L’approche est commune avec tous les autres opus. Elle se fait sous la forme de contributions d’auteurs de différents horizons qui se sont réunis en janvier 2007 pour un colloque intitulé « Une nouvelle présidence impériale ? Les transformations du système politique américain depuis le 11 septembre. ». Il n’empêche, il s’agit d’un ouvrage complémentaire, absolument indispensable pour maîtriser la question de la présidence impériale et de pouvoir aussi comprendre les enjeux politiques ayant cours aux Etats-Unis aujourd’hui.
La notion de présidence impériale, qui est l’œuvre de Arthur M. Schlesinger est fortement discutée tout au long des pages de cet ouvrage. Il s’agit avant tout d’une construction historique initiée par Franklin D. Roosevelt, caractérisée par la multiplication des agences de l’administration présidentielle mais aussi par l’apparition des mass-media et un contexte international nouveau qui trouve son origine dans les affres de la guerre froide à commencer par la Guerre de Corée, avant d’être généralisée lors de tous les conflits du XX° et XXI° siècles. La théorie de « Checks and balances » de la Constitution américaine qui devait théoriquement équilibrer les pouvoirs politiques s’est trouvée totalement repensée au fur et à mesure de l’empiétement du pouvoir exécutif sur les autres. Ainsi les auteurs se posent deux questions centrales : « Quels sont les antécédents et les raisons de son apparition ? Comment s’est noué le débat autour de cette expression d’A. Schlesinger et dans quelle mesure elle est contestable ? ».
Ces questions trouvent des réponses au fil des pages. Schlesinger, ancien conseiller de Kennedy, faisait une corrélation entre personnalité des présidents et la montée de la présidence impériale, surtout en temps de guerre. Outre le fait que les guerres ne peuvent pas tout expliquer (le New Deal de Roosevelt n’en est pas une), les présidents « impériaux » de Johnson à Bush peuvent apparaître comme de simples exécutants de courants politiques forts comme les néo-conservateurs dans l’Amérique d’aujourd’hui. L’ouvrage fait état des opinions des spécialistes de chaque camp sur la nécessité d’un pouvoir exécutif fort. Certains auteurs insistent sur son importance pour dépasser les envies d’immédiateté du peuple en étant « antidémocratique » quand il le faut. Le contexte actuel, depuis l’élection de novembre 2006 dans les deux chambres du législatif, tend à montrer que l’administration Bush a perdu certains moyens de sa présidence impériale.
Les approches historiques développées par Pierre Mélandri et Denis Lacorne sont utiles à plus d’un titre. Elles permettent de démontrer que le contexte historique de la mise en place d’une présidence impériale compte pour beaucoup. De même, l’équilibre des pouvoirs entre le Congrès, qui déclare la guerre, et le président, qui la fait, est mouvant. Tout en discutant les apports de la théorie de Schlesinger, on note que les rôles de l’opinion publique et des circonstances sont ainsi cruciaux. De plus, acquiescement souvent passif des deux autres pouvoirs est une donnée aussi incontournable. Les limites de cet impérialisme n’est donc que peu à chercher dans les différentes Cours et Congrès mais dans les relations de confiance entre le président et le peuple : « une garantie d’efficacité en échange d’une érosion des équilibres institutionnels et libertés individuelles sur lesquels la Constitution reposait ». Le contexte du 11 septembre permet ainsi d’expliquer très largement le retour en grâce de la « présidence impériale » après les affaires du Watergate et de Clinton. La menace du terrorisme international, l’arrivée au pouvoir des néo-conservateurs qui avaient du restreindre leurs opinions sous la présidence de Bush Sr comme Dick Cheney sont autant de circonstances exceptionnelles pour remettre au goût du jour « l’hyperprésidentialisation » du régime.
Ainsi pour Schlesinger ce qui est « intolérable, ce n’est pas l’existence d’une véritable prérogative présidentielle mais son excès et ses conséquences directes ».
Plus que ces contributions, il faut retenir de même les questions que les différents intervenants se posent et nous posent. La question centrale qui est de savoir si le système fonctionne quand même ne trouve que des interprétations que le lecteur pourra a sa guise faire sienne ou discuter. Le dialogue entre les racines même de la Constitution et la situation présente est un fil entretenu tout au long de l’ouvrage.. Cet « never-ending » Constitution ne délimite pas clairement les pouvoirs. Les bases de philosophie politique que nous apportent les intervenants sont très précieuses pour mieux comprendre les affres de la politique américaine et ses changements. De même, le rôle des médias est une constante de l’ouvrage et fait même l’objet d’une publication particulière « History versus Media Management as determinants of Presidential popularity » qui souligne la place du président comme grand ordinateur de la communication de la politique de la Maison Blanche. Il faut dire que la « guerre contre le terrorisme » a été du « pain bénit » pour les spin doctors de l’administration Bush. Enfin, la comparaison des dispositifs anti-terroristes entre la France et les Etats-Unis clôt l’ouvrage et complète d’autres approches plus basiques qui appellent aux connaissances du lecteurs français.
Cet ouvrage, écrit en anglais et en français apparaît ainsi comme une véritable occasion, en ces temps de course à la Maison Blanche, de mieux comprendre les enjeux politiques centraux des Etats-Unis aujourd’hui. Les relations entre les différents acteurs du pouvoir (exécutif, législatif et judiciaire mais aussi les médias et le peuple) éclairent parfaitement les à-coups de la politique intérieure et extérieure de cette hyperpuissance. D’une lecture aisée et stimulante, les candidats aux concours de l’éducation nationale mais aussi les professeurs du secondaire y trouveront des informations et des réflexions de première importance.
@Clionautes