La religion interdite
Après un rappel concis de l’émergence et de la diffusion des idées de Luther et Calvin dans le royaume de France, des guerres de religion à l’édit de Nantes et sa révocation, l’auteure traite des conséquences de l’édit de Fontainebleau. Les choix qui s’offrent aux Huguenots sont rigoureux: la conversion, la fuite vers le refuge genevois ou hollandais ou la résistance discrète au « désert » en particulier en Languedoc.
Ce récit des faits est étayé de quelques extraits bien choisis comme les notes d’un notable NC nouveau converti sur les assemblées du printemps 1686 en Cévennes.
Poursuivant les pressions antérieures à 1685, les dragonnades, la riposte des autorités est brutale et peu efficace suivant le bilan fait par les intendants en 1698: assemblées clandestines, peu de pratique religieuse des NC nouveau converti, politique répressive à l’égard des enfants illustrée par le récit de son enfance fait par Elie Marion 1678-1713, un des chefs de la révolte, réfugié à Londres en 1707 qui met en évidence l’état d’esprit de la génération de la révocation qui va incarner les « inspirés » et la révolte.
La guerre des camisards
Les événements bien que localisés dans le temps et l’espace ne sont pas sans quelques liens avec la guerre de Succession d’Espagne. Le récit des principaux événements militaires du meurtre de l’abbé du Chayla, inspecteur des missions en Cévennes le 24 juillet 1702 aux redditions de l’automne 1704 et les quelques rebonds jusqu’en 1710 méritait une carte plus lisible que celle qu’on découvre en fin d’ouvrage. Ce qui domine est l’escalade de la violence entre les agissements des jeunes cévenoles et les autorités militaires et religieuses du Languedoc. L’auteure évalue les forces en présence: jeunes ruraux, souvent artisans du textile en groupes de quelques centaines face aux 20 000 hommes des troupes royales assistées des milices catholiques bourgeoises.
Après un bilan chiffré des pertes huguenotes l’auteure revient sur cette « guerre pas comme les autres » aux yeux des contemporains: première guérilla moderne? Plus que jacquerie sur le modèle ancien ce qui marque la différence est le rôle des « inspirations » mystiques dans la conduite des opérations et le but: retrouver la liberté de conscience et de culte quand la répression peut être assimilée à une croisade.
La légende des camisards
Reprenant le titre de Philippe Joutard, il s’agit de montrer que, dès les événements, on a assisté à une mise en mots dans chaque camp du côté huguenot – Théâtre sacré des Cévennes paru en 1707 ; côté catholique – Histoire du fanatisme renouvelé paru en 1703 L’auteure recense les écrits anciens: témoignages, mémoires, récits construits comme celui d’Antoine Court paru en 1760 mais aussi à partir du XIXème siècle de nombreuses fictions françaises ou étrangères. La réhabilitation des camisards par la société d’histoire du protestantisme français a contribué dans les années 1880 à l’émergence d’une identité cévenole mais aussi à une « contre-histoire catholique dans les années 1910-1920.
Enfin depuis les années 1970 c’est un véritable retour des camisards en littérature Chabrol, Chamson, Olivier-Lacamp et dans les travaux des historiens Joutard, Ducasse, Bosc. La mise en valeur récente de lieux de mémoire s’inscrit dans un mouvement dont les premières manifestations remontent aux années 1880 et qui rappelle la force des mémoires familiales, souvent revisité dans les mouvements de Résistance.
Un petit livre précis, facile à lire et illustré de courts documents tout à fait exploitable.
Christiane Peyronnard