Grésillon, Wandrille Hucy, Marlène Nitenberg, Emmanuel Reynard, Hervé Régnauld, Charlotte Rousset, Bertrand Sajaloli.

Manuel de concours correspondant au sujet « la nature, objet géographique » de l’Agrégation de Géographie 2018 et 2019.

Vincent Moriniaux, maître des conférences à l’Université Paris-Sorbonne est lui-même agrégé de géographie mais aussi enseignant au sein du module de préparation à l’agrégation de géographie. Ancien jury à l’agrégation d’histoire ses recherches se positionnent principalement en géographie de l’alimentation au sein de l’UMR Espace, Nature et Culture. La plupart des auteurs de ce livre sont agrégés ou docteurs et éventuellement les deux. En tous cas tous travaillent sur des éléments qui se rapprochent de la question à l’agrégation de géographie.

Lors de l’introduction, est rappelé la prédominance du sujet de Nature en philosophie, mais la géographie apporte aussi sa pierre à l’édifice quant à ce sujet très vaste. Présent tout au long du programme du secondaire, il est légitime que cet objet se retrouve dans les sujets au concours de l’enseignement. Pour les auteurs, afin de pouvoir répondre à une question telle que « qu’est-ce que la nature ?» il faut dans un premier temps en maîtriser les bases philosophiques. Se basant sur une brève analyse d’un numéro du magazine Bretagne, les auteurs tentent de faire comprendre, que la réponse dépend avant tout du statut des différents protagonistes, notamment dans ce cas-ci, des acteurs de la conservation du littoral. Après avoir donné des indications sur la façon d’utiliser l’ouvrage les auteurs se réjouissent du choix de ce sujet au concours. La manuel est construit comme une succession de fiches, chacune intégrées dans une partie ayant un titre clair, mais aussi un certains nombres de développements selon son sujet.


L’idée de nature chez les géographes

La première partie traite principalement d’épistémologie. En effet, elle s’ouvre sur un questionnement général sur la Nature et les idées de Nature et proposant aussi quelques éléments de définition. Le premier point d’accroche analysé est l’animal vu comme « un objet mobile qui réinterroge la question de la nature en géographie ». Le changement climatique, « une urgence certaine » selon les auteurs, mets en évidence l’ampleur de la prise de conscience des géographes sur le sujet. Cette idée permet d’interroger le déterminisme et le possibilisme en géographie. Un des aspects captivant de cet ouvrage se trouve dans l’analyse proposée de la relation entre la spiritualité et la nature. « Puisque le divin s’exprime directement ou indirectement dans la nature, la protéger, ou du moins veiller à ne pas la détruire, devrait relever d’un acte de piété et chaque fidèle devenir éco-croyant. » Enfin, différentes dimensions épistémologiques de la nature sont commentées ; la nature comme objet polysémique, idéologique…


La diversité de la Nature abiotique ou géodiversité.

Cette partie s’ouvre sur l’explication de concept comme la géodiversité et offre quelques précisions sur l’utilisation du terme de « paysage ». Le patrimoine géologique est aussi un thème fort de cette partie et notamment sa valeur culturelle ; « de nombreuses formes du relief et structures géologiques ont reçu un statut sacré de la part de diverses religions : îles et archipels (par ex., l’île de Pâques)… »
Le tout illustré par l’analyse du Géoparc des Bauges via ses acteurs son cadre et son patrimoine.

La diversité de la Nature vivante ou biodiversité

Cette partie s’ouvre sur l’objet de biodiversité, trois fiches sont proposée à propos de ce concept : de la nature à la biodiversité, la biodiversité : une simple grandeur scalaire?, Biodiversité et système de valeurs : comment trouver le bon équilibre ? La forêt des Cèdres de Dieu ainsi que la vallée de la Qadisha, toutes deux situées au Liban, illustrent les espaces de Nature, sa protection et sa patrimonialisation. “La vallée de la Qadisha et la forêt des cèdres de Dieu sont deux sites distincts inscrits ensemble sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco en 1998 en tant que “paysage culturel”. (…) La catégorie de paysage culturel reconnaît que le paysage est le produit des nombreuses interactions entre le milieu “naturel” et les sociétés.” Dans une sous-partie : les zones humides ou la fabrique géohistorique de la nature, cette dernière est posée comme un construit social et les zones humides sont analysés en tant qu’objet de Nature en sujet d’histoire et de culture.

La diversité de la Nature anthropisé

Pour les auteurs, cette diversité se décompose en quatre points principaux. Le premier point, la Nature anthropisée aux temps de l’Anthropocène évoque les échelles et la chronologie de l’anthropisation prenant exemple le rôle des feux et incendies : l’approche géographique du feu « révèle (…) un objet souvent difficile à cerner, avec un certain paradoxe entre le caractère éphémère de l’objet lui-même et son omniprésence dans de environnements sur la planète. (…) Le rôle des feux dans l’anthropisation de la nature est multiple et se décline à différentes échelles.» La Nature en ville, grand sujet revenant à la mode dans les différents ateliers et publications universitaires français, est le deuxième point d’entrée de cette diversité. Les auteurs mettent en avant l’histoire de la nature en ville et son application géographique le tout en dizaine de pages. La notion de wilderness est particulièrement bien traitée et sous plusieurs aspects. Les auteurs se demandent si cette notion n’est pas dépassée, proposent une réflexion autour de l’inhabitée et inhabitable, et une construction de cette notion. Enfin, cette partie se termine sur onze pages traitant du tourisme de Nature : qu’est-ce que c’est ? Comment s’opère le renouvellement du tourisme de Nature et d’écotourisme ? Ou encore quelle production de Nature par et pour le tourisme ? « La nature est profondément fantasmée par les touristes qui y projettent un certain nombre de représentations qui sont construites a priori, souvent bien loin de ces espaces de nature. Ce sont ces représentations qui sont à l’origine de la pratique touristique et donc du déplacement vers la destination choisie mais aussi des mutations des espaces mis en tourisme. »

Perspectives inédites, nouveaux chantiers

Cette dernière partie de l’ouvrage propose des ouvertures intéressantes comme la Nature sous-marine, ou l’élément important de renaturation de la Nature. « Le paradoxe de la renaturation est pourtant qu’elle cache en réalité un aménagement anthropique, peut-être tout autant arbitraire que celui qu’elle prétend « effacer », et surtout qu’elle repose sur on ne sait quelle idée de la « nature » : naturelle ? sauvage ? la nature des écologues ? la nature des biologistes ? la nature du paysagiste etc. » Enfin le livre se termine sur l’esthétisation et la scientification de la nature.

Ce manuel de concours propose des pistes très sérieuses de travail. Plutôt bien fait, j’apprécie tout particulièrement son format facile à transporter. Solide ouvrage de base d’introduction au concept de Nature en géographie, il mérite d’être lu et complété afin de visualiser de façon générale cette question de géographie thématique proposé au concours de l’agrégation de géographie.