Christophe Burgeon est doctorant et agrégé d’Histoire, titulaire d’un DEA en Relations internationales. Il est l’auteur d’un ouvrage consacré à la Troisième Guerre punique et à la destruction de Carthage. La Troisième Guerre punique et la destruction de Carthage, Academia, 2015, 190 p., 20 €.

La première guerre qui éclata entre Rome et Carthage durant vingt-quatre ans (264–241 av. J.C.), quasiment sans interruption. L’historien grec Polybe l’a décrite comme la plus longue, la plus continue et la plus étendue. Ce conflit majeur n’opposa pas deux cités, en l’occurrence Rome et Carthage, mais deux empires dont chacun avait ses alliés, ses adversaires, ses intérêts. De plus, ce conflit révéla le moment crucial où Rome ambitionna de devenir une puissance extra-italienne puisqu’elle avait, pour objectif principal, la conquête de la Sicile.

La Sicile représentait, stratégiquement, une position centrale en Méditerranée. Elle était, à la fois, tournée vers l’Occident et l’Orient. L’île revêtait pour les Carthaginois une importance géostratégique majeure puisqu’elle permettait aux commerçants et navigateurs puniques de s’assurer de toutes les routes maritimes. Pour Rome, encore plus que pour Carthage, cette île représentait par conséquent une nouvelle étape cruciale de son expansion territoriale, puisqu’elle créait un avant-poste la protégeant de ses adversaires africains.

La Sicile ne constituait pas une nation unie. Elle était divisée en trois ensembles distincts : les terres grecques ou hellénisées (le royaume de Syracuse principalement) enracinées dans le substrat indigène, le territoire punique qui se formait d’un chapelet de villes à l’ouest et au centre de l’île, enfin, la zone placée sous le commandement des mercenaires campaniens sous le contrôle de la ville de Messine.

Malgré la victoire de Pyrrhus sur leur territoire, les Puniques sortaient renforcés de cette guerre. Ils disposaient en effet dans l’île d’importants effectifs militaires et un grand nombre de cités siciliennes étaient passées dans leur camp. Même si, selon l’auteur, les Carthaginois ont très tôt versé dans l’impérialisme, ils semblaient répugner, la plupart du temps, aux risques et aux dépenses excessives, notamment dans le domaine militaire. C’est ce qui pourrait expliquer le fait qu’ils ont montré une grande passivité au début de la Première Guerre punique, guerre, qu’il n’avaient sans doute pas souhaitée.

Pour Christophe Burgeon, les anciens mercenaires campaniens d’Agathocle de Syracuse furent indirectement les instruments de la pénétration romaine en Sicile. Après s’être emparés de l’appareil politique et militaire de Messine vers 285 av. J.C., ces soldats, placés sous la tutelle romaine, se rallièrent à Rome à la veille de la Première Guerre punique.

Ce conflit, Rome le débuta sur mer, le poursuivit sur terre et sur mer et l’acheva sur mer. Si les armées romaines, habiles sur les champs de bataille terrestres, peinèrent à rivaliser avec leurs rivales puniques sur les mers, c’est pourtant sur le sol punique qu’elles connurent leur principale défaite, et sur les eaux qu’elles remportèrent la bataille finale.

Au moment où débuta la Première Guerre punique, la puissance de la cité de Didon bénéficiait de plusieurs atouts : richesse liée à l’electrum, efficacité de sa diplomatie culturelle. Quant à son armée de terre, elle pouvait compter sur les divers approvisionnements nécessaires à une guerre et sur l’aide d’une réserve importante de mercenaires libyens. Cependant, comme le démontre l’auteur de cet ouvrage, outre l’hétérogénéité de son armée, le conflit fit apparaître plusieurs faiblesses parmi lesquelles des erreurs flagrantes de commandement et de disposition des armées.

Tout au long des pages de ce livre, Christophe Burgeon remarque que la marine ne joua qu’un rôle mineur dans la conquête de l’Italie par Rome. Nous remarquons que l’Urbs, dès le début de la première guerre punique, possédait déjà une marine de guerre performante qui n’avait plus rien à envier à son homologue punique. Carthage avait conquit la mer, connaissait davantage de réussite dans les activités commerciales que dans le métier des armes. A contrario, c’est la marine de guerre romaine qui fut la véritable clef de voûte de l’armée romaine.

Pour des raisons sans doute plus économiques que militaires, Carthage se résolut à mettre fin au conflit et à accepter les clauses du traité de Lutatius. La Sicile, à l’exception notable du royaume de Syracuse, fut transformée en province romaine. En 241 av. J.C., Rome dominait le bassin de la Méditerranée occidentale et disposait désormais d’appuis terrestres au sud de la péninsule. Consciente de sa force nouvelle, la République romaine allait pouvoir désormais user de sa puissance maritime pour poursuivre son expansion terrestre.

Cet ouvrage, en définitive agréable à lire, nous présente sous un jour nouveau l’origine de la Première Guerre punique dont la Sicile représentait l’objectif majeur pour la jeune République romaine. Le récit des batailles et les techniques de combats, notamment maritimes, intéresseront au plus au point les amateurs d’histoire militaire.