Un an après avoir publié aux éditions Calmann Lévy La parenthèse libérale, ouvrage déjà chroniqué dans les colonnes de ce site, Jean-Baptiste Noé publie aujourd’hui, en collaboration avec Victor Fouquet Doctorant en fiscalité, chercheur associé à l’institut Sapiens, chroniqueur de la revue Conflits et chargé de cours à l’université Paris Sorbonne, une brève histoire de l’impôt à travers les révoltes fiscales qui ont jalonné l’histoire des sociétés et des Etats occidentaux depuis l’Antiquité.
Partant du constat du détournement qu’a représenté l’instauration en France de l’Etat providence à la sortie de la seconde guerre mondiale pour des vertus héritées de notre passé gréco-romain comme la solidarité « L’Etat providence et l’imposition-spoliation n’ont rien à voir avec la solidarité vraie. Au contraire, les systèmes d’Etat-providence sont les moins solidaires qui soient. Puisque tout est « gratuit », puisque tout est payé, tout devient dû. La solidarité chavire et disparait dans la corruption des moeurs par la fiscalité excessive » in Victor Fouquet, Jean-Baptiste Noé, La révolte fiscale, Calmann-Lévy, p.28 du risque grandissant que fait peser l’inflation continue de la fiscalité sur la cohésion nationale, Jean-Baptiste Noé et Victor Fouquet se proposent de définir par l’exemple historique et la réflexion philosophique et économique une esquisse de l’impôt libéralement juste. Proposition qui rencontre un écho particulièrement prégnant. Sentiment renforcé pour les auteurs et Olivier Babeau, directeur de l’institut sapiens et préfacier de l’ouvrage par la première place qu’occupe la France en Europe sur l’échelle de la pression fiscale avec des prélèvements obligatoires représentant 48.4% du PIB en 2017.
Particularisme des ouvrages écrits à quatre mains, les chapitres alternent entre narration des révoltes fiscales passées, oeuvre de Jean Baptiste Noé, et analyse sous le prisme libéral de la notion d’imposition et plus généralement de fiscalité, rédigée par Victor Fouquet.
Ouvrant le propos de l’ouvrage à proprement parler, Jean Baptiste Noé revient sur l’évolution notable qu’a connu l’impôt depuis la Révolution Française, passant d’outil servant à financer les services de l’Etat à un « outil pour façonner les personnes et la société » Ibid.,p. 61. L’histoire occidentale, et particulièrement l’histoire française, a été émaillée de révoltes fiscales témoignant de la modernisation de la société, ce qui questionne le rapport de la société à la fiscalité, un rapport changeant à travers les décennies et les clivages idéologiques. Victor Fouquet nous rappelle d’ailleurs que les mouvements socialistes communiaient à leur origine dans l’antifiscalisme « attribut par excellence de la puissance publique » Ibid., p. 68, et que l’impôt sur le revenu fut ardemment soutenu par des libéraux, prenant exemple sur l’Income Tax britannique.
De la ligue de Délos et l’hubris qui frappa Athènes aux révoltes fiscales de l’an 1382, en passant par Rome et la sur-fiscalisation qui entraina la chute de la cité du Latium, Jean-Baptiste Noé revient sur les grandes émotions populaires et révoltes fiscales qui marquèrent résolument les évolutions sociales et politiques des nations occidentales, de l’Antiquité à l’époque moderne et notamment la France, à l’image de la Fronde ou de la révolte fiscale des Bonnets Rouges en Bretagne, qui sonnera le glas du particularisme dans un pays sur la voie de la centralisation. Cette modernisation de l’appareil d’Etat sera appuyée dans le domaine fiscal par le projet de dîme royale de Vauban, que l’on peut rapprocher fortement, dans ses principes Abolition des exemptions fiscales et mise en place d’un impôt universel et proportionnel sur la base d’un taux unique de la flat tax. Loin d’être une histoire du passé, Jean-Baptiste Noé affirme la prégnance dans les sociétés occidentales des crises et révoltes fiscales ainsi que leur influence grandissante dans les évolutions sociétales et les choix électoraux. A l’image de « l’hiver du mécontentement » qui porta en 1979 Margaret Tatcher au pouvoir au Royaume Uni et, plus récemment, du Tea Party fondé en 2009 en rejet des réformes fiscales de l’administration Obama qui participa à l’élection de Donald Trump en 2016.
Le dernier quart de l’ouvrage est principalement rédigé par Victor Fouquet qui focalise davantage son attention sur le développement de propositions pour une réforme fiscale d’envergure en France, à l’aune du libéralisme. A travers la critique de l’impôt sur le revenu qui doit être entièrement repensé si ce n’est supprimé, ou encore la dénonciation de l’imposition sur l’héritage, Victor Fouquet nous invite à reconsidérer le système fiscal pour ce qu’il a cessé d’être à ses yeux : un outil au service du financement de l’Etat.
Creusant le sillon de la critique fiscale d’inspiration libérale, Jean-Baptiste Noé et Victor Bouquet offrent ici au lecteur convaincu un essai rafraichissant et un sujet de discorde pour les défenseurs du système social français, bien plus nombreux. Quelque soit l’opinion à laquelle se rangera l’observateur, force est de constater que l’exercice auquel les deux auteurs se sont livrés est réussi.