Dimensions : 16,1 x 1,8 x 24,1 cm
Il est à noter que cet ouvrage est publié en collaboration avec la revue Moyen-Orient, dont Frank Tétart fut le rédacteur en chef.
Voici la présentation de l’ouvrage par l’éditeur :
Arabie saoudite, Émirats arabes unis, Koweït, Oman, Qatar, Yémen : la péninsule Arabique a toujours constitué un lieu de passage entre Europe, Afrique et Asie. Berceau de l’islam, dont elle abrite les villes saintes de La Mecque et Médine, son espace s’est construit au gré des intérêts géopolitiques, si bien qu’il est à présent au cœur de la mondialisation des échanges.
Espace convoité, son attractivité économique et stratégique a fait émerger de nombreuses tensions entre les États de la zone et a exacerbé les fractures existantes aux niveaux religieux (chiites/sunnites), ethnique (Perses/Arabes) et politique (Iran/Arabie saoudite). Parallèlement la péninsule, confrontée au défi de la fin de la rente pétrolière, doit entreprendre une diversification rapide de son économie.
Pour saisir les spécificités de cet espace-clé, cet ouvrage propose une géographie complète à la fois géohistorique, géoéconomique et géopolitique de ce qui constitue aujourd’hui le véritable cœur du Moyen-Orient.
On constatera – comme l’indique d’ailleurs le sous-titre : « cœur géopolitique du Moyen-Orient » – que l’auteur ne se cantonne pas à la stricte péninsule arabique, mais conçoit largement son sujet, dans ses rapports avec ses voisins moyen-orientaux, mais aussi dans un cadre mondialisé. Un bon point pour lui ! En doutait-on ? C’est d’ailleurs ainsi que Frank Tétart ouvre son livre.
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L’ouvrage est organisé en sept chapitres :
Chapitre I. La péninsule arabique, un espace convoité
Ce chapitre initial délimite les contours géographiques de la région étudiée puis en présente les dynamiques historiques : la péninsule est un espace qui « fut de tout temps convoité ». Les aspects géologiques permettent de donner un cadre avant que l’auteur n’analyse la notion de Moyen-Orient comme une représentation géopolitique. La péninsule jouit en effet d’une position stratégique : ce fut jadis en raison du commerce de l’encens, puis rapidement de tout le commerce avec l’Ouest, verrou de l’Inde et du canal de Suez, et enfin des ressources pétrolières.
Chapitre II. Une masse déserte bordée de mers
Les caractéristiques du milieu sont ensuite présentées. L’auteur analyse les contraintes qui s’imposent à la vie humaine, sans toutefois se limiter à la seule aridité, dont on dénonce à juste titre la « dictature ». L’encadrement maritime d’une péninsule ouverte sur trois côtés est ensuite analysé. Enfin, les ressources – ou parfois le manque de ressources – sont présentées, notamment hydriques et alimentaires.
Chapitre III. La péninsule arabique : l’unité par les hommes
Le monde arabe déborde largement, aujourd’hui, la péninsule arabique. Pourtant, celle-ci en fut le berceau historique. La présence humaine, très anciennement attestée, est marquée des caractéristiques spécifiques, tribales, nomades et, naturellement, musulmanes. L’islam est né dans la péninsule et continue de marquer fortement les sociétés. Cœur du monde arabe, nomade et tribal, la région est aussi – surtout ? – le cœur de l’islam. Pourtant, derrière une unité de façade, l’islam est multiple (sunnisme, chiisme, ibadisme, kharidjisme, soufisme… sans compter les écoles sunnites, dont le hanbalisme, dont dérive lui-même le wahhabisme… ouf !). Il n’en reste pas moins que la péninsule est le foyer pivot de l’islam, bien qu’elle n’en forme plus, de nos jours, les bataillons les plus nombreux.
Chapitre IV. Le morcellement étatique de la péninsule arabique
L’organisation politique de la péninsule est sortie assez récemment – et incomplètement – du tribalisme. Longtemps « objets de politiques impériales », les sept Etats concernés ne se sont réellement constitués que dans la deuxième moitié du XXe siècle, à la notable exception de l’Arabie Saoudite, plus précoce (1932). L’auteur présente successivement les Etats de la région, en commençant en toute logique par le « géant aux pieds d’argile », l’Arabie saoudite. Viennent ensuite les Emirats du Golfe (dont les EAU, le Qatar, Bahreïn), Koweït, le sultanat d’Oman et la seule République de la région, le Yémen.
Chapitre V. Le nœud pétrolier du monde
C’est bien sûr le pétrole qui marque réellement l’entrée de la péninsule dans les flux commerciaux mondiaux. Depuis lors, et encore aujourd’hui, c’est le facteur structurant de la région, « en raison de l’accumulation financière et des transformations économiques et sociales qu’il induit ». Frank Tétart présente les grandes caractéristiques du premier pôle pétrolier mondial ; il analyse ensuite en quoi la rente pétrolière (et/ou gazière) constitue le levier de transformations économiques, sociales, territoriales, géopolitiques. Le pétrole constitue à la fois un facteur de dépendance et de rivalités : n’est-il pas un puissant facteur de déstabilisation ?
Chapitre VI. Un espace dans la mondialisation : de la rente à la diversification
La péninsule arabique est ainsi fortement intégrée aux processus de mondialisation, notamment le Golfe Persique (ou Arabique, ou Arabo-Persique, ou le Golfe tout court !), et l’emblématique Dubaï. Les différents modes d’insertion dans la mondialisation sont passés en revue : le commerce (Dubaï, les zones franches), l’image (tourisme et sport), la culture (la « Sorbonne des Sables », le Louvre Abou Dhabi), les réseaux aériens (le hub touristique), les flux humains (les différents types de migrations). La conclusion insiste sur la critique – par les populations locales – de ce modèle peut-être trop occidental ou ultra-libéral.
Chapitre VII. Un espace sous tensions
Mais cette richesse exacerbe les rivalités entre acteurs, générant des tensions, entretenant des fractures, surtout politiques et religieuses. « L’unité ethno-religieuse n’est donc que de façade et ne résiste pas aux velléités et ambitions des grands acteurs régionaux ». La religion parait en effet instrumentalisée au profit de projets de puissance qui visent à une certaine « hégémonie régionale ». L’auteur termine en rappelant, bien sûr, l’omniprésence américaine dans le Golfe. L’instabilité récurrente du Yémen – toujours de l’actualité la plus brûlante – conclut ce chapitre.
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Le cahier central cartographique présente l’avantage d’être tout en couleurs et constitué de cartes de grande qualité. Sa présence est très bénéfique, notamment en raison d’une certaine rareté des illustrations dans le texte, qu’on pourra regretter.
Les annexes sont constituées d’un index et d’une bibliographie, dont on s’étonne de la brièveté (34 ouvrages, 43 articles, 2 thèses) au regard de la richesse du propos de l’auteur… Vérification faite, il s’avère que de nombreuses références citées dans le texte sont purement et simplement absentes de la bibliographie, la rendant finalement peu opérationnelle. Notre excellent collègue, Christian Grataloup, par exemple, utilisé et cité en page 11, est absent en page 221, où il eût dû normalement figurer. C’est là un défaut dommageable pour un manuel de très bonne qualité par ailleurs.
On rajoutera, car cela s’est avéré exaspérant, la récurrence de fautes de frappe ou d’orthographe, manifestement passées au travers du crible de l’auteur et des éditeurs. Attention : rien à voir avec une copie d’élève ! J’en ai calculé la fréquence : une faute toutes les huit pages environ. Rien de bien pendable, donc. Mais il est vrai que cela ne cadre guère avec l’auteur ni avec l’éditeur. La réputation de sérieux de l’un comme de l’autre n’est plus à établir. Reste à en espérer une deuxième édition, revue, corrigée, à la bibliographie augmentée.
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Ces réserves ne doivent pas constituer l’arbre qui cache la forêt. Cet ouvrage est très bien fait, très utile, pour un espace dont on parle souvent sans vraiment le connaître. L’auteur, fort bien documenté, connait son sujet et le présente de façon synthétique et convaincante. Il faut donc recommander ce livre pour une première analyse sérieuse de la péninsule arabique. Il remplira parfaitement son rôle.
Christophe CLAVEL
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