Ce petit ouvrage de Laure DelaclocheJournaliste indépendante, membre du collectif de journalisme de solutions Solvo. Elle vit au Liban depuis 2021. est « un guide de voyage interculturel », une invitation à découvrir et mieux comprendre ce petit pays pris dans la tourmente du Proche Orient.

Explorer la complexité sociale du Liban

La complexité sociale et  religieuse peut surprendre sur un si petit territoire, environ deux départements français, avec des contrastes, mais un vécu commun.

Sans nier l’instrumentalisation politique de la religion, dès le XIXe siècle, l’autrice décrit les différentes communautés tant chrétiennes que musulmanes qui expliquent la force des communautés familiales. Les calendriers religieux marquent le temps social.

En 1936, sous le mandat français, dix-huit confessions religieuses12 chrétiennes, 5 musulmanes et 1 juive. sont recensées par l’État. L’appartenance religieuse est inscrite sur l’acte de naissance de chaque Libanais, fut-il athée. Cette appartenance ouvre à des droits civils différents, notamment en matière de droit de la famille.

Le fort communautarisme s’accompagne souvent de préjugés voire d’hostilitéGuerre civile 1975-1990, il n’exclut pas de fortes inégalités sociales et une diversité ville-campagne.

L’autrice entend aussi montrer ce qui réunit les Libanais : des lieux comme les universités, l’école publique, un rapport à la foi, au jeûne.

Les aïeux phéniciens des Libanais

Ce mythe fondateur a la vie dure et s’appuie, en partie, sur l’œuvre de Renan. Le « phénicianisme » rappelle un passé prestigieux (invention de l’alphabet, commerce), présent sur de nombreux sites archéologiques.

Le Liban est surtout depuis la plus haute antiquité un lieu de passage, conquis et reconquis au fil du temps, ce qui explique les nombreux héritages : Byzance, les califats omeyyades et abbassides, les croisés francs, Mamelouks et Ottomans.

L’autrice évoque la question de la langue arabe qui est, par exemple, la langue de la messe chrétienne depuis la fin du XVIIIe siècle.

La conflictualité entre communautés est ancienne, entre la côte et la région du Mont Liban. S’appuyant sur les travaux de Gorges CormÉconomiste et historien, est consultant auprès de divers organismes internationaux et professeur d’université. Il est l’auteur de nombreux ouvrages consacrés aux problèmes du développement et du monde arabe., l’autrice retrace, à grands traits, l’histoire du Liban et notamment pour la période contemporaine le projet de Grande Syrie sous le mandat français, le pacte d’indépendance nationale de 1943 et la guerre civile entre 1975 et 1990.

Le Liban et la France

L’autrice montre la relation particulière entre les deux pays, du mandat français aux relations personnelles de Jacques Chirac avec Rafic HaririPremier ministre de 1992 à 1998, puis de 2000 à 2004, assassiné en 2005, sans oublier la présence franque sur deux siècles avec les Croisades et les échanges entre François 1er et l’empire ottoman, avant que la concurrence franco-anglaise au XIXe siècle ne vienne troubler la montagne libanaise.

L’organisation de la société en fonction de la religion date de la domination ottomane. Elle a été renforcée sous le mandat français en ancrée dans la constitution.

Les étapes de la revendication de l’indépendance sont marquées par la Seconde Guerre mondiale.

Les langues éclairent les racines culturelles

Dis-moi quelle(s) langue(s) tu parles, je te dirai à quelle communauté tu appartiens. Français, anglais, arabe levantin, le Liban est marqué par le multilinguisme. Les emprunts entre langues sont fréquents.

L’accueil selon les Libanais

L’accueil du touriste est sympathique, il est une manne économique. L’autrice décrit l’hospitalité libanaise : le partage du café, le rôle de la table, la cuisine, mais aussi les droits et devoirs de l’invité. L’autrice donne quelques clés utiles d’interculturalité.

La famille d’abord

La famille est plutôt traditionnelle. L’aîné y a une grande place. C’est un système de soutien et d’assurance.

Une sécurité, mais aussi un contrôle et une contrainte pour chacun de ses membres ; le mariage est toute une affaire.

Les marqueurs culturels

Ce chapitre propose un petit lexique des expressions courantes de la convivialité, une leçon d’interculturalité.

Sur les traces de la guerre

Ce chapitre est consacré à la guerre civile, souvenirs dramatiques ravivés, en 2020, par l’explosion du port de Beyrouth.

La guerre civile est encore visible dans les rues. Elle est à relier aux conflits du Proche-Orient et à la question palestinienneMassacre de Sabra et Chatila en septembre 1982 sur fond de lutte entre Chrétiens et Musulmans. Le rôle des milices est au cœur de cette guerre, prolongée par des attentats et l’influence étrangère.

La diaspora

De nombreux Libanais ont fuit leur pays, la guerre, la pauvreté. C’est un phénomène ancien, dès le XVIe siècle certains s’installent à Marseille. On compte entre 12 et 15 millions de Libanais hors du Liban, sur le continent américain, dans les pays du Golfe, en Europe… C’est une diaspora d’autant plus solidaire que le départ est récent et non définitif.

Pourtant, l’image du pays est souvent décalée comme celle des Libanais qui voient dans le migrant un homme riche.

Quelques proverbes…

Trois courts chapitres proposent une pose sourire, dans ce petit guide, pour mieux se connaître.

Du vécu

En cinq chapitres, l’autrice dresse le portrait de quelques Libanaises et Libanais, des témoignages, du vécu.

On rencontre Emma, mère de quatre enfants, née en 1939 raconte sa vie d’une mère libanaise dans la guerre, une histoire de fuite entre solidarités familiales et amitiés franco-libanaises.

Vivre dans la banlieue de Beyrouth aux mains du Hezbollah, en 2021, entre violences, difficultés du quotidien et rêve d’Europe.

Marie-Chantal est employée de maison venue du Cameroun, une forme d’esclavage moderne.

Les vicissitudes du mariage intercommunautaire de Vanessa et Wian qui, pour se marier civilement doivent aller à Chypre.

Fayrouz, la chanteuse libanaise, devenue un symbole du Liban, une chrétienne qui est devenue la voix du monde arabe.

L’ouvrage se termine par l’évocation d’une danse et d’un lieu, ainsi qu’une bibliographie et filmographie.

Voilà une synthèse historique et anthropologique, facile à lire et non dénuée d’humour est destiné, comme l’indique la postface de Dima de Clerck Historienne, enseignante universitaire et chercheure associée à l’Institut français du Proche-Orient. Elle est notamment la coautrice de Le Liban en guerre (1975-1990) aux Français, aux francophones et à la diaspora libanaise pour  une approche loin des clichés.